Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/7  du samedi 20 avril 2002




Emploi
Handicapé

Circulaire DGEFP-DRT-DSS no 2002-15 du 21 mars 2002 relative
au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés
NOR :  MESF0210041C

(Texte non paru au Journal officiel)

La ministre de l’emploi et de la solidarité, la ministre déléguée à la famille, à l’enfance et aux personnes handicapées à Madame et Messieurs les préfets de région et de département (directions régionales et départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; directions régionales des affaires sanitaires et sociales) ; Monsieur le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.
    Dans la communication en conseil des ministres du 18 juillet 2001, nous avons souhaité que la généralisation des dispositifs de maintien dans l’emploi, le développement des actions de soutien des employeurs et de sensibilisation des partenaires sociaux contribuent à la prévention des licenciements pour inaptitude.
    L’enjeu en est majeur : on peut en effet estimer que 700 000 salariés font l’objet chaque année d’un avis d’aptitude avec réserves ou d’un avis d’inaptitude définitive, soit 5 % de la population au travail. Environ 20 000 personnes par an perdent leur emploi du fait des conséquences directes d’un problème de santé dans leur travail. Les dispositions relatives au reclassement professionnel ne suffisent donc pas à prévenir efficacement la désinsertion professionnelle.
    Une action résolue en faveur de l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés ne saurait donc négliger, à côté de la préoccupation d’accès à l’emploi, la préoccupation de maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés. La convention d’objectifs que l’État et l’AGEFIPH ont conclue le 9 décembre 1998 prévoyait le développement d’un réseau d’aide aux entreprises pour prévenir le risque d’exclusion de l’emploi des salariés handicapés. Grâce à l’action soutenue par l’AGEFIPH, divers opérateurs ont ainsi pu mettre en place des dispositifs qui ont obtenu des résultats significatifs et diversifiés, qui ont permis aux employeurs une meilleure connaissance des possibilités en ce domaine.
    Cette préoccupation doit prendre désormais toute sa place dans un contexte marqué par un accroissement des accidents du travail sur la période récente et une population active vieillissante :
    -  parce que cette population est plus sujette au risque d’inaptitude ;
    -  parce que le maintien du taux d’obligation d’emploi suppose que l’accroissement des flux d’embauche ne soit pas contrebalancé par des sorties accélérées de l’entreprise.
    Cette politique rejoint les orientations stratégiques exprimées dans le projet de directive nationale d’orientation (DNO) du secteur emploi du ministère de l’emploi et de la solidarité pour l’année 2002 :
    -  accompagner le développement d’un emploi de qualité et la valorisation des potentiels humains, notamment en favorisant le maintien dans l’emploi des salariés les plus fragilisés ;
    -  favoriser le dialogue social et garantir la protection des salariés, notamment en assurant la protection de la santé et de la sécurité au travail ; pour ce faire, une mobilisation est demandée pour faire face aux questions liées aux pathologies professionnelles comme à celles relatives à la santé mentale et physique (stress, harcèlement moral, troubles musculo-squelettiques par exemple), et l’implication des instances représentatives du personnel en matière d’évaluation des risques et de maladies professionnelles sera accrue.
    L’objet de la présente instruction est de faire progresser quantitativement et qualitativement les pratiques et actions dans le domaine du maintien dans l’emploi, en accélérant et en approfondissant la dynamique qui a commencé à se mettre en place.

1.  La généralisation des dispositifs de maintien dans l’emploi

    Depuis 1998, en moyenne chaque année, une dizaine de nouvelles structures se consacrent au maintien dans l’emploi. 82 départements sont actuellement couverts selon des modalités diverses : structures portées par les réseaux patronaux, par le réseau Cap emploi, par les PDITHU... Un état des lieux est en cours à l’initiative de l’AGEFIPH, dont les conclusions vous seront transmises au 2e  trimestre 2002. Un bilan d’activité des 66 dispositifs financés par l’AGEFIPH est joint à cette circulaire.
    En 2002, l’ensemble des départements devra être couvert par un dispositif de maintien organisant le travail en réseau des différents intervenants : médecins du travail, organismes de sécurité sociale, Cap emploi, organisations patronales, CHSCT, délégués du personnel... Dans toutes les hypothèses, le lien avec le PDITH, garant de la cohérence de la politique d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés au niveau départemental, doit être assuré. En tant que de besoin, le lien doit être fait également avec le dispositif pour la vie autonome, mis en place par les DDASS.

2.  L’approfondissement des dynamiques existantes

    Il n’existe pas de méthode unique et préétablie pour construire un projet de maintien dans l’emploi, cependant quelques constantes apparaissent : l’importance de la démarche pluridisciplinaire et partenariale, la nécessité du signalement précoce et la mobilisation de toute la panoplie des outils existants. Si le maintien vise prioritairement à assurer la continuité du lien contractuel de travail entre le salarié et l’employeur, il ne doit pas négliger d’autres champs d’intervention tels que travail indépendant, fonction publique ou reclassement externe. L’objectif doit être de préserver une dynamique professionnelle, avec la volonté du travailleur et en considération des besoins des entreprises.
    Sur l’ensemble des questions méthodologiques, vous vous référerez utilement à l’ouvrage collectif « le maintien dans l’emploi en questions » (éd. ENSP) qui a été diffusé en 2000 dans les services.

L’animation et la formalisation du partenariat

    Le maintien dans l’emploi est une démarche complexe du fait des disparités de situation, du fait des nombreuses logiques à l’œuvre, logique contractuelle, médicale, professionnelle, logique d’assurance sociale, d’aide sociale et du fait de la multiplicité des pôles de décision qui peut engendrer des situations contradictoires.
    La mise en œuvre d’une solution concertée suppose l’articulation d’interventions multiples et consécutives dans les délais les plus courts possibles, et la mobilisation de tous les professionnels concernés au-delà du premier cercle formé par le salarié, l’employeur et le médecin du travail ; sans les citer tous il peut s’agir selon les situations, du médecin traitant, du médecin hospitalier, du médecin conseil, du secrétaire de la COTOREP, de l’ergonome, du professionnel des structures de placement spécialisées...
    Le partenariat peut être utilement formalisé par une charte régionale ou départementale du maintien, à l’instar de ce qui a pu être fait dans le Nord - Pas-de-Calais ou en Indre et Loire.
    Le niveau régional apparaît comme un bon niveau d’appui, d’échange, de capitalisation et de formation des acteurs ; le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre peut jouer un rôle d’impulsion et d’évaluation en la matière.
    Le niveau départemental est celui de la mise en œuvre. Le coordonnateur du PDITH peut y jouer un rôle de veille, de développement et d’évaluation ; de nombreux PDITH se sont d’ores et déjà dotés d’un axe « maintien », en liaison avec les services de médecine du travail et les CRAM, et dans un certain nombre de cas, le PDITH porte lui-même le dispositif de maintien.

La mobilisation des outils disponibles

    Les outils mobilisables dans une opération de maintien dans l’emploi sont très nombreux, qu’ils portent sur l’aménagement du temps ou de l’espace de travail (temps partiel thérapeutique, invalidité, préretraite progressive, aménagement du poste de travail, expertise ergonomique), sur la compensation de la perte de productivité (abattements de salaire) ou la formation (congé individuel de formation, stage en CRP, contrat de rééducation chez l’employeur). En complément des outils de droit commun, des outils spécifiques peuvent être créés dans le cadre des PDITH (ex : bilans durant les arrêts de travail).
    Certains outils demeurent toutefois mal connus et de ce fait peu utilisés. Une réflexion devrait être menée en liaison avec les partenaires concernés pour encourager l’usage de la visite de pré-reprise et du temps partiel thérapeutique et pour développer et simplifier le recours au contrat de rééducation chez l’employeur. Concernant la visite médicale de pré-reprise, il convient notamment d’être attentif à ce qu’elle intervienne suffisamment tôt pour permettre d’anticiper les conditions d’un retour dans l’entreprise ou d’un éventuel reclassement. Vous serez également attentif, dans le cadre de l’agrément des accords d’entreprise ou d’établissement sur l’emploi des travailleurs handicapés, à ce que l’axe « maintien » revête une consistance suffisante.

3.  La sensibilisation des acteurs

    Seuls 6 % du nombre total annuel des avis d’inaptitude définitive à tout poste de l’entreprise sont vus aujourd’hui par les opérateurs du maintien. Le repérage des publics concernés doit donc être très sensiblement amélioré. Cela passe prioritairement par la sensibilisation, la mobilisation et l’implication la plus large des acteurs susceptibles de signaler le plus précocement possible les situations et de concourir à la réussite d’un projet de maintien, notamment :
    -  les médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main d’œuvre (MIRTMO) ;
    -  les médecins du travail ;
    -  les inspecteurs du travail ;
    -  les COTOREP ;
    -  les médecins conseil ;
    -  les organisations syndicales de salariés et les organisations syndicales patronales ;
    -  les associations de personnes handicapées.
    Sur la base de la présente instruction, les services se rapprocheront de l’AGEFIPH pour :
    -  veiller à la mise en place des mesures adéquates de sensibilisation des différents acteurs aux enjeux du maintien dans l’emploi et à leur implication dans le dispositif en vous attachant notamment aux médecins et inspecteurs du travail ;
    -  définir, le cas échéant, les modalités de mise en place et de fonctionnement du dispositif de maintien, en lien avec les différents partenaires, avec formalisation autant que possible dans le cadre d’une charte ;
    -  garantir la couverture de l’ensemble du territoire par un dispositif de maintien, au plus tard au cours de l’année 2002.
    La DGEFP (mission pour l’emploi des personnes handicapées) se tient à votre disposition pour toute information complémentaire.

La ministre déléguée à la famille,
à l’enfance et aux personnes âgées,
Ségolène  Royal

La ministre de l’emploi et de la solidarité,
Elisabeth  Guigou

  ANNEXE  
MESURES DE L’ASSURANCE MALADIE
FAVORISANT LE MAINTIEN DANS L’EMPLOI
Le temps partiel thérapeutique

    Le temps partiel thérapeutique est un outil provisoire facilitant, de la période de convalescence à la guérison, le retour du salarié dans l’entreprise, en préparant progressivement la reprise de l’activité professionnelle à temps plein.
    Le temps partiel thérapeutique est prescrit par le médecin traitant en collaboration avec le médecin du travail qui formule un avis d’aptitude au retour du salarié dans l’entreprise.
    L’autorisation administrative est donnée par le médecin conseil de la sécurité sociale, l’organisme d’assurance maladie prenant en charge le temps non travaillé sous la forme des indemnités journalières.
    Si les difficultés au poste persistent, le temps partiel thérapeutique peut permettre de préparer une solution durable de maintien dans l’emploi.

Le contrat de rééducation chez l’employeur

    Le contrat de rééducation chez l’employeur est un outil favorisant la remise au travail du salarié ayant perdu la possibilité d’exercer son ancienne activité professionnelle. Il s’agit d’une formation pratique en entreprise, le plus souvent accompagnée de cours théoriques dispensés par un centre agréé, généralement d’une durée de 3 mois à un an.
    Le contrat de rééducation chez l’employeur est un contrat à durée déterminée passé entre l’organisme de sécurité sociale, un employeur et le salarié. Il est soumis pour accord et visa à la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
    Une partie de la rémunération relève de l’employeur, l’autre partie de la sécurité sociale.

Le centre de rééducation professionnelle

    Les centres de rééducation professionnelle sont des institutions médico-sociales de formation professionnelle des travailleurs handicapés à qui ils dispensent une formation qualifiante après, le cas échéant, préformation et/ou pré-orientation.
    La décision relève de la COTOREP sur demande de la personne ou sur initiative de la caisse de sécurité sociale.
    La rémunération des stagiaires est prise en charge par l’État ou par les conseils régionaux pour les centres dits « régionalisés ». Pendant la durée du stage le stagiaire conserve, le cas échéant, soit son droit aux indemnités journalières, soit son droit à rente, soit son droit à l’allocation adulte handicapé, dans la limite d’un plafond.