Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2001/5 du mardi 20 mars 2001
Monsieur le Président,
La plupart des dispositions que comporte la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail est déjà prévue par la législation française, quil sagisse de linterdiction de travail des enfants, de la réglementation de leur activité lorsque celle-ci est de nature culturelle, artistique ou sportive, de la protection en matière de sécurité et de santé. La France dispose par ailleurs dune réglementation déjà conséquente en matière de durée du travail impliquant des ajustements sur les points suivants :
- renforcement de linterdiction du travail de nuit existante pour les enfants de moins de seize ans (la directive impose de modifier larticle L. 213-8 du code du travail pour prévoir une interdiction du travail de nuit entre 20 heures et 6 heures - contre 22 heures à 6 heures actuellement - et de minuit à 4 heures pour les adolescents en cas de dérogation à linterdiction du travail de nuit) ;
- renforcement de la période minimale de repos quotidien, actuellement fixée à douze heures par larticle L. 213-9 et qui devra passer à quatorze heures ;
- fixation du repos hebdomadaire à deux jours, si possible consécutifs, au lieu dun jour actuellement (article L. 212-13) ;
- définition dune pause de trente minutes au-delà de toute période de quatre heures et demie de travail quotidien, larticle L. 212-14 prévoyant déjà quaucune période de travail ininterrompue ne peut excéder quatre heures et demie ;
- encadrement du travail des jeunes dans une entreprise familiale pour le limiter aux activités occasionnelles, de courte durée pour des travaux qui ne sont pas considérés comme nuisibles, préjudiciables ou dangereux (actuellement, la combinaison des second alinéa de larticle L. 200-1 et sixième alinéa de larticle L. 211-1 pose le principe dune interdiction demploi par des établissements familiaux) ;
- application de la directive aux jeunes effectuant des formations ou des stages en entreprise ;
- enfin, la durée du travail des enfants effectuant des travaux légers pendant les vacances scolaires devra passer à sept heures par jour, larticle L. 212-13 faisant référence à une durée quotidienne maximale de huit heures.
Ces dispositions devaient faire lobjet dune transposition au plus tard le 22 juin 1996. Faute de support juridique adéquat, la France na pas opéré ces ajustements. La Commission a par conséquent engagé une procédure en manquement à son encontre devant la Cour de justice des Communautés européennes, qui a abouti à une condamnation le 18 mai 2000.
La loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail assure la transposition de certaines des dispositions de la directive. Il sagit du repos hebdomadaire de deux jours si possible consécutifs, de lapplication de la directive aux jeunes de moins de dix-huit ans accomplissant des stages ou des formations en entreprise sans pour autant être soumis à un contrat ou à une relation de travail et, enfin, de la prise en compte du temps consacré à la formation dans un établissement dans le décompte de la durée du travail.
Il convient donc, à travers la présente ordonnance, dassurer la transposition des dispositions non encore inscrites dans le droit national.
Larticle 1er concerne la pratique des stages en entreprise.
La loi du 19 janvier 2000 précitée clarifie la question de lapplicabilité des règles légales en matière de durée du travail aux jeunes effectuant des stages ou des périodes en entreprise en dehors dun contrat ou dune relation de travail.
Lordonnance donne un fondement légal assuré à la pratique des stages en entreprise tels que les visites dinformation ou les stages dobservation en entreprise effectués notamment par les élèves de troisième. Cette sécurisation législative savère nécessaire compte tenu des contentieux locaux nés dune interprétation stricte de larticle L. 211-1 interdisant tout emploi de jeunes à quelque titre que ce soit. Elle impose lexistence dune convention entre létablissement scolaire ou létablissement de formation et lentreprise.
Le dernier alinéa de larticle 1er assure la transposition de la directive communautaire. La loi pose en effet le principe de linterdiction des travaux nuisibles, préjudiciables ou dangereux pour les jeunes concernés par le travail familial, à charge pour le pouvoir réglementaire de procéder, par décret en Conseil dEtat, à lidentification de ces travaux.
Larticle 2 porte sur les points suivants :
- il limite la durée du travail des jeunes à sept heures par jour (contre huit heures dans larticle L. 212-13) et à la durée hebdomadaire légale (cest-à-dire trente-cinq heures contre trente-neuf heures auparavant), ces limitations étant requises pour les moins de quinze ans. Pour les mineurs de plus de quinze ans travaillant dans une entreprise de vingt salariés ou plus, la durée quotidienne reste fixée à huit heures par jour et trente-neuf heures par semaine, jusquau 31 décembre 2001, pour tenir compte du calendrier de labaissement de la durée légale prévu par la loi du 19 janvier 2000 précitée ;
- il précise que les jeunes travailleurs et les jeunes stagiaires de moins de dix-huit ans doivent bénéficier dun temps de pause de trente minutes au-delà de toute période de travail de quatre heures et demie, la législation actuelle (article L. 212-14) prévoyant quaucune période de travail ininterrompue ne peut excéder quatre heures et demie, sans préciser une durée minimale de pause ;
- il précise enfin que le repos quotidien minimal des enfants de moins de seize ans est dau moins quatorze heures consécutives (larticle L. 213-9 fixe ce repos minimal à douze heures).
Larticle 3 assure le renforcement de la législation française sur le travail de nuit des jeunes. Larticle L. 213-8 du code du travail considère comme travail de nuit pour les jeunes de moins de dix-huit ans la plage 22 heures - 6 heures durant laquelle sapplique le principe de linterdiction du travail de nuit, sauf dérogations exceptionnelles. La directive prévoit pour sa part une interdiction totale pour les enfants entre 20 heures et 6 heures et une interdiction de minuit à 4 heures pour les adolescents.
Une modification de la législation française savère donc nécessaire afin délargir la période dinterdiction du travail de nuit des enfants entre 20 heures et 22 heures et de porter ainsi cette période de 20 heures à 6 heures. Par ailleurs, il convient de prévoir linterdiction du travail de nuit entre minuit et 4 heures pour les jeunes de moins de dix-huit ans en cas de dérogation à linterdiction du travail de nuit accordée par linspection du travail.
En outre, larticle 3 étend le principe de linterdiction du travail de nuit aux jeunes en formation.
Enfin, ce projet dordonnance exclut de son champ dapplication les enfants du spectacle mentionnés au premier alinéa de larticle L. 211-6, qui restent soumis à un régime particulier de dérogation. En effet, linterdiction de dérogation pour lemploi de nuit dun enfant de moins de seize ans (dernier alinéa du projet de modification de larticle L. 213-7) ne vise pas lemploi des enfants dans le spectacle, où ils sont autorisés à effectuer des prestations nocturnes sous des conditions particulières (articles L. 211-6 et suivants du code du travail). Il est en effet nécessaire de permettre à un enfant de moins de seize ans de tourner dans un film ou de jouer dans une pièce de théâtre après 20 heures, dès lors que la double dérogation de droit commun du préfet et de linspecteur du travail a été accordée (article L. 211-7 et deuxième alinéa de larticle L. 213-7 du même code). Cette situation est rendue possible par le point 2 de larticle 5 de la directive, prévoyant que les Etats membres déterminent par voie législative ou réglementaire les conditions de travail des enfants dans le secteur artistique.
Le champ des dérogations visé à larticle L. 213-10 doit être modifié pour épouser celui quautorise larticle 13 de la directive qui renvoie au paragraphe 4 de larticle 5 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en uvre des mesures visant à promouvoir lamélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Ce dernier champ vise des circonstances étrangères aux employeurs, anormales et imprévisibles, ou des événements exceptionnels dont les conséquences nauraient pu être évitées malgré toute la diligence déployée. De plus, la directive du 22 juin 1994 précitée limite les dérogations à des travaux passagers qui ne souffrent aucun retard pour lesquels des travailleurs adultes ne sont pas disponibles.
Tel est lobjet de la présente ordonnance que nous avons lhonneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, lassurance de notre profond respect.