Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2004/3  du vendredi 20 février 2004



Conditions de travail
Médecine du travail

Direction des relations du travail

Sous-direction des conditions de travail
et de la prévention des risques du travail
Bureau de l’amélioration
des conditions de travail
et de l’organisation de la prévention
CT 1-2


Circulaire DRT no 2004-01 du 13 janvier 2004 relative à la mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail

NOR :  SOCT0410103C

(Texte non paru au Journal officiel)

Mesdames et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.
    La protection de la santé et de la sécurité des salariés nécessite l’adoption d’une approche pluridisciplinaire  -  à la fois médicale, technique et organisationnelle  -  des conditions de travail. La pluridisciplinarité répond à la nécessité de réformer structurellement le système français de prévention des risques professionnels, auparavant orienté vers la seule médecine du travail, pour enrichir l’offre de prévention à destination des entreprises.

Un bénéfice collectif

    La pluridisciplinarité bénéficie tant à l’employeur qu’à ses salariés, au niveau de l’entreprise et, sur un plan plus général, à l’ensemble du système de prévention.
    Pour le salarié, elle offre une protection globale et élargie contre les risques du travail. Celle-ci est assurée par des spécialistes plus nombreux, aux compétences reconnues.
    Pour l’employeur, la pluridisciplinarité vient compléter une autre avancée réalisée avec l’introduction, par le décret no 2001-1016 du 5 novembre 2001, du document unique d’évaluation des risques. Elle doit être perçue comme une aide apportée au chef d’entreprise, à qui il incombe d’évaluer, a priori, les risques qui pèsent sur ses salariés dans le cadre de leur activité professionnelle. L’apport de compétences pluridisciplinaires doit lui permettre d’optimiser son analyse des risques, et de mieux les prévenir.

Une approche renouvelée et décloisonnée de la prévention

    La pluridisciplinarité n’est pas, en soi, une idée nouvelle. A partir de 1988, elle a fait l’objet d’expérimentations facultatives, sur la base du décret no 88-1198 du 28 décembre 1988. Toutefois, cette expérimentation, qui est restée limitée, s’inscrivait dans une approche différente de celle aujourd’hui retenue (puisqu’elle s’appuyait uniquement sur les services médicaux du travail), et antérieure à la directive-cadre européenne du 12 juin 1989 (no 89/391).

La novation est un changement à la fois de nature et de degré

    La loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 (article 193) renouvelle en effet l’approche pluridisciplinaire et l’érige en obligation générale : les entreprises et les services de santé au travail (SST) sont désormais tenus d’être en capacité de mobiliser toutes les compétences utiles et nécessaires à la prévention et à l’amélioration des conditions de travail.
    La mise en place de cette pluridisciplinarité constitue un enrichissement de la prévention, car elle permet d’appréhender de manière collective les conditions de travail. Elle autorise un décloisonnement de la prévention, car elle favorise un travail en réseau. De ce point de vue, la médecine du travail, au cœur de la prévention des risques professionnels depuis 1946, se renforce grâce à l’apport de compétences diversifiées et complémentaires.

Une réponse à l’accord des partenaires sociaux de fin 2000

    La traduction de l’obligation législative, opérée par le décret no 2003-546 du 24 juin 2003, satisfait à la volonté, exprimée par les partenaires sociaux dans l’accord du 13 septembre 2000 sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels, de voir fonctionner la pluridisciplinarité « dans un cadre élargi, permettant à l’ensemble des acteurs de toutes les entreprises de bénéficier de toutes les compétences existant au niveau national ou régional pour assurer une prévention efficace ».
    Il y a ainsi convergence entre le regard que les acteurs nationaux (pouvoirs publics et partenaires sociaux) portent sur le système de prévention, et le regard de l’Europe, qui a fait de la pluridisciplinarité un objectif-clef de la directive-cadre.

Un dispositif souple, garant d’une exigence de qualité

    Le cadre élaboré se veut d’utilisation souple et ouverte pour l’usager, qu’il s’agisse des entreprises, des services de santé au travail ou des intervenants. Tout en satisfaisant à une exigence de qualité  -  qui est un impératif en matière de santé et de sécurité au travail  -, l’obligation de pluridisciplinarité doit être mise en œuvre avec le souci permanent d’une plus grande simplification des procédures en direction de l’utilisateur final, qu’est l’entreprise. Loin d’organiser la pluridisciplinarité comme une contrainte supplémentaire, le dispositif légal vise à la rendre accessible à tous.
    C’est la raison pour laquelle elle s’organise autour d’objectifs de qualité. Il n’est pas demandé aux entreprises et aux SST d’atteindre un objectif quantifié, c’est-à-dire de recruter un nombre déterminé d’intervenants, ou de conclure un nombre déterminé de conventions. En particulier, dans le cas précis où des salariés exercent d’ores et déjà, à un titre ou à un autre, des fonctions de santé ou de sécurité au sein de l’entreprise, l’objectif n’est pas que tous ces salariés obtiennent le statut d’IPRP. Il n’y a pas obligation, pour l’entreprise ou le service de santé, à engager, pour le compte de tout ou partie de leurs salariés, des procédures d’habilitation, car le respect de l’obligation de pluridisciplinarité peut également être atteint par le biais du conventionnement.
    L’appel à la pluridisciplinarité doit d’abord s’adapter aux besoins des acteurs du monde du travail : l’essentiel est que la pluridisciplinarité s’organise autour de personnes ou d’organismes qualifiés, car il ne saurait y avoir de prévention efficace sans une réelle connaissance du milieu de travail.
    En définitive, c’est le salarié et le chef d’entreprise qui en bénéficieront : le premier parce que sa protection contre les risques du travail sera élargie ; le second parce que la pluridisciplinarité est aussi un investissement en prévention, devant contribuer, par la réduction des risques, à une performance accrue.

I.  -  UNE OBLIGATION : RESPECTER LE CADRE LÉGAL
DE LA PLURIDISCIPLINARITÉ

    Le cadre juridique de la pluridisciplinarité s’organise autour de l’idée d’une amélioration des conditions de travail et d’un renforcement de la protection des salariés. Née d’une volonté européenne, largement soutenue par la France, la mise en œuvre de la pluridisciplinarité a trouvé écho dans la loi du 17 janvier 2002, elle-même traduite par deux textes réglementaires.

1.1.  La directive-cadre européenne du 12 juin 1989
1.1.1 Le contenu de la directive

    La directive du Conseil no 89/391/CEE du 12 juin 1989 détermine les principes fondamentaux de la protection de la santé et de la sécurité des salariés. A ce titre, elle impose à chaque employeur, en son article 7, de désigner « un ou plusieurs travailleurs pour s’occuper des activités de protection et des activités de prévention des risques professionnels de l’entreprise et/ou de l’établissement (...). Si les compétences dans l’entreprise et/ou l’établissement sont insuffisantes pour organiser ces activités de protection et de prévention, l’employeur doit faire appel à des compétences (personnes ou services) extérieures à l’entreprise et/ou à l’établissement ».
    Ces dispositions visent à mettre en place, dans les entreprises, le principe du recours aux compétences pluridisciplinaires nécessaires à la prévention.
    L’article 7 précise que les travailleurs désignés, ou les personnes ou services consultés, doivent disposer des compétences et des moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions.

1.1.2. La transposition de la directive

    Dans la mesure où la France était le seul pays d’Europe à assurer une couverture de tous les salariés  -  quelle que soit leur activité ou la taille de leur entreprise  -, via la médecine du travail, les autorités françaises avaient cherché à s’assurer, pendant la négociation, que l’ossature de la médecine du travail autorisait une transposition correcte de l’article 7. La Commission européenne, dans une déclaration annexée au procès-verbal du Conseil des ministres adoptant la directive, avait confirmé que les services de médecine du travail existants en France depuis 1946 pouvaient être regardés comme le service de prévention, au sens de la directive.
    La Commission a ultérieurement modifié sa position et engagé des démarches précontentieuses avec tous les Etats de l’Union. Dans une mise en demeure notifiée à la France le 4 mars 1997, elle a estimé que la seule existence des services de médecine du travail, ne suffisait à la transposition complète des dispositions de l’article 7 de la directive.
    Dans un avis motivé du 26 juin 2002, la Commission conclut que le dispositif français de médecine du travail n’assure pas la transposition intégrale de la directive. Elle estime que « le médecin du travail n’assure qu’une partie des fonctions confiées par l’article 7 de la directive qui consiste, aux termes de l’article L. 241-2 du code du travail, à éviter toute altération de la santé des travailleurs. En conséquence, il n’a pas de tâches dans le domaine de la sécurité, volet qui est inhérent aux activités de protection et de prévention des risques professionnels visées dans l’article 7, paragraphe I de la directive ».
    Afin de satisfaire pleinement l’obligation communautaire, les autorités françaises ont donc entrepris, à partir de 1997, une évolution, consistant à élargir l’offre de prévention, en s’appuyant, certes, sur l’ossature des services médicaux du travail, mais en favorisant le recours à des compétences nouvelles, techniques et organisationnelles. Les partenaires sociaux ont rejoint cette volonté en adoptant l’accord interprofessionnel de fin 2000 sur la santé au travail, lequel affirme la nécessité de mettre en place une « véritable » pluridisciplinarité.
    C’est sur cette base qu’a été adoptée la loi du 17 janvier 2002, en conformité avec les règles posées par la directive et les souhaits exprimés par les partenaires sociaux.

1.2. La loi du 17 janvier 2002

    La loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 (codifié à l’article L. 241-2, alinéas 2 et 3, du code du travail) est la base législative d’une réforme de structure du système de prévention. Son article 193 est l’acte fondateur de la pluridisciplinarité.
    Il prévoit la création de « services de santé au travail », par transformation des services médicaux du travail. Ces services « font appel, en liaison avec les entreprises concernées, soit aux compétences des caisses régionales d’assurance maladie, de l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou des associations régionales du réseau de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, soit à des personnes ou à des organismes dont les compétences (...) sont reconnues par les caisses régionales d’assurance maladie, par l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou par ces associations régionales ».
    Il précise que « l’appel aux compétences visé au précédent alinéa s’effectue dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes ou organismes associés et déterminées par décret en Conseil d’Etat ».
    Le législateur a posé le principe de la pluridisciplinarité, en a fait une obligation et a encadré sa mise en œuvre dans le but, notamment, d’assurer la qualité des interventions en entreprise.
    Cette exigence de qualité a conduit le législateur à confier un rôle particulier en matière de pluridisciplinarité à des structures expertes en prévention : les CRAM, les ARACT et l’OPPBTP. La loi leur assigne une double mission :
    -  d’une part, répondre, par le biais de conventions, à l’appel des services de santé et des entreprises en mobilisant leurs propres ressources ;
    -  d’autre part, s’assurer de la compétence des autres personnes ou organismes auquel il peut être fait appel (habilitation).
    La loi pose également le principe que l’appel aux compétences pluridisciplinaires doit être le fait des services de santé au travail, « en liaison avec les entreprises concernées ». De manière générale, la nécessaire « liaison », voulue par la loi, lors du recours à l’intervenant, entre l’entreprise et le service de santé, suppose que l’intervention d’un IPRP réponde à un besoin commun, et que soit recherché l’assentiment de l’employeur et du service.
    Pour les services de santé au travail interentreprises, cette disposition doit être comprise comme conférant au président de cet organisme le soin de prendre la décision, en lien avec les entreprises adhérentes. Les compétences pluridisciplinaires sont mises à la disposition de toutes les entreprises adhérentes, qui n’ont pas obligation d’y recourir si elles disposent déjà de ressources internes dédiées à la prévention et utilisées au titre de la pluridisciplinarité.
    Pour les services de santé d’entreprise ou d’établissement, administrés - aux termes de l’article R. 241-3 du code du travail - par « l’employeur sous la surveillance du comité d’entreprise », c’est au chef d’entreprise qu’incombe cette responsabilité.
    Dans l’un et l’autre cas, l’appel aux compétences pluridisciplinaires doit s’effectuer dans des conditions garantissant l’indépendance des intervenants, dont la loi pose explicitement le principe. S’agissant des modalités, le législateur a différencié la situation des médecins du travail - qui constituaient déjà des salariés protégés au double sens du code du travail et du code de déontologie -, de celle des intervenants, auxquels il n’a pas conféré de statut juridique particulier, mais garantit une protection fonctionnelle, par renvoi à un décret en Conseil d’Etat.
    En tout état de cause, le renvoi opéré par la loi au pouvoir réglementaire ne peut être regardé comme ayant pour effet d’habiliter ce dernier à aligner le statut des intervenants sur celui des médecins du travail. La mise en place d’un statut protecteur subordonnant le licenciement à l’intervention soit de l’administration du travail, soit du juge prud’homal ne peut être prévue que par la loi : la garantie d’un statut de salariés protégés relève des principes fondamentaux du droit du travail, principes dont la détermination revient, aux termes de l’article 34 de la Constitution, au seul pouvoir législatif.
    Le décret du 24 juin 2003 assure donc l’indépendance des intervenants par d’autres moyens appropriés, avec l’objectif que ces intervenants ne puissent subir de préjudice en raison de leurs activités de protection et de prévention des risques professionnels.

1.3. Le décret du 24 juin 2003

    Le décret no 2003-546 du 24 juin 2003 (qui instaure les nouveaux articles R. 241-1-1 et suivants du code du travail) vient en complément des mesures législatives prises pour assurer la transposition de l’article 7 de la directive 89/391 : il met en œuvre l’obligation faite par la loi à chaque entreprise de recourir à une structure permanente de prévention, compétente tant pour les questions de santé que de sécurité au travail.
    Pour répondre à cette exigence, le décret qualifie « d’intervenants en prévention des risques professionnels » (IPRP) les personnes ou organismes auxquels les services de santé au travail et les entreprises doivent faire appel :
    -  pour une mission temporaire, l’entreprise ou le service peut faire appel, via une convention d’objectifs, soit aux trois organismes désignés par la loi, soit à une personne ou un organisme habilité ;
    -  pour une mission permanente, l’entreprise ou le service peut, soit recruter une personne extérieure, soit employer une personne déjà présente au sein de la structure, également habilitées.

1.3.1. La mission de l’intervenant

    Au même titre que le médecin du travail, l’intervenant en prévention des risques professionnels participe à la préservation de la santé et de la sécurité des salariés et à l’amélioration des conditions de travail dans un objectif exclusif de prévention.
    A titre indicatif, et loin de toute exhaustivité, les disciplines telles que l’ergonomie, la toxicologie, l’hygiène industrielle, l’organisation du travail ont vocation à constituer les domaines d’intervention privilégiés de l’action pluridisciplinaire.
    La mission de l’intervenant a vocation naturelle à s’exercer au sein de l’entreprise ou du service de santé. Mais il n’est pas interdit à un IPRP, dûment habilité, de proposer ses services, à titre libéral, en dehors de son activité salariée. Cette prestation de services doit alors s’effectuer dans le respect des dispositions en vigueur, ce qui suppose, notamment, qu’elle ne peut être proposée par l’intervenant salarié à son propre employeur.

1.3.2. Le recours à l’intervenant

    Le décret du 24 juin 2003, à l’instar de la loi, se veut à la fois souple et pragmatique, dans le but de faciliter « l’usage », par les entreprises, de la pluridisciplinarité.
    Le recours à l’intervenant est le fait soit du chef d’entreprise (dans le cas où il dispose d’un service de santé autonome), soit du président du service de santé interentreprises (en liaison avec les entreprises adhérentes à son service).
    Les entreprises et les services de santé ont toute liberté pour faire appel à l’intervenant de leur choix, compte tenu de leurs besoins et de leurs attentes. Toutefois, lorsque l’entreprise a le choix entre les deux formes de services de santé mentionnées à l’article R. 241-1 du code du travail, elle ne peut faire appel à des compétences extérieures que si ses propres compétences sont insuffisantes.
    Deux voies sont offertes :
    -  le conventionnement : lorsque l’entreprise ou le SST souhaite faire appel aux intervenants mentionnés aux 2, 3, 4 et 5 du I de l’article R. 241-1-1 du code du travail (c’est à dire aux intervenants « externes », et non aux salariés déjà présents au sein de l’entreprise ou du service de santé), une convention doit être conclue entre l’intervenant et le chef d’entreprise ou le président du SST interentreprises. Cette convention précise notamment :
        -  les activités confiées à l’intervenant : ces activités doivent être conformes à la mission générale de prévention de l’intervenant qui ne peut, en tout état de cause, effectuer d’actes relevant de la compétence médicale du médecin du travail ;
        -  les moyens mis à sa disposition : l’intervenant doit disposer des moyens et du temps nécessaires à l’accomplissement de ses missions ;
        -  les règles garantissant son accès aux lieux de travail : en l’espèce, la convention précise que la mission de l’intervenant doit être placée sous le sceau de l’indépendance, aussi bien lors de son accomplissement que de ses conclusions.
    -  l’emploi : l’entreprise ou le SST interentreprises peut également satisfaire à ses obligations en recrutant une personne physique en vue de lui confier une mission de sécurité ou de santé au travail. Cette modalité doit permettre :
        -  soit de recruter une personne extérieure à l’entreprise ou au service de santé, dans le cadre d’une politique classique d’embauche ;
        -  soit, plus simplement, de recourir à des salariés présents dans l’entreprise ou le SST et qui exercent déjà une mission de sécurité ou de santé au travail (au sein du service de sécurité de l’entreprise, par exemple).
    Dans l’un et l’autre cas, la personne doit être dûment habilitée.

1.3.3. L’habilitation de l’intervenant

    L’habilitation est une condition pour satisfaire à l’obligation de pluridisciplinarité. Cela n’implique pas l’obligation, pour l’entreprise, de faire habiliter tous ses salariés ou ses services, dès lors que la démarche poursuivie n’est pas mise au compte de l’obligation pluridisciplinaire. Une entreprise n’est pas tenue d’habiliter l’ensemble des collaborateurs d’un service autonome, particulièrement lorsque ce dernier emploie un personnel nombreux. Il appartient au chef d’entreprise de définir les salariés qui, en raison de leurs fonctions, sont astreints à la procédure d’habilitation. Ce choix doit être fait en fonction des caractéristiques de l’organisation de chaque service autonome, pour assurer l’effectivité de l’obligation de pluridisciplinarité.
    En dehors des cas où il est fait appel aux trois organismes de prévention auxquels la loi confie une compétence directe, l’article L. 241-2 du code du travail (issu de la loi du 17 janvier 2002) indique que les compétences des personnes ou organismes appelés à intervenir doivent être « reconnues » par les CRAM, les ARACT et l’OPPBTP.
    La volonté du législateur a été traduite dans le décret par l’instauration de collèges régionaux, réunissant les 3 organismes cités par la loi, dont la mission est de délivrer une habilitation aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande. La délivrance de l’habilitation relève de l’appréciation souveraine du collège, non d’une compétence liée.
    Dans les hypothèses où la demande émane d’une personne exerçant déjà une mission de santé ou de sécurité au travail, au sein d’une entreprise ou d’un SST, le collège veillera à tenir le plus grand compte de l’expérience acquise. En tout état de cause, un éventuel refus d’habilitation ne pourrait avoir, pour ces personnes, de conséquence directe sur leur contrat de travail, ni constituer un motif de licenciement.
    La demande d’habilitation est adressée soit à la CRAM, soit à l’ARACT, soit au comité régional de l’OPPBTP du lieu où le candidat a son siège ou exerce son activité principale. Cette disposition vise à empêcher qu’une même demande soit déposée simultanément auprès de plusieurs collèges. De même, il ne peut être déposé plus d’une demande par an.
    La demande est adressée en trois exemplaires sous pli recommandé avec accusé de réception, ou déposée contre récépissé. L’organisme récepteur de la demande - après s’être assuré que le dossier est complet - transmet un exemplaire à chacun des deux autres membres du collège.
    La demande ne peut être examinée que si elle est accompagnée d’un dossier dont les éléments constitutifs sont déterminés par arrêté du ministre chargé du travail (cf. supra). Le dossier est réputé complet si, dans un délai d’un mois à compter de sa réception, l’organisme récepteur de la demande n’a pas fait connaître au demandeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, les informations manquantes ou incomplètes.
    Le collège notifie sa décision dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle le dossier est réputé complet. A titre transitoire, ce délai est porté à six mois pour les demandes déposées pendant les douze mois suivant l’entrée en vigueur du décret (soit jusqu’au 27 juin 2004).
    L’absence de réponse vaut rejet de la demande.
    La décision du collège - prise au nom et sous la responsabilité de l’Etat - est une décision administrative, susceptible, en tant que telle, de faire l’objet d’un recours devant les juridictions compétentes. La décision explicite de rejet est motivée et fait apparaître les considérations de droit et de fait sur lesquelles s’est fondé le collège.
    La durée de l’habilitation n’est pas la même selon qu’elle est délivrée à une personne physique ou à une personne morale : dans le premier cas, elle est attribuée sans limitation de durée ; dans le second, elle est délivrée pour une période de cinq ans renouvelable. Cette différence est justifiée par la nécessité d’assurer un contrôle régulier sur la structure de la personne morale, dont les ressources humaines et techniques peuvent varier au gré des mouvements de personnel et des évolutions technologiques. Les personnes morales sont donc tenues, tous les cinq ans, de faire procéder au renouvellement de leur habilitation, en déposant une demande en ce sens auprès du collège compétent.
    Le retrait de l’habilitation peut être sollicité auprès du collège qui l’a délivré, après que l’intervenant concerné a été appelé à présenter ses observations. Cette demande de retrait, nécessairement motivée, ne peut émaner que des acteurs suivants :
    -  le chef d’entreprise ;
    -  le président du SST interentreprises ;
    -  le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;
    -  le comité d’entreprise ou d’établissement ;
    -  les organismes de contrôle mentionnés à l’article R. 241-14 du code du travail (comité interentreprises ou commission de contrôle) ;
    -  la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

1.3.4. Le statut de l’intervenant

    L’intervenant en prévention des risques professionnels bénéficie d’un statut protecteur, destiné à garantir, à la fois, son indépendance et sa liberté d’accès aux lieux de travail et d’information.

1.3.4.1. L’indépendance

    Les mesures visant à établir l’indépendance de l’intervenant sont destinées à garantir que ce dernier ne puisse subir de préjudice en raison de son activité ou de sa mission.
    Le principe de l’indépendance est garanti par la loi. Le législateur n’a pas pour autant souhaité conférer le statut de salariés protégés aux IPRP (cf. point 1.2). Il a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les règles nécessaires à la protection et à l’indépendance des intervenants.
    Le décret du 24 juin 2003 répond à cette exigence nécessaire, quelle que soit la voie choisie pour recourir aux compétences pluridisciplinaires :
    -  lorsque la voie du conventionnement est utilisée, le nouvel article R. 241-1-2 du code du travail instaure un mécanisme particulier, destiné à s’assurer que la convention garantit l’indépendance de l’intervenant. Ces conventions sont en effet conclues après avis du comité d’entreprise ou d’établissement et du CHSCT ainsi que, le cas échéant, après avis des organismes de contrôle prévus à l’article R. 241-14 du code du travail. Ces instances, au sein desquelles sont représentés les partenaires sociaux, doivent jouer un rôle d’alerte : leur avis - sans être un avis conforme - offre la garantie d’un contrôle social de qualité.
    -  il en est de même lorsque la voie de l’emploi ou du recrutement est utilisée. Aucun recrutement ou licenciement d’IPRP ne peut avoir lieu sans que le comité d’entreprise ou d’établissement, ou les organismes de contrôle mentionnés à l’article R. 241-14, n’ait été au préalable consulté.

1.3.4.2. Un droit d’accès et d’information

    Les IPRP doivent avoir les moyens nécessaires à l’exercice de leur mission.
    Le décret prévoit, à ce titre, qu’ils ont accès aux informations relatives aux risques pour la santé et la sécurité des salariés, ainsi qu’aux mesures et aux activités de prévention nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Dans ce cadre, l’intervenant peut, notamment, être autorisé à consulter le document unique d’évaluation des risques - prévu à l’article R. 230-1 du code du travail -, et demander à avoir connaissance des actions menées ou envisagées par le chef d’entreprise.
    Ce droit d’accès doit s’effectuer dans des conditions garantissant le caractère confidentiel des données individuelles. Il doit, notamment, s’exercer conformément aux dispositions de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui garantit à toute personne prise en charge par un professionnel participant à la prévention le droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant.
    L’intervenant, au même titre que le médecin du travail, est également tenu au secret du dispositif industriel et technique de fabrication et de la composition des produits employés ou fabriqués ayant un caractère confidentiel.

1.4. L’arrêté du 24 décembre 2003

    L’arrêté du 24 décembre 2003 détaille l’organisation de la pluridisciplinarité, conformément aux renvois opérés par le décret, s’agissant des critères d’habilitation, du fonctionnement des collèges régionaux et des dossiers de demandes d’habilitation.

1.4.1. Les critères communs d’habilitation

    La fixation de critères d’habilitation communs à l’ensemble des collèges régionaux répond à une double préoccupation : d’une part, garantir la qualité des interventions en pluridisciplinarité, d’autre part, respecter l’égalité de traitement entre les candidatures.
    Ces critères doivent guider les collèges dans leurs décisions, sans pour autant créer une compétence liée. Autrement dit, la décision d’accorder, de refuser ou de retirer une habilitation relève de l’appréciation des collèges, sous le contrôle des juridictions administratives.
    Ces critères constituent un socle minimal commun, que les collèges doivent utiliser comme base de référence, sans s’interdire de les compléter en raison de circonstances particulières.
    Ils sont de deux ordres :

1.4.1.1. Les critères relatifs
à l’indépendance du demandeur

    Chaque collège doit s’assurer de l’indépendance du demandeur, au moyen d’une déclaration d’intérêts produite sur l’honneur par ce dernier.
    Cette déclaration est destinée à permettre à l’intervenant - qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale - de porter à la connaissance du collège tous les intérêts, directs ou indirects, susceptibles de porter atteinte à l’objectivité dont il doit faire preuve dans l’exercice de ses fonctions. Cette objectivité est une objectivité fonctionnelle, qui, entendue comme telle, peut rester conforme au lien de subordination qui lie les intervenants recrutés à leur employeur. Le contrat de travail ne doit pas faire obstacle au libre exercice de sa mission par l’intervenant employé.
    La déclaration se présente sous la forme d’un document écrit, rempli et signé sur l’honneur par le demandeur. Elle doit comporter, notamment, les informations suivantes :
    -  les activités donnant lieu à rémunération personnelle autres que celles liées à la fonction déclarée ;
    -  la conduite ou la participation à des missions particulières (travaux scientifiques, rapports d’expertise, activités de conseils, etc.) ;
    -  les activités donnant lieu à un versement au budget d’une institution (une association, par exemple) ;
    -  le cas échéant, d’autres liens, familiaux, associatifs, etc.
    L’intervenant qui n’aurait aucun intérêt à déclarer en informe explicitement le collège.

    1.4.1.2. Les critères relatifs aux compétences
professionnelles du demandeur

    Pour être habilité, le demandeur doit faire état, soit d’une qualification particulière, soit d’une expérience professionnelle acquises dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail. Qualification et expérience peuvent naturellement être combinées.
    Les qualifications du demandeur sont appréciées au vu de ses titres et diplômes. L’article 2 de l’arrêté fixe un niveau minimal de qualification ; il peut s’agir :
    -  d’un titre d’ingénieur (généralement acquis au terme de cinq années d’études supérieures) ;
    -  d’un diplôme sanctionnant deux ans d’études supérieures dans les domaines de la santé, de la sécurité ou de l’organisation du travail (par exemple, un DUT en hygiène du travail) ;
    -  d’un diplôme sanctionnant trois ans d’études supérieures dans un domaine scientifique ou dans une matière relevant des sciences humaines et liée au travail (par exemple, une licence de sociologie ou de psychologie).
    La prise en compte de l’expérience professionnelle est soumise à deux conditions :
    -  cette expérience doit avoir été acquise dans le domaine de la prévention et de l’amélioration des conditions de travail ;
    -  la durée de l’expérience prise en considération ne peut être inférieure à 3 ans.
    Par extension, le collège peut - au titre de l’expérience professionnelle - prendre en considération les mandats exercés - pendant une période d’au moins 8 ans - au sein d’un CHSCT, d’un CTR de la Sécurité sociale ou de toute autre instance assurant la représentation des salariés ou des employeurs et spécialisée en santé et sécurité au travail, comme les observatoires régionaux de la santé au travail (ORST), mis en place par les partenaires sociaux dans le cadre de l’accord interprofessionnel de fin 2000.
    L’exercice d’un mandat en cours au sein d’une telle instance est incompatible avec la fonction d’IPRP.
    L’habilitation délivrée sur la base de ces critères l’est au titre de l’une, ou de plusieurs, des compétences mentionnées par la loi et le décret, à savoir des compétences médicales, techniques ou organisationnelles. Elle ne peut être délivrée selon une nomenclature plus fine, par spécialité professionnelle, compte tenu de la très importante hétérogénéité des situations et des difficultés que ne manquerait pas de faire naître l’énoncé d’une telle spécialisation, en termes de transparence et de contrôle. En revanche, il n’y a pas obstacle à ce que la notification de l’habilitation fasse mention, dans l’une ou l’autre des compétences légales, du ou des domaines avancés par le candidat lors du dépôt de sa demande.

1.4.2. L’organisation et le fonctionnement des collèges
1.4.2.1. L’organisation territoriale des collèges

    Les collèges sont organisés sur une base régionale. Les 3 organismes de prévention ont tous, au niveau local, une structure géographique différente : les 16 CRAM, les 22 ARACT et les 11 comités régionaux de l’OPPBTP ont des ressorts territoriaux distincts.
    Aussi, dans un double souci de simplification et de mutualisation des moyens, l’article 3 de l’arrêté institue 5 collèges inter-régionaux, de manière à respecter, au mieux, l’intégrité territoriale des 3 organismes de prévention. Le même article fixe la carte géographique retenue, en accord avec la CNAMTS, l’ANACT et l’OPPBTP.
    L’un des 5 collèges a compétence sur les départements d’outre-mer (cf. article 3 de l’arrêté).
    Les 3 organismes de prévention désignent, en leur sein, leurs représentants auprès de chaque collège. La seule limite est celle prévue par le nouvel article R. 241-1-4 du code du travail, qui prévoit un nombre égal de représentants.

1.4.2.2. Le fonctionnement interne des collèges

    Le secrétariat du collège est assuré par la CRAM. C’est donc à la CRAM que revient le soin, au nom du collège, de convoquer les réunions et de procéder à la notification des décisions.
    Compte tenu des délais d’instruction - de 3 mois - définis par le décret, le collège doit se réunir au moins une fois tous les deux mois, ou en tant que de besoin.
    Chaque collège peut adopter un règlement intérieur précisant, dans le respect des textes en vigueur, ses modalités d’organisation et de fonctionnement.
    En tout état de cause, il ne peut déroger aux règles de vote instaurées par l’article 4 de l’arrêté. Ce dernier prévoit en effet que les décisions du collège sont prises en l’absence d’opposition. En effet, il ne serait pas concevable, pour une politique visant à assurer et renforcer la sécurité des travailleurs, que le collège délivre une habilitation ayant rencontré une forte opposition de la part de l’un de ses membres.

    1.4.3. Le dossier de demande d’habilitation

    La personne ou l’organisme désirant être habilité doit accompagner sa demande d’un dossier, dont un modèle est annexé à l’arrêté.
    Le demandeur doit adresser son dossier dûment rempli et signé, accompagné des pièces justificatives suivantes :
    -  pour les personnes physiques, la photocopie des titres et diplômes ou tout document témoignant d’une expérience professionnelle dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail ;
    -  pour les personnes morales, une fiche descriptive de leurs ressources humaines et techniques consacrées à la santé et à la sécurité au travail, ainsi qu’un bilan d’activité en cas de demande de renouvellement ;
    -  pour tous les demandeurs, une déclaration d’intérêt, une lettre de motivation et 4 enveloppes timbrées.
    Ce dispositif général vise, avant tout, à faciliter l’accès à la pluridisciplinarité et à rendre son usage aisé. Le corpus normatif de la pluridisciplinarité doit être mis au service d’une ambition visant à associer tous les acteurs de la prévention.

II.  -  UNE AMBITION : IMPLIQUER TOUS LES ACTEURS
AU SERVICE DES SALARIÉS ET DES EMPLOYEURS

    La pluridisciplinarité doit contribuer au développement d’un travail en réseau. Il convient en effet - au-delà de la médecine du travail - que toutes les disciplines et que tous les spécialistes de la prévention des risques en milieu professionnel travaillent de concert. De multiples acteurs sont concernés : les services de santé au travail, les organismes de prévention, les services de l’Etat.

2.1. L’implication des services de santé et des médecins du travail
2.1.1. Les services de santé au travail

    Les textes régissant l’organisation de la pluridisciplinarité s’appliquent à tous les SST, qu’ils soient autonomes ou interentreprises. Le législateur n’a entendu faire aucune distinction de principe selon que l’entreprise dispose de son propre service ou adhère à un service interentreprises. Cette règle ne souffre aucune exception, mais n’interdit nullement que l’organisation interne de la pluridisciplinarité soit différente d’un type de service à l’autre. Services autonomes et services interentreprises ont chacun leur particularité, qu’il convient de respecter.
    Les services d’entreprise ou d’établissement (dits autonomes) : ces services - dont l’organisation est placée sous la responsabilité de l’employeur - comptent généralement, et d’ores et déjà, de nombreuses ressources humaines dédiées, directement ou indirectement, à la prévention des risques ou à l’amélioration des conditions de travail.
    En l’absence de personnalité morale, ces services - qu’il s’agisse du service de santé lui-même, ou du service de sécurité ou de méthode - ne peuvent prétendre, en tant que tels, à l’habilitation ; seules les personnes physiques composant ces services y ont accès.
    Il n’y a pas, pour autant, nécessité d’habiliter individuellement chacune de ces personnes : l’habilitation de quelques spécialistes - couvrant les 3 compétences, médicales, techniques et organisationnelles requises par la loi - est suffisante. Il serait également de bonne administration que le responsable du service (hors le cas où ce responsable est médecin du travail) soit habilité en tant qu’IPRP, afin que la fonction pluridisciplinaire soit clairement identifiée dans l’entreprise, et favorise l’échange entre l’employeur, les intervenants et les médecins du travail.
    Les services interentreprises : généralement constituées sous la forme associative, ces structures sont placées sous la responsabilité d’un président. Il lui revient d’organiser l’appel aux compétences pluridisciplinaires, en procédant, au préalable, à une analyse précise des besoins des entreprises adhérentes, afin que soient assurées la pertinence des interventions et la nécessaire liaison - voulue par la loi - entre l’entreprise et le service.
    Les services de santé au travail sont en effet au cœur de la pluridisciplinarité. Pour eux, l’apport de compétences pluridisciplinaires doit constituer une valeur ajoutée, mais ne saurait se traduire par une modification du rôle du service, qui doit demeurer au service exclusif de la prévention. Les différents types de services - services autonomes, services interentreprises - gardent chacun leur spécificité.
    Le dispositif légal n’a nullement pour objet de régir l’organisation interne des entreprises ou des SST, mais d’organiser la mise à disposition de compétences pluridisciplinaires au bénéfice des entreprises, afin que la santé et la sécurité des salariés ne soient plus considérées sous un angle uniquement et purement médical. Ce dispositif, qui place les trois compétences sur un pied d’égalité, n’impose qu’une obligation, celle de leur association.
    Les services conservent la liberté de s’organiser comme ils l’entendent, sous la seule réserve, exprimée au nouvel article R. 241-1-7 du code du travail, d’assurer un lien permanent entre l’intervenant et le médecin du travail. Ce lien doit notamment consister en un échange d’informations régulier, qui a pour seul objectif d’optimiser le travail en réseau souhaité.
    Au-delà, les règles actuellement en vigueur relatives au fonctionnement des SST restent d’application. La pluridisciplinarité n’a pas pour objet de s’ingérer dans leur organisation - laquelle demeure de la seule responsabilité de l’employeur -, ni d’ailleurs de leur conférer un monopole, d’autres services de l’entreprise - comme les services de sécurité - pouvant également contribuer à la prévention des risques professionnels.
    Le principe est valable quel que soit le type de service.

2.1.2. Les médecins du travail

    Il convient de garantir l’entier respect des attributions que le code du travail confie aux médecins du travail. De par ses missions et son histoire, le médecin du travail est, en effet, au cœur de la prévention. Ses responsabilités ne pourront que s’accroître en la matière.
    La pluridisciplinarité a pour objet de compléter les compétences apportées par le médecin du travail. Ce dispositif, voulu par le législateur, prend en compte l’article L. 241-2 alinéa 1 du code du travail, dans sa nouvelle rédaction, issue d’une disposition de coordination de la loi du 17 janvier 2002. Il prévoit que « les SST sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de médecins du travail ». Cette disposition a pour seul objet de rappeler que le suivi médical du salarié, tel que prévu par les articles L. 241-1 et suivants du code du travail, ne peut être assuré par d’autres médecins que des médecins du travail, leur action pouvant être complétée par l’exercice d’autres compétences médicales et paramédicales. Elle ne saurait, en revanche, être regardée comme ayant des conséquences de droit sur l’organisation interne des services.
    Quelles que soient les modalités d’organisation retenues par le chef d’entreprise - qui demeure le premier responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés -, l’essentiel est qu’une collaboration s’instaure entre les compétences médicales, techniques et organisationnelles.

2.2. L’implication des organismes de prévention


    2.2.1. Dans un souci de qualité, le législateur a souhaité asseoir la pluridisciplinarité autour de trois organismes experts en matière de prévention : les CRAM, les ARACT et l’OPPBTP. L’enjeu que représente la santé et la sécurité au travail suppose que toutes les garanties soient prises pour concourir à la préservation de l’intégrité physique et mentale des salariés.
    Dans un souci d’efficacité, le législateur a également souhaité décentraliser l’habilitation des intervenants en renvoyant aux structures régionales des organismes mentionnés.
    Dans un souci d’égalité, enfin, le pouvoir réglementaire a mis en place un comité national de pilotage, conduit par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics. La Direction des relations du travail participe aux réunions de ce comité.

2.2.2 Les organismes de prévention ont deux rôles distincts

    -  du fait de la compétence directe que leur a reconnue la loi, les CRAM, les ARACT et les comités régionaux de l’OPPBTP peuvent être sollicités par les entreprises ou les SST, en qualité d’intervenants en prévention des risques professionnels. A ce titre, leur intervention est rémunérée contractuellement, selon les termes prévus par l’article 8 de l’arrêté.
    -  les CRAM, les ARACT et les comités régionaux de l’OPPBTP sont également habilitateurs. Le législateur les a expressément et limitativement désignés comme devant contribuer à la reconnaissance des compétences des intervenants. Une logique de souplesse et de simplicité d’usage a conduit le pouvoir réglementaire à traduire cette exigence législative par l’instauration d’un « guichet unique » régional, composé de représentants des 3 organismes, chargé de délivrer les habilitations nécessaires.
    Ce double rôle confié aux organismes de prévention a été souhaité par le législateur. Mais il a aussi pris soin de ne pas alourdir leurs missions actuelles, qui ne sont en rien modifiées. En effet, dans le cadre de la pluridisciplinarité, les CRAM, les ARACT et l’OPPBTP sont des prestataires de services. C’est une compétence spécifique, soumise à un financement ad hoc, qui se distingue de leurs missions traditionnelles.

2.3. L’implication des services de l’État

    La pluridisciplinarité s’adresse, en premier lieu, aux acteurs du monde du travail. Il convient, dans ce cadre, que les services de l’État s’inscrivent dans la dynamique recherchée, celle d’un travail collectif, de réseau.

2.3.1. Les services de l’inspection du travail

    Les services de l’inspection du travail doivent assumer la mission traditionnelle de contrôle qui leur est dévolue par le code du travail. Les infractions aux dispositions relatives à la pluridisciplinarité sont constatées par les inspecteurs du travail. L’obligation de pluridisciplinarité pèse en effet sur le chef d’entreprise et le SST : c’est à ce titre que l’inspection du travail est amenée à s’assurer que l’employeur ou le président du SST est en capacité de recourir aux compétences nécessaires.
    Il ne s’agit pas, pour elle, de s’assurer que l’entreprise ou le SST a recruté un nombre déterminé d’intervenants, ou a conclu un nombre précis de conventions. Elle doit en revanche vérifier que l’entreprise, lorsqu’elle s’inscrit dans une démarche pluridisciplinaire, fait appel soit aux compétences de l’un des trois organismes cités par la loi, soit à des intervenants dûment habilités.

2.3.2. Les directions régionales du travail, de l’emploi
et de la formation professionnelle (DRTEFP)
2.3.2.1. L’implication de la DRTEFP lors de l’agrément des SST

    La pluridisciplinarité est désormais une obligation qui pèse aussi sur les services de santé au travail. L’article R. 241-7 du code du travail précise que l’agrément de ces services, par les DRTEFP, ne peut être refusé que pour « des motifs tirés de la non-conformité aux prescriptions du présent chapitre », chapitre qui inclut les nouvelles dispositions relatives à la pluridisciplinarité.
    De fait, dorénavant, le contrôle de la DRTEFP doit également porter - lors d’une demande d’agrément ou de renouvellement d’agrément - sur le respect, par le service, de ses obligations pluridisciplinaires. Là encore, ce contrôle se veut davantage qualitatif que quantitatif.
    Cette implication de la DRTEFP est rappelée par l’article 6 de l’arrêté qui prévoit, par ailleurs, qu’un bilan d’application de la pluridisciplinarité doit être adressé, chaque année, par chaque collège, aux DRTEFP de leur ressort, ainsi qu’aux ORST concernés.

2.3.2.2. Le rôle du MIRTMO

    Au titre de la pluridisciplinarité, le médecin-inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre (MIRTMO) doit placer son action dans le cadre, traditionnel, de l’article L. 612-2 du code du travail.
    Cette disposition prévoit que l’action des MIRTMO « porte en particulier sur l’organisation et le fonctionnement » des SST, et précise qu’ils « agissent en liaison avec les inspecteurs du travail et coopèrent avec eux à l’application de la réglementation relative à la santé au travail ».

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    Le recours à des compétences pluridisciplinaires est obligatoire. La pluridisciplinarité s’inscrit en effet, comme l’évaluation des risques, dans la démarche visant à assurer des emplois de qualité, garantissant à la fois la promotion d’un bien-être au travail et les performances de l’entreprise.
    En revanche, les modalités de mise en œuvre - précisées par la présente circulaire - sont faites pour s’adapter, à l’avenir, à l’évolution des besoins et des attentes des acteurs du monde du travail. Si le principe de la pluridisciplinarité ne peut et ne doit pas être remis en cause, ses modalités d’application peuvent, quant à elles, être conçues dans une logique expérimentatrice, et être revues le cas échéant (sur la base du bilan prévu à l’article 9 de l’arrêté).
    Dans cette perspective, vous voudrez bien me tenir informé, sous le présent timbre, des questions soulevées et des éventuelles difficultés rencontrées dans l’application de la présente circulaire. Ces informations permettront, notamment, d’enrichir les travaux du comité national de pilotage.

    Pour le ministre et par délégation :
    Le directeur des relations du travail,
    J-D.  Combrexelle