Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2001/1 du samedi 20 janvier 2001
MINISTÈRE DE LAMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET DE LENVIRONNEMENT
SECRÉTARIAT DETAT À LÉCONOMIE SOLIDAIRE
Circulaire du 5 septembre 2000 relative à la place de léconomie sociale et solidaire dans les processus de contractualisation territoriale
NOR : MESC0011490C
(Texte non paru au Journal officiel)
La ministre de laménagement du territoire et de lenvironnement, le secrétaire dEtat à léconomie solidaire à Madame et Messieurs les préfets de région (pour attribution) ; Mesdames et Messieurs les ministres, ministres délégués et secrétaires dEtat (pour information) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (pour information).
La mise en uvre de nouvelles contractualisations, quil sagisse des contrats de plan, des contrats de pays, des contrats de ville et des contrats dagglomération, va fortement contribuer à la recomposition globale des territoires.
Cette recomposition sinscrit dans de nouvelles pratiques de concertation qui font davantage de place aux acteurs locaux du développement économique et social. Elle sinscrit également dans un contexte de reprise économique favorable à la création demplois qui ne permettra pas néanmoins de résoudre lintégralité des difficultés des territoires en crise.
Léconomie sociale et solidaire participe de cette recomposition. Il convient de lui reconnaître la place quelle mérite, tant dans les instances territoriales de concertation existantes ou à créer quà travers la mobilisation de financements inscrits dans les diverses contractualisations. LEtat doit veiller de son côté à porter les principes de léconomie sociale et solidaire et faciliter son expression.
Tel est lobjet de cette circulaire.
I. - LÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE :
DÉFINITION, CHAMPS ET FONCTIONS
Léconomie sociale et solidaire se définit comme une approche et une pratique de léconomie différentes, fondées sur linitiative citoyenne et sur la mise en uvre de principes de solidarité dans quatre dimensions principales :
- la solidarité entre les générations actuelles qui permet de partager, entre tous, les risques de la vie, de prendre en compte légalité des chances entre les hommes et les femmes, les relations entre les jeunes et les personnes âgées. II sagit dune part de lensemble des systèmes de garantie complémentaire (mutuelles) qui organisent la solidarité entre les individus dans les domaines de la santé, des retraites, du chômage, dautre part de la mise en uvre de règles équitables et du respect de règles éthiques dans les échanges économiques et commerciaux ;
- la solidarité de production et de redistribution qui permet de partager équitablement les risques et les richesses entre individus et de favoriser lentrepreneuriat et lintérêt collectifs. Le mouvement coopératif sest toujours inscrit dans cette dimension. Dautres formes naissent aujourdhui de dynamiques locales qui permettent par exemple à des chômeurs de créer leur propre activité (fonds de prêts dhonneur ; clubs dinvestissement locaux du type « Cigales » ; caisses solidaires...) ;
- la solidarité entre territoires, quil sagisse des rapports entre les pays économiquement riches et les pays économiquement pauvres (commerce équitable ; échange équilibré ; normes éthiques ; labels sociaux) ou de lorganisation des rapports entre espaces urbains et/ou ruraux (circuits de distribution de proximité ; équilibre des aménagements...) ;
- la solidarité avec les générations futures qui se pose principalement sur le plan de lenvironnement et de lénergie, mais aussi social (exemple des retraites) dans la perspective dun développement durable. Dans le domaine environnemental, la solidarité se traduit par le respect des principes de précaution, de prévention et de responsabilité, contribuant à assurer une relation harmonieuse entre la personne humaine et son environnement.
La solidarité sinscrit dans la reconnaissance de principes favorisant la place de lhomme et de la femme dans le processus de production et valorisant les entreprises et associations qui, de manière volontaire, acceptent de mettre en uvre ces règles. Elle sappuie tout particulièrement sur les mouvements mutualistes, coopératifs et associatifs et revêt des formes variées au sein des territoires, quil sagisse :
- de lappui à la création dactivités, par la mutualisation de moyens intellectuels, humains, techniques ou financiers en faveur de créateurs souvent exclus des circuits institutionnels (fonds de prêt dhonneur, mutualisation de moyens techniques ou humains...) ;
- de la mise en place de services de proximité en faveur des particuliers ou de collectivités (travaux domestiques, entretien du domaine privé ou public, réhabilitation de patrimoine, entretien et second uvre de bâtiments, gestion de services liés à lhabitat...) par des structures de nature diverse (régies de quartiers, régies rurales, associations de service à domicile, entreprises dinsertion...) ;
- de lorganisation de dispositifs locaux en faveur de la lutte contre les exclusions, de laccès au logement, aux soins, aux savoirs et à la culture, en faveur des plus démunis (regroupement demployeurs associatifs ; coopératives dactivités, entreprises dinsertion ; systèmes de garantie de loyers en faveur de locataires très sociaux...) ;
- du renforcement de la parole et de la participation des catégories ou groupes sociaux marginalisés dans une perspective de renouvellement et dentretien du lien social, notamment par lanimation du partenariat, du dialogue civique et de la démocratie participative...
Ces dispositifs se structurent dans un certain nombre de cas sous forme de plates-formes, dont lobjectif consiste à mutualiser les moyens, organiser une meilleure adéquation entre loffre et la demande de services et développer une démarche de qualité.
Ces dispositifs sont fondamentaux pour conforter les tissus économiques et sociaux des territoires, combattre lexclusion, favoriser lautonomie et la création dactivités et plus largement renforcer le lien social.
Ils sinscrivent avant tout dans une démarche économique fondée sur des principes éthiques de solidarité, de responsabilité, dautonomie, dutilité collective et de plus-value sociale.
Cest la raison pour laquelle il convient de reconnaître les prestations fournies aux particuliers comme un « bien mutuel », permettant, par exemple en milieu rural, de fixer les populations ou de mettre en uvre légalité daccès pour tous les citoyens à des services, tant en zone urbaine quen milieu rural.
Dans la majeure partie des cas, lhybridation des financements, combinaison des financements publics et privés, est nécessaire pour assurer lémergence, lefficacité et la pérennité des actions conduites.
II. - PRISE EN COMPTE DE LÉCONOMIE SOLIDAIRE
DANS LES CONTRACTUALISATIONS TERRITORIALES
a) Principes généraux
Issue dune démarche territoriale initiée par les acteurs locaux, léconomie solidaire doit nécessairement se retrouver dans les différentes contractualisations territoriales, quil sagisse des contrats de plan, des contrats de pays, des contrats dagglomération ou dans les contrats de ville.
Cest pourquoi, il vous est demandé, dans le respect des règles relatives aux aides publiques en faveur des entreprises et des associations ainsi que du code des marchés publics, de veiller à la prise en compte, sur le long terme, des dispositifs existants ou à créer dans le domaine de léconomie solidaire pour lensemble des contractualisations qui relèvent de votre responsabilité.
La reconnaissance de léconomie sociale et solidaire doit ainsi permettre :
- de nouer un partenariat durable entre lEtat les collectivités et les acteurs engagés dans léconomie sociale et solidaire sous forme notamment de conventions pluriannuelles dobjectifs ;
- détablir des conventions financières entre lEtat et les gestionnaires de services de proximité et de susciter celles qui peuvent être conclues par les collectivités locales et ces mêmes gestionnaires, rémunérant en partie les prestations fournies aux usagers ou aux collectivités ;
- de faire bénéficier les entreprises de ce secteur des différents dispositifs daide aux entreprises existants ;
- de consulter les structures de léconomie sociale et solidaire, pour la réalisation de marchés publics.
Il convient de veiller à ce que les différentes formes dexpression de léconomie sociale et solidaire puissent être appuyées par ces contractualisations, mais aussi que les acteurs de ce secteur soient pleinement associés aux instances de concertation mises en place dans le cadre de ces contractualisations.
b) Les contrats de plan Etat-Régions
Certaines régions ont accepté de sengager dans un dispositif dappui contractuel mobilisant les crédits de la Délégation interministérielle à linnovation sociale et à léconomie sociale (DIES) pour le développement de léconomie sociale et solidaire. Mais de nombreux autres crédits déconcentrés, provenant de divers ministères, peuvent contribuer à lémergence et à la consolidation de dispositifs déconomie sociale et solidaire, principalement au titre des volets territoriaux. Vous veillerez à ce que lensemble de ces crédits soient facilement mobilisables en faveur de ce secteur, tant en termes dengagement que de mandatement. Vous serez également attentifs à ce que le secteur de léconomie sociale et solidaire soit étroitement associé et, si possible, représenté au sein des instances dévaluation des contrats de plan que vous mettrez en place, notamment au sein des Conférences régionales daménagement et de développement du territoire (CRADT). Vous tiendrez notamment compte des possibilités de représentation de ce secteur au sein des délégations des Conseils économiques et sociaux régionaux CESR et des activités professionnelles ou associatives prévues explicitement par le décret dapplication relatif aux CRADT.
c) Les contrats de pays
Tant du point de vue de lorganisation des solidarités entre les diverses composantes rurales et urbaines, que de la structuration et de la cohésion sociale de ces territoires, vous veillerez à ce que la dimension et les dispositifs en faveur de léconomie sociale et solidaire soient bien pris en compte dans les chartes et par voie de conséquence dans les contrats de pays et que les acteurs de ce secteur soient sollicités pour être représentés dans les conseils de développement. Vous serez attentifs au périmètre dintervention des dispositifs déconomie sociale et solidaire, certains ne pouvant assurer les conditions de leur équilibre que dans des configurations territoriales minimales (exemple des plates-formes de services et des dispositifs locaux de soutien financier et technique à la création dentreprises).
d) Contrats de ville, contrats dagglomération
Lorsquils existent, les contrats de ville représentent une part importante, mais non exclusive, du volet de cohésion sociale des contrats dagglomération (cf. note 1) et prennent en compte, par nature, la dimension de léconomie sociale et solidaire. Mais lapproche de cohésion sociale des contrats dagglomération ne peut se limiter aux seuls contrats de ville. La création dagglomérations a pour objet essentiel dorganiser le développement durable et de renforcer les solidarités entre les différentes composantes spatiales du territoire urbain marquées aujourdhui par laccentuation de divers processus de sélection ou de ségrégation. A ce titre, les différents dispositifs déconomie sociale et solidaire sont fondamentaux. Les chartes et les contrats dagglomération que vous serez amenés à étudier devront nécessairement prendre en compte ces dispositifs (cf. note 2) et les représentants de ce secteur seront sollicités pour être représentés dans les conseils de développement.
e) Politiques structurelles de lUnion européenne
La politique de cohésion économique et sociale de lUnion européenne se décline, au niveau régional, par la mobilisation des fonds structurels au titre des objectifs 1 et 2 ainsi quau travers du soutien transitoire. Les Documents uniques de programmation (DOCUP) comprennent bon nombre dobjectifs et de mesures visant à redynamiser le tissu économique et social des territoires concernés.
Léconomie sociale et solidaire contribue fortement à cette redynamisation. Aussi, vous veillerez dans ce cadre à ce que les sous-mesures et les actions éligibles qui seront inscrites au titre des compléments de programmation prennent en compte le champ de léconomie sociale et solidaire, dans une logique de cohérence et de complémentarité avec le contenu des diverses contractualisations évoquées précédemment.
En ce qui concerne lobjectif 3, il sera apporté une attention particulière aux porteurs de projet sinscrivant dans la démarche de léconomie sociale et solidaire. Notamment, dans le cadre de la mesure 10 b « soutien aux micro-projets », je vous demande détudier la mise en place dune convention de gestion de cette mesure auprès dun organisme de léconomie sociale et solidaire ou de têtes de réseau.
Dans le même esprit, les représentants de léconomie sociale et solidaire devront être représentés aux comités de suivi et de programmation.
f) Dispositions financières
Du point de vue financier, dans le respect des dispositions de la circulaire du délégué à laménagement du territoire et à laction régionale du 17 décembre 1999 (cf. note 3) , le FNADT pourra être mobilisé en faveur de léconomie sociale et solidaire. Mais les crédits de droit commun devront être également mobilisés au profit de ce secteur et pourront bénéficier, si nécessaire, dun accompagnement du FNADT.
Le Fonds national de développement des entreprises (INDE) peut également, selon ses règles propres dengagement, appuyer le champ de léconomie sociale et solidaire.
Vous veillerez à ce que les actions soutenues financièrement sinscrivent de préférence dans le cadre de conventions pluriannuelles, avec obligation dévaluation, dans le but de permettre aux acteurs de léconomie sociale et solidaire de se consacrer pleinement à leur activité (cf. note 4) .
Il vous est rappelé que dans les plans de financement des actions ou des programmes issus des contrats de plan, les prestations fournies par les bénévoles des associations pourront être prises en compte comme contrepartie dautofinancement (cf. note 5) .
Par ailleurs, dans un souci de prévention des sinistres des entreprises et des associations, vous veillerez, tant dans lélaboration que dans la mise en uvre de décisions administratives, à étudier leur incidence éventuelle sur les dispositifs locaux déconomie sociale et solidaire.
III. - MISE EN UVRE
Les correspondants régionaux de léconomie sociale sont chargés, sous votre autorité, de veiller à la cohérence des diverses contractualisations en région sous lapproche de léconomie sociale et solidaire. A ce titre, les correspondants régionaux devront faire parvenir annuellement à la DIES, avec copie à la DATAR, un bilan annuel des actions soutenues, un état de la participation des acteurs de léconomie sociale et solidaire dans les différentes instances territoriales de concertation, assorti dun tableau financier des engagements pris et des mandatements réalisés au titre de chaque contractualisation. Ce bilan consolidera également les synthèses des aides financières accordées par les services de lEtat dans les départements qui doivent être réalisées par les délégués départementaux à la vie associative (cf. note 6) .
Les correspondants régionaux de la DIES et les délégués départementaux à la vie associative veilleront, sous votre autorité et en tant que de besoin avec votre soutien et votre appui, à la cohérence des différents dispositifs territoriaux de contractualisation, par une information et une collaboration mutuelles.
Les correspondants régionaux de la DIES appuieront notamment les délégués départementaux à la vie associative, dans leur mission interministérielle de développement de la vie associative.
Les délégués départementaux à la vie associative veilleront à ce que les différentes contractualisations territoriales signées soient mises à la disposition des acteurs du monde associatif au sein des Missions daccueil et dinformation aux associations.
Dans le cadre de ses missions danimation et de coordination des correspondants régionaux de léconomie sociale et des délégués départementaux à la vie associative, la DIES apportera le soutien nécessaire à la mise en uvre de la présente circulaire.
Fait à Paris, le 5 septembre 2000.
La ministre de laménagement du territoire et de lenvironnement, Dominique Voynet |
Le secrétaire dEtat à léconomie solidaire, Guy Hascoët |
NOTE (S) :
(1) Loi no 99-533 du 25 juin 1999 dorientation pour laménagement et le développement durable du territoire (J.O. du 29 juin 1999), article 26.
(2) Idem, article 27.
(3) Circulaire du délégué à laménagement du territoire et à laction régionale aux préfets de région sur lemploi des crédits contractualisés du FNADT en date du 17 décembre 1999.
(4) Une circulaire du Premier ministre sur la contractualisation pluriannuelle entre lEtat et les associations devrait vous parvenir prochainement.
(5) Loi no 99-533 du 25 juin 1999, article 5, 8o.
(6) Circulaire interministérielle du 22 décembre 1999, relative aux relations de lEtat avec les associations dans les départements.