Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/11  du jeudi 20 juin 2002




Travail de nuit

MINISTÈRE DE L’EMPLOI
ET DE LA SOLIDARITÉ
Direction des relations du travail

Sous-direction de la négociation collective
Bureau de la durée et de l’aménagement
du temps de travail (NC2)

Circulaire DRT no 2002-09 du 5 mai 2002 relative
au travail de nuit
NOR :  MEST0210106C

(Texte non paru au Journal officiel)

La ministre de l’emploi et de la solidarité à Madame et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; Madame et Messieurs les directeurs régionaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.
    La loi no 2001-397, relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, du 9 mai 2001, permet de mettre le droit national en conformité avec la législation européenne tout en encadrant strictement par des dispositions protectrices le recours au travail de nuit.
    En effet, l’article L. 213-1 du code du travail affirme le principe général selon lequel le recours au travail de nuit doit être exceptionnel. Il ne sera donc désormais possible de recourir exceptionnellement ou durablement à cette forme de travail que si cela est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
    Le caractère exceptionnel peut être regardé par rapport à un secteur particulier (par exemple, les discothèques, les casinos, les hôpitaux...) pour lequel le travail de nuit est inhérent à l’activité. Pour les autres secteurs, le recours au travail de nuit doit être lié à l’examen préalable des autres possibilités d’aménagement du temps de travail. De plus, les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs devront être pris en compte. Ainsi, les critères de rentabilité des investissements ne sauraient être les seuls qui seront retenus.
    Tous les secteurs sont concernés par cette nouvelle législation, à l’exception, toutefois, du personnel roulant et navigant du secteur des transports, exclu de la législation sur le travail de nuit par la loi de modernisation sociale. Le personnel sédentaire de ce secteur est, quant à lui, visé par le champ de la loi du 9 mai 2001.
    La mise en place structurelle du travail de nuit dans une entreprise ou un établissement ou son extension à de nouvelles catégories de salariés est désormais subordonnée à la conclusion préalable d’une convention ou d’un accord collectif. Il peut s’agir soit d’un accord de branche étendu, soit d’un accord d’entreprise ou d’établissement.
    La nouvelle législation permet de définir le travailleur de nuit et prévoit une série de dispositions relatives aux contreparties et garanties qui encadrent le recours au travail de nuit. Le décret no 2002-792 du 3 mai 2002 publié au Journal officiel du 5 mai 2002 a permis de préciser 4 points :
    -  la définition du travailleur de nuit (sur une période de douze mois consécutifs) ;
    -  les conditions de dérogation à la durée maximale quotidienne de 8 heures ;
    -  les conditions d’affectation de travailleurs à des postes de nuit par l’inspecteur du travail ;
    -  les modalités de la surveillance médicale instaurée en faveur de tous les travailleurs de nuit.
    L’ensemble de ces nouvelles dispositions est codifié aux articles L. 213-1 à L. 213-5 et R. 213-1 à R. 213-8 du code du travail.
    Les anciens articles R. 213-1 à R. 213-3 qui portaient sur le travail de nuit des femmes sont abrogés implicitement par ces nouvelles dispositions, aucune distinction n’étant désormais opérée dans ce domaine selon le sexe.
    La présente circulaire a pour objet de préciser les nouvelles définitions du travail de nuit et du travailleur de nuit (I), ainsi que les nouvelles garanties et contreparties dont bénéficient les travailleurs de nuit (II). Elle détaille également les dérogations d’ordre conventionnel ou administratif à certaines dispositions (III) et établit enfin l’état des nouveaux pouvoirs de l’inspecteur du travail en matière de travail de nuit.

1.  Le code du travail définit désormais les notions
de travail de nuit et de travailleur de nuit

    L’article 17 de la loi du 9 mai 2001 modifie les dispositions de la section I du chapitre III du titre premier du livre II du code du travail, intitulée désormais « dispositions générales ».
    Le travail de nuit est défini comme tout travail entre 21 heures et 6 heures. Néanmoins, une autre période de neuf heures consécutives comprises entre 21 heures et 7 heures mais intégrant en tout état de cause l’intervalle 24 heures - 5 heures peut être prévue par accord de branche étendu, par accord d’entreprise ou d’établissement.
    Le travailleur de nuit est :
    -  soit le ou la salarié(e) qui accomplit selon son horaire habituel, c’est-à-dire selon un horaire qui se répète d’une façon régulière d’une semaine à l’autre, au minimum trois heures, au moins deux fois par semaine, pendant la période de nuit définie précédemment ;
    -  soit le ou la salarié(e) qui accomplit pendant la même plage horaire, un nombre minimal d’heures pendant une période de référence donnée.
    Le nombre minimal d’heures de nuit et la période de référence sont fixés par accord collectif de branche étendu. A défaut d’accord, l’article R. 213-1 prévoit au moins deux cent soixante dix heures de travail sur une période quelconque de douze mois consécutifs. La qualification de travailleur de nuit devrait pouvoir être établie, dans la majorité des cas, au regard de la planification des horaires des salariés, a priori. Lorsqu’il n’est pas possible de la prévoir a priori, une régularisation doit avoir lieu dès lors qu’il est constaté que le salarié remplit les conditions pour être qualifié de travailleur de nuit, et en tout état de cause cette régularisation doit avoir lieu à la fin de la période de référence.

2.  Le code du travail contient désormais
des garanties et des contreparties pour les travailleurs de nuit
2.1.  Des durées maximales du travail spécifiques

    La durée maximale quotidienne du travail est fixée à huit heures. Elle s’entend comme 8 heures consécutives sur la période de travail effectuée par le travailleur de nuit, qui peut être comprise pour tout ou partie sur la période de référence du travail de nuit. Le repos quotidien de 11 heures doit être pris immédiatement à l’issue de la période de travail. Ainsi, un salarié qui travaillerait de 18 heures à 2 heures du matin ne pourrait pas reprendre son poste avant 13 heures.
    La durée maximale hebdomadaire moyenne sur douze semaines consécutives est abaissée à 40 heures pour les travailleurs de nuit.

2.2.  Des contreparties, notamment une compensation obligatoire
sous forme de repos

    Le principe de contreparties, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale est fixé à l’article L. 213-4. Il en résulte qu’une contrepartie en repos doit exister dans tous les cas. Ces contreparties concernent tous les salariés qui ont la qualité de travailleurs de nuit, quelle que soit la date de mise en place du travail de nuit dans l’entreprise ou l’établissement.
    Dans les entreprises dans lesquelles les salariés ne bénéficient pas d’ores et déjà d’une contrepartie sous forme de repos compensateur, l’employeur dispose d’un délai d’un an, jusqu’au 12 mai 2002, pour accorder cette contrepartie, soit par convention ou accord collectif de branche étendu ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Il appartient à l’accord collectif ou, à défaut, à l’employeur dans les conditions susvisées, de fixer les modalités de prise et de paiement de ce repos qui est intégralement rémunéré.

2.3.  Un recours obligatoire à la négociation collective

    S’agissant du recours obligatoire à la négociation collective, la loi évoque la mise en place du travail de nuit, au sens de l’article L. 213-2, c’est-à-dire au sens où des salariés seront qualifiés de travailleurs de nuit. Elle vise donc, dans ce cas, un recours structurel au travail de nuit.
    Dès lors, la mise en place du travail de nuit au sens où des travailleurs de nuit seront structurellement employés dans une entreprise ou un établissement ou son extension à des nouvelles catégories de salariés, après l’entrée en vigueur de la loi du 9 mai 2001, est subordonnée à la conclusion préalable d’une convention ou d’un accord collectif. La mise en place du travail de nuit dans l’établissement doit s’entendre, dans un établissement qui ne comporte aucun travailleur de nuit, comme l’embauche de salariés qui deviennent travailleurs de nuit ou le passage de salariés affectés le jour à des postes de travailleurs de nuit. Elle comprend également le cas de la création d’une entreprise qui souhaiterait mettre en place directement le travail de nuit.
    L’extension du travail de nuit à de nouvelles catégories de salariés doit s’entendre comme l’affectation de salariés, dans un établissement employant déjà des travailleurs de nuit, à des emplois dont les fonctions ou les tâches sont dorénavant remplies par des travailleurs de nuit. A titre d’exemple, dans un restaurant comportant un cuisinier, travailleur de nuit, le service étant assuré par l’employeur, l’embauche d’un serveur travailleur de nuit constituera une extension du travail de nuit à une nouvelle catégorie de salariés. Dans une entreprise industrielle pratiquant une organisation du travail en équipes successives, la création d’une nouvelle équipe s’analysera comme une extension du travail de nuit à de nouvelles catégories de salariés seulement si les tâches effectuées par cette nouvelle équipe sont nouvelles ou/et sont désormais effectuées par des travailleurs de nuit.
    L’accord collectif définira quels types d’emplois seront susceptibles de faire l’objet d’un travail de nuit et devra comporter les justifications du recours au travail de nuit, celles-ci devant correspondre à l’un des deux cas prévus au premier alinéa de l’article L. 213-1. Il sera soumis aux dispositions de l’article L. 132-26 du code du travail relatif au droit d’opposition.
    L’accord doit prévoir :
    -  les justifications du recours au travail de nuit, telles que visées au 1er alinéa de l’article L. 213-1 ;
    -  une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ;
    -  des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des travailleurs ;
    -  des mesures destinées à faciliter l’articulation de leur activité nocturne avec l’exercice de responsabilités familiales et sociales, notamment en ce qui concerne les moyens de transport ;
    -  des mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l’accès à la formation ;
    -  l’organisation des temps de pause, étant entendu que la pause prévue à l’article L. 220-2 du code du travail peut être incluse dans ces temps.
    Certaines dispositions peuvent être négociées soit par accord de branche étendu, soit par accord d’entreprise ou d’établissement. Le tableau suivant reprend cette distinction.

NÉGOCIATION POSSIBLE
seulement par accord de branche étendu
NÉGOCIATION DE BRANCHE
ou d’entreprise
Fixation du nombre minimal d’heures de travail de nuit + période de référence. Mise en place du travail de nuit structurel ou extension à de nouvelles catégories de salariés et clauses obligatoires définies aux articles L. 213-1 et L. 213-4
Dérogation à la durée quotidienne de 8 heures (conditions fixées aux articles R. 213-2 et R. 213-3) Période de travail de nuit autre que 21 h - 6 h (cf. 3.1.)
Dérogation à la durée hebdomadaire de 40 h (si les caractéristiques propres de l’activité le justifient) Le repos compensateur

    Dans le cadre de la procédure d’extension, si l’accord de branche prévoit le recours au travail de nuit au sens de l’article L. 213-2, il doit comprendre l’ensemble de ces clauses obligatoires s’il entend être d’application directe dans une entreprise voulant mettre en place le travail de nuit. La loi dispose clairement que ces clauses doivent être comprises dans l’accord collectif mettant en place le recours au travail de nuit.
    Si la branche ne définit pas toutes les clauses, l’accord ne sera d’application directe que dans les entreprises ayant déjà recours au travail de nuit, mais il ne permettra pas la mise en place du travail de nuit dans une entreprise ou son extension à de nouvelles catégories de salariés. Une réserve en ce sens sera faite dans l’arrêté d’extension de l’accord.
    La mise en conformité des accords conclus antérieurement à la nouvelle législation peut se faire dans les conditions suivantes.
    Les conventions et les accords peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois en vigueur mais ne peuvent déroger aux dispositions d’ordre public de ces lois. Ainsi, les accords collectifs, conclus antérieurement à la loi du 9 mai 2001 et prévoyant une activité de nuit, doivent renégocier sur les dispositions non conformes à la loi susvisée. Les nouvelles dispositions s’appliqueront dès la signature de l’accord aux signataires et aux autres entreprises relevant de la branche à compter de la publication de l’arrêté d’extension.
    Certains accords prévoyaient déjà une contrepartie au travail de nuit sous forme de repos sans indication précise sur la plage horaire. Cette contrepartie doit être étendue aux plages horaires 21 heures - 22 heures et 5 heures - 6 heures. Elle doit, en outre, être bien spécifique aux travailleurs de nuit.
    D’autres accords ne prévoyaient, quant à eux, qu’une majoration salariale. Dans ce cas, une contrepartie spécifique pour les salariés qualifiés de travailleurs de nuit, sous forme de repos compensateur, doit être négociée.
    Par ailleurs, la majoration sous forme de salaire des heures de nuit, a fortiori pour les salariés ne revêtant pas la qualité de travailleur de nuit, relève du domaine conventionnel et partant, les organisations syndicales conservent la faculté de les maintenir dans les conventions collectives, même en les conditionnant à la fourniture d’un travail durant la période allant de 22 heures à 5 heures.
    En revanche, si la convention collective fait seulement référence pour ces majorations au « travail de nuit », alors la nouvelle définition légale de la période de nuit s’applique.
    Enfin, lorsque l’horaire de travail d’un travailleur de nuit est inférieur à l’horaire collectif, l’écart ne peut être considéré comme une compensation en repos que si cette mesure s’applique uniquement aux travailleurs de nuit et représente un repos rémunéré.

2.4.  Des garanties sur le passage
entre un poste de jour et un poste de nuit

    Les travailleurs de nuit qui souhaitent occuper ou reprendre un poste de jour ou les salariés occupant un poste de jour qui souhaitent occuper ou reprendre un poste de nuit dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise, ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à la même catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent. De plus, lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dépendante, le salarié peut demander son affectation sur un poste de jour, s’il est travailleur de nuit, ou refuser d’être affecté sur un poste de nuit, s’il travaille sur un poste de jour, sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement.

2.5.  Des garanties en matière de surveillance médicale
des travailleurs de nuit

    Tout travailleur de nuit bénéficie avant son affectation sur un poste de nuit, et à intervalles réguliers d’une durée ne pouvant excéder 6 mois, d’une surveillance médicale particulière. Parmi les travailleurs de nuit, seuls les salariés en équipes alternantes de nuit, en tout ou partie, étaient jusqu’à présent concernés par une surveillance médicale spéciale. L’article L. 213-5 comporte des dispositions concernant les salariés inaptes au travail de nuit. Lorsque l’état de santé du travailleur de nuit, constaté par le médecin du travail, l’exige, il doit être transféré à titre définitif ou temporaire sur un poste de jour correspondant à sa qualification et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé. L’employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du travailleur de nuit du fait de son inaptitude au poste comportant le travail de nuit à moins qu’il ne justifie par écrit de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de proposer un poste de jour correspondant à sa qualification et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé ou du refus du salarié d’accepter un tel poste qui lui a été proposé. Le médecin du travail est consulté avant toute décision importante relative à la mise en place ou la modification de l’organisation du travail de nuit.

2.6.  Des dispositions spécifiques pour les femmes enceintes

    Une femme enceinte ou venant d’accoucher doit, sur sa demande ou sur celle du médecin du travail, être affectée sur un poste de jour si le poste de nuit est incompatible avec son état. Ce changement d’affectation ne doit entraîner aucune diminution de rémunération et l’affectation dans un autre établissement est subordonnée à l’accord de la salariée.
    Si l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi, il doit faire connaître, par écrit, à la salariée ou au médecin du travail les motifs qui s’opposent au reclassement. Une suspension du contrat de travail est alors prévue, assortie d’une garantie de rémunération.
III.  -  LE CODE DU TRAVAIL PRÉVOIT DES DÉROGATIONS D’ORDRE CONVENTIONNEL OU ADMINISTRATIF À CERTAINES DISPOSITIONS

3.1.  Définition d’une autre période de référence
pour définir le travail de nuit

    Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit (L. 213-1-1). Cependant, ce même article prévoit qu’une autre période de 9 heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures et comprenant l’intervalle 24 heures - 5 heures peut y être substituée par accord collectif étendu, ou par un accord d’entreprise ou d’établissement.
    Les conditions posées par cet article n’ouvrent de fait qu’une seule autre possibilité pour établir cette période de référence : il s’agit de la période 22 heures - 7 heures.
    En l’absence d’accord collectif, cette substitution peut être autorisée par l’inspecteur du travail (cf. IV).

3.2.  Les dérogations à la durée maximale quotidienne de 8 heures

    La loi a prévu la possibilité de déroger à la durée maximale quotidienne de 8 heures. Cette dérogation à la durée quotidienne du travail peut être prévue par accord de branche étendu ou après autorisation de l’inspecteur du travail.
    Elle peut porter la durée maximale quotidienne à 12 heures.
    a)  Les dérogations « structurelles » à la durée maximale quotidienne de 8 heures (R. 213-2 et R. 213-4) :
    Cette dérogation peut se faire par accord de branche étendu dans les conditions cumulatives suivantes, précisées par les articles R. 213-2 et R. 213-4.
    La directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail prévoit en son article 17 une liste d’activités pour lesquelles la dérogation à la durée maximale quotidienne de 8 heures est de droit. Les Etats membres ne peuvent prévoir la dérogation que dans ces cas, mais il n’est pas obligatoire pour eux de reprendre la totalité de la liste des activités prévue par la directive. Le décret a retenu trois types d’activités parmi celles-ci. Il reprend, par ailleurs, seulement les grandes catégories d’activités définies dans la directive, sans procéder à l’élaboration d’une liste exhaustive des secteurs concernés pour chacune d’entre elles.
    En premier lieu, l’activité doit correspondre à l’un des cas suivants :
    1o  Les activités caractérisées par l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail du salarié ou par l’éloignement entre différents lieux de travail du salarié.
    Ce premier cas vise notamment les salariés qui travaillent sur des chantiers, ou par exemple pour les activités off-shore, ou les salariés qui sont amenés à se déplacer fréquemment au cours d’une même nuit, notamment dans le cadre de l’aide à domicile.
    2o  Les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes.
    Sont visés les salariés relevant par exemple des entreprises de surveillance.
    3o  Les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ou de la production, notamment pour les activités de manutention ou d’exploitation qui concourent à l’exécution des prestations de transport.
    Cette catégorie vise notamment les salariés du secteur sanitaire et social, ceux travaillant dans les ports et aéroports, les services de presse, de radio, télévision, postes et télécommunications, les services d’ambulance, de sapeurs pompiers ou de protection civile, les services de production et de distribution de gaz, d’eau ou d’électricité, les industries dans lesquelles le processus de travail ne peut être interrompu pour des raisons techniques, l’agriculture.
    Par ailleurs, les salariés des entreprises de transport sont intégrés dans le champ des dérogations possibles ouvertes par la directive 2000/34/CE du 22 juin 2000 qui modifie la directive 93/104/CE du 24 juin 1993 en en élargissant le champ, à l’exception toutefois des personnels roulants et navigants depuis la loi de modernisation sociale.
    Il s’agit ensuite de conditions liées aux contreparties.
    L’article R 213-4 dispose que des périodes de repos d’une durée au moins équivalente au nombre d’heures effectuées en application de la dérogation doivent être accordées aux salariés concernés par une dérogation à la durée de 8 heures.
    La période « au-moins équivalente » s’entend comme celle qui va au-delà des 8 heures consécutives. Ainsi, un salarié qui travaillera 10 heures aura droit à 2 heures de repos au minimum. Ce repos peut être assimilé à celui qui est prévu à l’article D 220-7 s’agissant de la réduction du repos quotidien de 11 heures à 9 heures. Si ce temps de repos n’est pas obligatoirement payé, il ne doit cependant pas modifier la rémunération du salarié. En effet, par exemple, si sa prise conduit à réduire la durée du travail effectuée une semaine par un salarié en deçà de la durée légale, cette réduction uniquement imputable à la prise du repos ne peut conduire l’employeur à opérer une retenue sur le salaire de l’intéressé.
    Par ailleurs, ce repos doit être accordé le plus près possible de la période travaillée, afin de permettre l’octroi d’un repos effectif.
    Enfin, à titre exceptionnel, lorsque ce repos ne peut pas être octroyé, une contrepartie différente mais permettant d’assurer une protection appropriée au salarié doit être prévue par l’accord collectif.
    L’octroi de périodes de repos ou exceptionnellement de contreparties différentes doivent permettre d’éviter une fatigue excessive qui pourrait notamment amener le salarié à se blesser ou à blesser une tierce personne, et pour éviter en tout état de cause de nuire à la santé des travailleurs, à court ou plus long terme, par suite de la fatigue ou de rythmes de travail irréguliers. A titre d’exemple, la protection appropriée pourrait se traduire par des temps de pause réguliers, notamment aux heures où le risque d’endormissement est le plus important, qualifiés de temps de travail effectif, un aménagement du poste de travail, ou encore l’aménagement de locaux adéquats pour que les salariés puissent se reposer pendant leur travail de nuit.
    b)  Les dérogations exceptionnelles (R. 213-3 et R. 213-4) :
    Il s’agit, en cas de circonstances exceptionnelles, de pouvoir déroger à la durée maximale de 8 heures.
    Ces circonstances sont définies comme étant étrangères à l’employeur, anormales et imprévisibles ou dues à des événements exceptionnels.
    Deux cas sont prévus par l’article R. 213-3-I :
    1o  La demande de dérogation doit être adressée par l’employeur à l’inspecteur du travail qui instruit le dossier (cf.  IV) ;
    2o  En cas de travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, prévenir des accidents imminents, réparer des accidents survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments, l’employeur peut déroger sous sa propre responsabilité aux dispositions de l’article L. 213-3 (cf.   IV).
    L’article R. 213-4 vise aussi le cas des dérogations exceptionnelles. En conséquence, un repos d’une durée au moins équivalente doit être accordé au salarié le plus près possible de la période travaillée, sauf si exceptionnellement l’octroi de ce repos n’est pas possible, auquel cas, une contrepartie équivalente sous une autre forme doit lui être accordée sous réserve que cette modalité ait été prévue par accord collectif. En l’absence d’accord d’entreprise, et si l’entreprise n’est pas couverte par une convention de branche qui prévoit la contrepartie différente du repos équivalent, alors la contrepartie est obligatoirement du repos.

3.3.  Les dérogations à la durée hebdomadaire maximale
de 40 heures sur 12 semaines consécutives

    L’article L. 213-3 du code du travail fixe à 40 heures la durée hebdomadaire de travail des travailleurs de nuit, sur une période quelconque de 12 semaines consécutives.
    Cependant, lorsque les caractéristiques du secteur le justifient, il peut être dérogé à cette durée maximale par accord ou convention de branche étendus, dans la limite de 44 heures sur 12 semaines consécutives. Un parallèle peut être tracé avec les secteurs qui, structurellement, entrent dans le champ des dérogations à la durée maximale quotidienne.
    Le contrôle effectué dans le cadre de l’extension de tels accords permettra de vérifier que les caractéristiques du secteur correspondent bien aux conditions posées par la loi.
    Par ailleurs, la loi a ouvert la possibilité d’établir par décret une liste de ces secteurs. Le décret n’a volontairement pas encore été pris afin de laisser le temps de la négociation aux partenaires sociaux et d’analyser la nécessité éventuelle d’une telle inscription dans un texte réglementaire, secteur par secteur.
    Un certain nombre de branches, dans le cadre des 35 heures, ont prévu de porter la durée maximale sur 12 semaines de 44 à 46 heures. Néanmoins, pour les travailleurs de nuit, la limite de 44 heures s’impose.

IV.  -  LES POUVOIRS DE L’INSPECTEUR DU TRAVAIL

    Ce point vise à rappeler les points sur lesquels l’inspecteur du travail et, le cas échéant, le directeur régional, bénéficient de nouveaux pouvoirs en application des nouveaux articles du code du travail.

4.1.  Autorisation relative à la substitution
d’une autre période de référence pour la période de travail de nuit

    En l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise, l’employeur peut demander à substituer une autre période de référence à celle prévue par la loi, à savoir 21 heures - 6 heures.
    Cette nouvelle période de référence est encadrée : elle doit être de 9 heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures et doit comprendre l’intervalle 24 heures - 5 heures. Cela ne laisse qu’une seule autre possibilité : la période comprise entre 22 heures et 7 heures.
    L’employeur peut alors demander l’autorisation à l’inspecteur du travail de substituer cette nouvelle période, à condition que cette demande soit justifiée par les caractéristiques particulières de l’activité de l’entreprise, et ce, après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’ils existent.

4.2.  Dérogation à la durée quotidienne maximale de 8 heures
en cas de circonstances exceptionnelles

    En cas de circonstances exceptionnelles, il appartient à l’employeur de demander l’autorisation à l’inspecteur du travail de déroger à la durée quotidienne maximale de 8 heures.
    Cette demande doit être accompagnée :
    -  des justifications utiles ;
    -  de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent ;
    -  du procès-verbal de consultation des délégués syndicaux, s’ils existent ;
    -  en l’absence de délégué syndical, de comité d’entreprise et de délégués du personnel, d’un document attestant d’une information préalable des salariés.
    Dans un délai maximum de quinze jours suivant la date de réception de la demande, l’inspecteur du travail fait connaître sa décision à l’employeur ainsi que, s’il y a lieu, aux représentants du personnel.
    L’absence de réponse de l’inspecteur du travail dans le délai de 15 jours vaut décision implicite de rejet.

4.3.  En cas de travaux urgents

    S’il n’a pas encore adressé de demande de dérogation, il doit présenter immédiatement à l’inspecteur du travail une demande de régularisation accompagnée :
    -  des justifications ;
    -  de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent ;
    -  du procès-verbal de consultation des délégués syndicaux, s’ils existent ;
    -  et de toutes explications nécessaires sur les causes ayant nécessité une prolongation de la durée quotidienne du travail sans autorisation préalable.
    Par ailleurs, si l’employeur se trouve dans l’attente d’une réponse à une demande de dérogation, il doit informer immédiatement l’inspecteur du travail de l’obligation où il s’est trouvé d’anticiper la décision attendue et en donner les raisons.
    L’inspecteur du travail fait connaître sa décision dans un délai maximum de quinze jours suivant la date de réception de la demande.
    Recours hiérarchiques :
    Les recours hiérarchiques dirigés contre ces décisions relatives à la dérogation à la durée de 8 heures doivent être portés devant le directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, le directeur régional du travail des transports ou le chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles le cas échéant, et être formés, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle les intéressés en ont reçu notification.

4.4.  L’affectation par l’inspecteur du travail
de salariés à des postes de nuit (L. 213-5 et R. 213-5)

    Cette possibilité réservée à l’inspecteur du travail, sous certaines conditions, s’entend comme une autorisation d’affecter des salariés sur des postes où ils seront employés dans des conditions les amenant à être qualifiés de travailleur de nuit.
    Deux conditions cumulatives préalables :
    Cette possibilité est encadrée et n’est possible que si deux conditions cumulatives sont remplies :
    1o Il n’existe pas d’accord collectif. Soit l’entreprise n’est pas couverte par une convention ou un accord collectif de branche étendu, soit elle n’a pas elle-même conclu un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ;
    2o L’employeur doit au moins avoir engagé sérieusement et loyalement les négociations dans le délai maximum d’un an avant de faire la demande.
    Cela s’entend à condition qu’il y ait dans l’entreprise des délégués syndicaux.
    L’engagement sérieux et loyal des négociations
    L’employeur doit apporter la preuve de l’engagement sérieux et loyal des négociations en vue de conclure un accord d’entreprise sur le travail de nuit.
    Cet engagement est rempli lorsque l’employeur a :
    -  convoqué à la négociation des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;
    -  fixé le lieu et le calendrier des réunions ;
    -  communiqué les informations nécessaires aux organisations syndicales pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause ;
    -  répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.
    La demande dérogatoire d’autorisation doit comporter un certain nombre d’éléments justificatifs :
    -  la preuve de l’engagement loyal et sérieux des négociations ;
    -  une justification circonstanciée de la nécessité de recourir au travail de nuit, notamment les contraintes propres à la nature de l’activité ou au fonctionnement de l’entreprise qui rendent nécessaire le travail de nuit eu égard aux exigences de continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale ;
    -  la prévision de contreparties ;
    -  la prévision de temps de pause ;
    -  la prise en compte des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ;
    -  l’avis des délégués syndicaux et du comité d’entreprise, ou des délégués du personnel, s’il en existe, doit être joint à la demande. En l’absence de délégués syndical, de comité d’entreprise et de délégué du personnel, un document attestant d’une information préalable des salariés doit être joint.
    L’instruction de la demande par l’inspecteur du travail :
    Le code du travail (articles L. 213-4 et R. 213-5) prévoit un certain nombre de vérifications obligatoires :
    -  les contreparties qui seront accordées aux salariés, en particulier sous forme de repos ;
    -  l’existence de temps de pause.
    Dans le délai de trente jours à compter de la date de réception de la demande, l’inspecteur du travail fait connaître sa décision à l’employeur et, s’il y a lieu, aux représentants du personnel.
    Les recours hiérarchiques :
    Les recours hiérarchiques dirigés contre la décision doivent être portés devant le directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, le directeur régional du travail des transports ou le chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles le cas échéant, et être formés, à peine de forclusion, dans un délai de 30  jours suivant la date à laquelle les intéressés ont reçu notification de la décision contestée.
    Pour toute difficulté d’application de la présente circulaire, vous voudrez bien contacter la Direction des relations du travail (bureau de la durée et de l’aménagement du temps de travail, NC2, tél. : 01-44-38-26-15 ; fax : 01-44-38-26-23).

Le directeur des relations du travail,
J.-D.  Combrexelle