Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/20  du mardi 5 novembre 2002




Amnistie
Droit disciplinaire
Salarié


Circulaire  DRT no 2002-17 du 16 septembre 2002 relative à l’application de la loi no 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie

NOR :  MEST0210141C

(Texte non paru au Journal officiel)

Référence : loi no 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie.
Circulaires abrogées ou modifiées : néant.

Madame et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail, Mesdames et Messieurs les préfets de département, Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.
    La loi du 6 août 2002 portant amnistie a été publiée au Journal officiel du 9 août 2002.
    Les principes de la loi d’amnistie du 3 août 1995 ont été repris. Toutefois les catégories d’infractions n’entrant pas dans le champ de l’amnistie ont sensiblement augmenté : quarante-neuf catégories sont exclues, contre vingt-huit en 1995, dix-sept en 1988 et quatorze en 1981.
    La circulaire du garde des sceaux datée du 6 août 2002, publiée au Journal officiel du 10 août, commente l’économie générale de ce texte.
    La présente circulaire a pour objet de préciser celles des dispositions de la loi susceptibles de trouver application dans le champ des relations du travail.
    Elle s’adresse à la fois aux inspecteurs du travail et aux autorités qui en tiennent lieu. Tous les fonctionnaires qui, conformément à l’article L. 611-4 du code du travail, exercent, sous mon autorité, les fonctions d’inspecteur du travail voudront donc bien s’y conformer dans leurs secteurs de compétences respectifs.
    Comme les lois d’amnistie antérieures, la loi du 6 août traite des questions touchant aux relations de travail sous deux aspects :
    -  les infractions pénales (art. 1 à 9, et 14 de la loi) ;
    -  les sanctions disciplinaires ou professionnelles (art. 11 à 13 de la loi).
    La présente circulaire vise, dans chacun de ces domaines, à en préciser le champ d’application, les effets juridiques, l’impact sur l’action des services. Elle traite plus particulièrement des conséquences de l’amnistie sur les procédures pénales en cours et, d’autre part, sur les principales difficultés juridiques que vous pourriez rencontrer pour l’application des dispositions relatives à l’amnistie des sanctions prononcées par un employeur à l’encontre d’un salarié, tant au regard de votre mission d’information et de contrôle que pour la prise des décisions qui vous incombent et leur défense devant les tribunaux administratifs.

SOMMAIRE  

1.  L’amnistie des infractions pénales
1.1.  Les infractions amnistiées en raison de la nature de l’infraction ou des circonstances de leur commission
1.1.1.  Les contraventions
1.1.2.  Les délits commis à l’occasion de conflits du travail
1.1.3.  Les délits pour lesquels seule une peine d’amende est encourue, à l’exception de toute autre peine ou mesure (article 2 - 2o de la loi)
1.1.4.  Situations de condamnation pour infractions multiples.
   1.2.  Les infractions amnistiées en raison du quantum ou de la nature de la peine
1.2.1.  Aministie sans conditions
1.2.2.  Amnistie sous conditions
   1.3.  Les infractions totalement exclues du champ de l’amnistie par l’article 14
1.3.1.  Les exclusions au titre de la récidive légale
1.3.2.  Les exclusions dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail
1.3.3.  Les exclusions en matière d’atteinte aux libertés dans l’entreprise, de discrimination et de harcèlement
1.3.4.  Les exclusions en matière d’atteinte au droit syndical et à l’exercice des mandats de représentants du personnel
1.3.5.  Les exclusions touchant à diverses pratiques et activités
1.3.6.  Les exclusions touchant à l’emploi des étrangers
1.3.7.  Les exclusions de nature à garantir la protection des agents de l’inspection du travail dans l’exercice de leurs missions
   1.4.  Les effets de l’amnistie
2.  Les sanctions disciplinaires ou professionnelles
2.1.  Principes
2.2.  Les salariés concernés
2.3.  Les faits concernés
2.3.1.  La notion de faits
2.3.2.  La date des faits
2.3.3.  Les faits exclus en raison d’une condamnation pénale
2.3.4.  Les faits exclus car constituant un manquement à la priorité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur
   2.4.  Effets de l’amnistie des sanctions
2.4.1.  L’impact sur les sanctions prises
2.4.2.  La réintégration
2.4.3.  Les autres effets de l’amnistie
   2.5.  Intervention de l’inspection du travail
2.5.1.  La loi impose le retrait des mentions des sanctions amnistiée
2.5.2.  L’étendue du contrôle de l’inspecteur du travail
2.5.3.  Les conséquences du contrôle
   2.6.  Le contentieux des sanctions
   2.7.  Incidence de la loi sur les procédures de licenciement de représentants du personnel
2.7.1.  Instruction de la demande initiale
2.7.2.  Instruction des recours gracieux
2.7.3.  Instruction des recours contentieux

1.  L’amnistie des infractions pénales
Principes généraux

    L’amnistie bénéficie aux personnes physiques et aux personnes morales. Lorsqu’une infraction est passible de sanctions visant la personne morale, les effets de la loi d’amnistie s’appliqueront dans les mêmes conditions à la personne physique et à la personne morale.
    Les infractions susceptibles d’être amnistiées doivent avoir été commises avant le 17 mai 2002, peu importe la date de leur constat. Elles peuvent être antérieures à 1995 s’il s’avérait que la loi actuelle amnistie des infractions que la loi du 3 août 1995 n’aurait pas amnistiées.
    Le législateur a repris la logique adoptée lors des lois antérieures, qui conduit à distinguer trois catégories d’infractions :
    1.  Celles amnistiées en raison de la nature de l’infraction ou des circonstances de leur commission (art. 2 à 4 de la loi) ;
    2.  Celles amnistiées en raison du quantum ou de la nature de la peine (art. 5 à 8) ;
    3.  Celles totalement exclues du champ de l’amnistie (art. 14).
    Il faut souligner qu’une infraction n’entrant pas dans la première catégorie peut devenir amnistiable au motif qu’elle est comprise dans la deuxième catégorie, ou vice versa. En revanche, une infraction ne peut pas être amnistiée à d’autres titres dès lors qu’elle figure dans la liste des exclusions de l’article 14.

1.1.  Les infractions amnistiées en raison de la nature de l’infraction
ou des circonstances de leur commission
1.1.1.  Les contraventions

    Par application de l’article 1er de la loi, les contraventions en droit du travail sont amnistiées. Sont concernées les contraventions définies dans le code du travail, quelle que soit leur classe, celles visées par divers textes non codifiés dont les agents de contrôle sont chargés de la constatation.
    Sont toutefois exclues du bénéfice de l’amnistie :
    -  les contraventions de 5e classe commises en état de récidive légale (art. 14, paragraphe 45o de la loi) ;
    -  les contraventions entrant dans les matières expressément exclues de l’amnistie, listées dans le même article 14.
    Ces deux catégories d’exceptions sont commentées sous les points 1.3.1 et 1.3.2 de la circulaire.

1.1.2.  Les délits commis à l’occasion de conflits du travail

    Dans un souci d’apaisement, le législateur a souhaité amnistier les délits commis dans des circonstances particulières, à l’occasion notamment de conflits à caractère professionnel ou syndical. Il a cependant exclu les faits les plus graves, c’est à dire ceux passibles d’au moins dix ans d’emprisonnement.
    Le paragraphe 1o de l’article 3 de la loi vise les délits commis à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de salariés, d’agents publics et de membres de professions libérales, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. Lors des débats parlementaires, le garde des sceaux a précisé que la double notion d’activités syndicales et revendicatives ne devait pas s’entendre comme des conditions cumulatives.
    Comme le rappelle la circulaire de la Chancellerie, l’amnistie prévue par l’article 3 n’intervient toutefois que sous réserve des exclusions prévues par l’article 14, et notamment de l’exclusion des violences contre les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, et des dégradations, destructions ou détériorations aggravées (paragraphes 27o et 34o de l’article 14). Lorsqu’elle intervient après la condamnation, l’amnistie de plein droit prévue par cet article doit être constatée par le ministère public, d’office ou à la demande des intéressés, cette constatation permettant notamment la suppression des fiches du casier judiciaire.
    Les services d’inspection ne sont pas directement concernés par l’impact de cet article dont le contentieux sera le cas échéant soumis au contrôle du juge pénal. En revanche, ils sont susceptibles de devoir apprécier si des faits reprochés à des représentants du personnel ou représentants syndicaux entrent dans le champ de l’amnistie. Les effets de la loi d’amnistie sur les décisions prises par l’IT sont traités aux points 2.7.1. et 2.7.2. de cette circulaire.

1.1.3.  Les délits pour lesquels seule une peine d’amende est encourue,
à l’exception de toute autre peine ou mesure (art. 2 - 2o de la loi)

    L’exception doit être interprétée de manière stricte. Ainsi, n’entrent dans le champ de cet article ni les infractions prévoyant une peine principale en plus de l’amende (emprisonnement par exemple), ni celles assorties de peines complémentaires (telles que l’affichage ou la publication du jugement), ni celles pouvant entraîner soit une peine d’amende soit une peine d’emprisonnement.
    A l’inverse, le prononcé possible de sanctions administratives ne constitue pas l’une des peines ou mesures constituant l’exception (cass. crim. 14 mai 1996).

1.1.4.  Situations de condamnation pour infractions multiples

    Ces situations, définies par l’article 4 de la loi, correspondent à l’hypothèse d’une condamnation à une peine unique, prononcée d’une part pour une ou des infractions amnistiables par nature et d’autre part pour une ou des infractions qui ne le sont pas (sans pour autant être exclues en vertu de l’article 14).

1.2.  Les infractions amnistiées en raison du quantum
ou de la nature de la peine

    Contrairement aux dispositions précitées, l’amnistie en raison du quantum ou de la nature de la peine est déterminée non par la peine encourue par le prévenu, mais par celle qui a effectivement été prononcée. L’amnistie est donc subordonnée à une condamnation à une peine.
    L’amnistie n’est acquise qu’après condamnation devenue définitive. Toutefois, hors les cas où l’amnistie est subordonnée à l’exécution de la peine, en l’absence de partie civile et sauf opposition, appel ou pourvoi en cassation dans les délais légaux à compter du jour de la décision, cette amnistie est acquise, sans qu’il y ait lieu à signification, après condamnation prononcée par défaut, par itératif défaut ou dans les conditions prévues par les articles 410 et 411 du code de procédure pénale (art. 8 de la loi).
    Les infractions qui ne sont pas amnistiables en raison de leur nature ou des circonstances de leur commission ne peuvent être amnistiées qu’après jugement, en raison du quantum ou de la nature de la peine prononcée, sous réserve des exclusions de l’article 14.

1.2.1.  Amnistie sans conditions

    Sont amnistiés les délits qui ont été ou seront punis de peines d’amende inférieure ou égale à 750 euros, à l’exclusion de l’une des peines prévues à l’article 6 (emprisonnement, travail d’intérêt général) (art. 5 de la loi). Pour les peines prononcées en francs avant le 1er janvier 2002, le seuil de 750 euros est égal à 4 920 francs.
    Sont également amnistiés les délits qui ont été ou seront punis de peines d’emprisonnement ferme ou assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve inférieures ou égales à trois mois et de peines d’emprisonnement assorties d’un sursis simple inférieures ou égales à six mois.
    Sont enfin amnistiés les délits qui ont donné ou donneront lieu à une dispense de peine en application des articles 132-58 et 132-59 du code pénal ou à une mesure d’admonestation (art. 7 de la loi).
    Ces dispositions reprennent celles contenues dans la loi de 1995.

1.2.2.  Amnistie sous conditions

    Le législateur a de surcroît prévu que sont amnistiés :
    -  les délits qui ont été ou seront punis d’une peine d’amende d’un montant supérieur à 750 euros, à condition que son paiement ait été effectué (art. 5 de la loi) ;
    -  les délits qui ont été ou seront punis d’une peine d’emprisonnement assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve supérieures à trois mois et inférieures ou égales à six mois lorsque la condamnation aura été déclarée non avenue (art. 132-52 du code pénal) ou que le condamné aura accompli le délai d’épreuve (art. 132-42) sans qu’intervienne une décision de révocation du sursis.

1.3.  Les infractions totalement exclues du champ de l’amnistie
par l’article 14

    Le législateur a exclu du bénéfice de l’amnistie, pour l’ensemble des matières, les délits et contraventions de la cinquième classe commis en état de récidive légale (alinéa 45o).
    Il a, par ailleurs, exclu un ensemble important d’infractions dans tous les domaines de la législation, quelle que soit la peine encourue ou prononcée.
    Les exclusions figurant dans le champ des relations de travail sont détaillées et commentées ci-après. Seront également commentées les dispositions non codifiées visées dans cet article, celles insérées dans le code pénal et auxquelles renvoie le code du travail, et celles touchant à des aspects connexes.

1.3.1.  Les exclusions au titre de la récidive légale

    En matière délictuelle, il y a récidive, au sens de l’article 132-10 du code pénal, lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un délit, commet, dans le délai de cinq ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé au regard des règles de la récidive.
    La récidive est définie, selon les mêmes caractéristiques, par l’article 132-14 du même code pour les personnes morales.
    En matière contraventionnelle, pour les seules contraventions de 5e classe, à la condition expresse que le texte réglementaire le précise, la récidive n’est prévue que pour la même contravention commise dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine (art. 132-11 du Code pénal concernant les personnes physiques, et article 132-15 du même code concernant les personnes morales).

1.3.2.  Les exclusions dans le domaine de la santé
et de la sécurité au travail

    Le paragraphe 32o vise les infractions d’atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne et de risques causés à autrui prévues par les articles 221-6, 222-19, 222-20, 223-1, R. 625-2 et R. 625-3 du code pénal, ainsi que le délit prévu par l’article L. 263-2 du code du travail, lorsqu’ils sont commis par un employeur ou son représentant par inobservation des dispositions de la législation et de la réglementation du travail en matière de santé et de sécurité des travailleurs.
    La précision apportée quant à l’auteur des infractions s’explique par le fait que les articles du code pénal ne sont pas spécifiques à la relation de travail.
    Aux articles législatifs du code pénal qui figuraient déjà dans la loi d’amnistie de 1995 ont été ajoutées les contraventions d’atteintes involontaires à l’intégrité de la personne prévues par les articles R. 625-2 et R. 625-3 de ce code lorsqu’elles résultent d’un accident du travail (à l’instar de ce qui a été prévu pour les accidents de la circulation).
    La notion d’« employeur ou son représentant » doit être considérée comme équivalente à la qualification donnée par l’article L. 263-2 du code du travail aux auteurs des infractions : chefs d’établissement, directeurs, gérants ou préposés. Tous les délits entrant dans le champ des chapitres I, II et III du titre 2 du livre II sont donc exclus de l’amnistie s’ils sont réprimés par l’article L. 263-2.
    Il faut noter que les articles précités du code pénal sont également exclus du champ de l’amnistie lorsque les infractions sont commises à l’occasion de la conduite d’un véhicule, par application du paragraphe 9o.

1.3.3.  Les exclusions en matière d’atteinte aux libertés
dans l’entreprise, de discrimination et de harcèlement

    Sont visés :
    -  les délits constitués par une atteinte aux droits des personnes résultant de la constitution de fichiers ou de l’utilisation de traitements informatiques, prévus par les articles 226-16 à 226-23 du code pénal (paragraphe 31o). Cette exclusion, résultant d’un amendement parlementaire pour mieux lutter contre les sectes, concerne tous les domaines du droit, y compris les fichiers tenus dans les entreprises ;
    -  les délits de discrimination prévus par les articles 225-1 à 225-3 et 432-7 du code pénal et L. 123-1, L. 412-2 et L. 413-2 du code du travail (paragraphe 2o). Outre les discriminations syndicales, sont ainsi visées les discriminations de toute nature (sexe, âge, mœurs, handicap) que l’inspection du travail est chargée de contrôler, par application soit de l’article L. 123-1 pour les discriminations liées au sexe, soit des dispositions combinées des articles L. 611-1 du code du travail et 225-2 du code pénal pour les autres formes de discrimination ;
    -  les délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral prévus par les articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal (paragraphe 11o) (en revanche, les articles L. 122-46, L. 122-49 et L. 152-1-2 du code du travail ne figurent pas dans la liste des exclusions).

1.3.4.  Les exclusions en matière d’atteinte au droit syndical
et à l’exercice des mandats de représentants du personnel

    Sont concernées les infractions d’atteinte à l’exercice du droit syndical, à la législation et à la réglementation en matière d’institutions représentatives du personnel dans les entreprises, à la législation et à la réglementation en matière de comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail, prévues par les articles L. 481-2, L. 482-1, L. 483-1 et 263-2-2 du code du travail, qui ont été ou seront punies d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an (paragraphe 16o).
    Chacun des quatre délits concernés est passible d’un emprisonnement ne pouvant dépasser un an en première condamnation, et deux ans en récidive. En pratique, cette exclusion de la loi sera donc de faible portée puisque seuls les auteurs condamnés à une peine de plus d’un an, donc en situation de récidive légale, se trouveront hors du champ de l’amnistie.

1.3.5.  Les exclusions touchant à diverses pratiques et activités

    Sont concernés :
    -  les délits relatifs au marchandage et au travail dissimulé, (paragraphe 15o) ;
    -  les infractions relatives aux transports routiers : règlements communautaires 3820/85 (harmonisation de dispositions en matière sociale) et 3821/85 (appareil de contrôle) ; décret no 86-1130 du 17 octobre 1986 et ordonnance no 58-1310 du 23 décembre 1958 (conditions de travail dans les transports routiers publics et privés en vue d’assurer la sécurité de la circulation routière) ; délits prévus par l’article 25 de la loi de finances pour l’exercice 1952 (no 52-401 du 14 avril 1952), la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, la loi no 92-1445 du 31 décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises, la loi no 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d’ordre économique et commercial, et la contravention prévue par le décret no 93-824 du 18 mai 1993 relatif aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises (paragraphe 17o).

1.3.6.  Les exclusions touchant à l’emploi des étrangers

    Sont visées :
    -  les infractions prévues par les articles 19, 21 et 27 de l’ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (paragraphe 14o) ;
    -  celles relatives à l’introduction ou à l’emploi de main-d’œuvre étrangère (L. 364-1 à L. 364-6) (paragraphe 15o).

1.3.7.  Les exclusions de nature à garantir la protection des agents
de l’inspection du travail dans l’exercice de leurs missions

    Sont visés :
    -  le délit d’obstacle à l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur ou d’un contrôleur du travail prévus par les articles L. 631-1 et L. 631-2 du code du travail (paragraphe 15o). L’article L. 631-2, qui vise en fait plus précisément les autres atteintes à l’exercice des fonctions (résistance, outrages, violences) renvoie aux dispositions du code pénal, elles-mêmes exclues de l’amnistie ;
    -  les délits de violences, d’outrage, de rébellion, de diffamation et d’injures commises à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, prévus par le 4o des articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, par les articles 433-3, 433-5 à 433-8 et 434-24 du code pénal (paragraphe 27o).

1.4.  Les effets de l’amnistie des infractions

    Comme le rappelle la circulaire de la chancellerie, l’amnistie efface les condamnations prononcées ou éteint l’action publique en emportant les conséquences prévues par les articles 133-9 à 133-11 du code pénal et 6 et 769 du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté autres que celles prévues par l’article 16.

2.  Les sanctions disciplinaires ou professionnelles

    Comme en 1995, la loi institue, sous certaines conditions, un régime d’amnistie des faits constituant des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles, ou retenus ou susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions, prononcées par un employeur.
    Seront successivement examinés le champ d’application de cette mesure, les faits amnistiés, les effets de l’amnistie, les conditions d’intervention de l’inspection du travail, l’incidence de la loi d’amnistie sur les procédures relatives au licenciement de représentants du personnel et le contentieux de l’amnistie.

2.1.  Principes

    La loi d’amnistie prévoit par ses articles 11 à 13 que les faits commis avant le 17 mai 2002, en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou qu’ils sont retenus ou susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur, sont amnistiés de plein droit.
    L’article 11 présente le dispositif.
    L’article 12 en précise les modalités dans le champ des relations dutravail :
    « Sont amnistiés, dans les conditions prévues à l’article 11, les faits retenus ou susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur.
    « L’inspection du travail veille à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés. A cet effet, elle s’assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l’amnistie.
    « Les règles de compétence applicables au contentieux des sanctions sont applicables au contentieux de l’amnistie. »
    Cette règle est assortie de deux réserves :
    -  En premier lieu, lorsque ces faits ont également donné lieu à une condamnation pénale, leur amnistie est subordonnée à l’amnistie de la condamnation pénale (ce qui suppose qu’il ne s’agit pas d’infractions exclues de l’amnistie par l’article 14). Toutefois, en cas de condamnation pénale, l’amnistie s’applique également, ce qui constitue une nouveauté par rapport à la loi de 1995, si est intervenue la réhabilitation - légale ou judiciaire - du condamné. Cette innovation est justifiée par les dispositions de l’article 133-16 du code pénal qui prévoient que la réhabilitation produit les mêmes effets que l’amnistie (dans une telle hypothèse, l’amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles jouera de plein droit, même s’il s’agit de faits qui n’auraient pu être amnistiés en raison du quantum de la peine prononcée ou parce qu’ils faisaient partie de la liste des exclusions de l’article 14).
    Bien évidemment, s’agissant de faits exclus par l’article 14, il appartient en pratique au salarié d’informer son employeur du fait que la condamnation pénale prononcée contre lui a fait l’objet d’une réhabilitation s’il souhaite bénéficier de l’amnistie ; l’employeur ne pouvant, par lui-même, connaître l’existence d’une telle réhabilitation.
    -  En second lieu, sont exclues les fautes constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur. Une amnistie de telles fautes ne peut résulter que d’une mesure individuelle du Président de la République, dans les conditions prévues à l’article 11.

2.2.  Les salariés concernés

    L’article 11 s’applique à tous les salariés qui se trouvent, vis-à-vis de leur employeur, dans une relation contractuelle régie par le droit privé. On peut considérer qu’est visé par cet article l’ensemble des salariés qui, sous réserve de remplir les autres conditions prévues à l’article L. 513-1 du code du travail, auraient qualité pour être électeurs aux conseils de prud’hommes (cf. circulaire DRT 2002-07 du 25 mars 2002, chapitre 1, section 3).
    Les règles applicables à une entreprise en vertu de la loi d’amnistie s’appliqueront dans les mêmes conditions à l’entreprise assurant la poursuite des contrats de travail par application de l’article L. 122-12 du code du travail.

2.3.  Les faits concernés
2.3.1.  La notion de faits

    Tous les faits autres que ceux visés aux paragraphes 2.3.3 et 2.3.4 ci-dessous, retenus ou susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions sont amnistiés, qu’il s’agisse de fautes commises en matière d’obligations professionnelles, de discipline, ou de fautes commises dans l’exercice d’un mandat de représentation du personnel.
    Seuls les faits constitutifs d’une faute entrent dans le champ d’application de la loi.
    C’est ainsi que ne peuvent être couvertes par l’amnistie les absences répétées pour cause de maladie ayant perturbé la bonne marche de l’entreprise et ayant entraîné un licenciement (Cour de cassation, chambre sociale, 15 janvier 1987).
    N’est pas davantage amnistiée, en l’absence de comportement fautif du salarié, l’insuffisance professionnelle (Cour de cassation, chambre sociale, 4 décembre 1986 et 30 octobre 1991 ; CE 29 décembre 1995), susceptible de fonder un licenciement.
    Les fautes susceptibles d’être qualifiées de fautes lourdes sont amnistiées dès lors qu’elles n’entrent pas dans les catégories de fautes expressément écartées de la loi d’amnistie (CE sté Fabre, 21 décembre 1994).

2.3.2.  La date des faits

    Comme le précise l’article 1er, les faits amnistiés doivent avoir été commis avant le 17 mai 2002, peu important que la sanction ait été prise avant ou après cette date. Au contraire, aucun des faits intervenus à compter du 17 mai 2002 n’est couvert par la loi.
    A l’instar du principe déjà rappelé concernant les infractions pénales, un salarié pourrait légitimement se prévaloir des dispositions de la loi pour des faits commis avant la date d’effet des précédentes lois d’amnistie.

2.3.3.  Les faits exclus en raison d’une condamnation pénale

    L’article 11 écarte de l’amnistie certaines situations où les mêmes faits ont entraîné à la fois une condamnation pénale et une sanction disciplinaire. La sanction disciplinaire ne peut en effet être amnistiée si la condamnation pénale ne l’est pas elle-même. L’amnistie de la condamnation pénale s’apprécie en principe au jour où cette condamnation revêt un caractère définitif.

2.3.4.  Les faits exclus car constituant un manquement à la probité,
aux bonnes mœurs ou à l’honneur

    La loi ne définit pas les notions de probité, de bonnes mœurs et d’honneur. Il convient donc de se référer à la jurisprudence.
2.3.4.1.  La notion de probité
    Le manquement à la probité recouvre principalement les atteintes frauduleuses aux biens. Constituent, par exemple, un tel manquement :
    -  le fait d’utiliser le matériel de l’entreprise à son propre profit (cass. soc., 12 décembre 1983) ;
    -  le fait de détourner à son profit une cotisation syndicale (CE Legoff, 25 avril 1984) ;
    -  le fait de détourner des biens ou produits : ainsi d’un salarié ayant régulièrement prélevé des cigarettes, au-delà des tolérances admises par l’entreprise, pour les remettre à un autre salarié en vue de leur revente (CE - SEITA, 22 janvier 1996).
    En revanche, ne constitue pas un manquement à la probité le fait pour un salarié ayant quinze ans d’ancienneté dans l’entreprise d’emprunter sans autorisation du petit matériel pour le week-end (CE Ollier, 15 juin 1994).
    Certains comportements ont également été jugés contraires à la probité. Ainsi :
    -  le fait d’utiliser à des fins personnelles des heures de délégation (Cass. Soc, 27 novembre 1985 et CE, Dargniat, 7 mars 1994) ;
    -  le fait de travailler pour son propre compte en période d’arrêt maladie (CE, Edegdag, 22 juillet 1992).
2.3.4.2.  La notion de bonnes mœurs
    L’atteinte aux bonnes mœurs n’est pas précisée par la jurisprudence, qui est rarement amenée à se prononcer sur ce sujet. Elle peut recouvrir notamment le harcèlement sexuel, et les agressions sexuelles.
2.3.4.3.  La notion d’atteinte à l’honneur
    La notion d’atteinte à l’honneur est généralement utilisée en jurisprudence pour qualifier les actes attentatoires à l’intimité de la vie privée, la violation du secret professionnel ou l’atteinte à la liberté du travail.
    Ainsi ont été considérés comme des manquements à l’honneur :
    -  la violation du secret des communications téléphoniques (Cass. Soc, Guilbert, 13 décembre 1994) ;
    -  le détournement et la communication à des tiers de documents internes à l’entreprise (CE, 18 novembre 1996) ;
    -  le fait d’empêcher un non-gréviste de rejoindre son poste de travail, l’atteinte à la liberté du travail constituant un manquement à l’honneur (CE, Kada, 16 mars 1990) ;
    -  des violences commises sur un autre salarié dans un conflit collectif (CE, 16 mars 1991, SA Comatec) ;
    -  les agissements d’un directeur de succursale bancaire qui avait retiré des fonds avec la carte bancaire et le code confidentiel d’une cliente dont il n’avait aucune procuration (Cour administrative d’appel de Paris, CIC, 8 avril 1999).
    La jurisprudence relative à l’amnistie d’actes de violence illustre la nécessité de rechercher le caractère intentionnel et durable de l’acte pour caractériser le manquement à l’honneur :
    -  ainsi le Conseil d’Etat a jugé que le coup porté fortuitement à un responsable de l’entreprise lors de l’envahissement de locaux ne constituait pas un manquement à l’honneur (CE, RVI, 1er juin 1990) ;
    -  en revanche, les violences exercées délibérément à l’encontre de non-grévistes pour les contraindre à débrayer ont été jugées contraires à l’honneur (CE, SA des automobiles Citroën, 6 janvier 1989) ;
    -  de même qu’un geste violent à l’égard d’un enfant handicapé (CE, 28 juin 1996, Association Œuvre d’Ormesson et de Villiers).
    Les injures ne peuvent généralement pas être qualifiées de contraires à l’honneur, qu’il s’agisse de propos injurieux envers le directeur de l’usine (CE, Fédération nationale agroalimentaire et forestière, 10 mai 1985) ou d’injures proférées à l’encontre d’un supérieur hiérarchique dans le bureau de l’inspecteur du travail et accompagnées de l’accusation de favoriser un autre salarié (CE, Kolak, 15 mai 1985).
    La Cour administrative d’appel de Nantes a considéré que les agissements d’un chauffeur reconnu responsable de plusieurs accidents de la circulation, et de manquements dans l’exécution de ses tâches, ayant donné lieu à des avertissements et mises à pied, ne constituaient pas un manquement à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur (ADT, 11 mars 1999).
    Le fait, pour une déléguée du personnel d’une union de mutuelles, de diffuser aux correspondants d’entreprises adhérentes à cette union, un courrier relatif aux difficultés de fonctionnement interne de l’un des services de cet organisme, n’a pas été considéré comme contraire à l’honneur et à la probité (Cass. Soc., 4 janvier 1996)
    Le salarié peut avoir été sanctionné pour plusieurs faits dont certains seulement entrent dans l’une de ces catégories. Il revient dans ce cas au conseil de prud’hommes, juge du contentieux de l’amnistie des sanctions disciplinaires, d’apprécier le poids respectif des faits amnistiés et non amnistiés dans la sanction infligée.
    Les exemples sont donnés à titre d’illustration, la notion de manquement à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur doit, en réalité, être appréciée au cas par cas en fonction des circonstances spécifiques à chaque situation.

2.4.  Effets de l’amnistie des sanctions

    Pour définir la sanction, il convient de se référer à l’article L. 122-40 du code du travail qui précise que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

2.4.1.  L’impact sur les sanctions prises

    L’amnistie produit ses effets à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, publiée au Journal officiel du 9 août 2002. A compter de cette date, aucune procédure disciplinaire ne peut être valablement engagée ou poursuivie, ni aucune sanction prononcée sur la base de faits commis avant le 17 mai 2002.
    L’amnistie ne fait pas disparaître les faits, mais leur retire le caractère de faute.
    Si la sanction a déjà été prononcée à la date d’entrée en vigueur de la loi, toute mention devra en être effacée, et cette sanction ne pourra plus être invoquée, notamment pour appuyer une sanction ultérieure plus grave. En revanche, l’amnistie ne remet pas en cause les effets des sanctions prononcées antérieurement à son entrée en vigueur. Celles-ci ne sont pas, du fait de l’intervention de la loi d’amnistie, devenues rétroactivement illégales.
    Si la sanction n’a pas encore été prononcée à la date d’entrée en vigueur de la loi, la procédure disciplinaire doit être abandonnée.

2.4.2.  La réintégration

    Le législateur a exclu toute forme de réintégration dans la loi de 2002 au-delà du droit à réintégration des salariés bénéficiant d’une protection légale du fait de leur mandat, en application des articles L. 412-19, L. 425-3 et L. 436-3 (cf. point 2.7. de la circulaire).
    Ainsi, l’article 20 de la loi énonce que « L’amnistie n’entraîne de droit la réintégration ni dans les offices publics ou ministériels ni dans les fonctions, emplois, grades ou professions, publics ou privés.
    En aucun cas, elle ne donne lieu à reconstitution de carrière. »

2.4.3.  Les autres effets de l’amnistie

    L’amnistie n’efface pas les conséquences financières ou en termes de carrière que la sanction du fait amnistié a pu entraîner. Ainsi l’amnistie n’entraîne pas l’obligation pour l’employeur de verser le salaire perdu du fait d’une mise à pied (Cass. Soc., 8 avril 1992).
    En outre, l’amnistie n’affecte pas l’existence des faits amnistiés ni leur gravité, en ce qui concerne leurs conséquences sur le plan civil.
    Les recours juridictionnels, en ce qu’ils visent uniquement à obtenir la réparation financière du préjudice résultant d’une sanction, restent donc recevables (Cass. Soc., 13 décembre 1989, à propos du paiement d’une mise à pied).
    Dans le cadre d’un litige concernant l’amnistie, le juge conserve, en tout état de cause, le contrôle de la régularité des sanctions prises. Il est donc susceptible d’annuler, en application de l’article L. 122-43 du code du travail, une sanction (à l’exception du licenciement) qu’il estimerait irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

2.5.  Intervention de l’inspecteur du travail

    La loi, par son article 12, donne pour mission à l’inspection du travail de veiller à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés et de s’assurer du retrait des mentions relatives aux sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l’amnistie.
    L’exécution de cette mission appelle un certain nombre de précisions.

2.5.1.  La loi impose le retrait des mentions des sanctions amnistiées

    L’article 12 précise que le retrait des mentions de sanctions effacées par l’amnistie est obligatoire dans les « dossiers de toute nature ». Il convient de donner au terme « dossiers » un sens large. Tous les documents établis par l’employeur ou son préposé sont visés, quelle que soit leur finalité : fiches, dossiers, notes, archives, et quels que soient leurs destinataires, dès lors qu’ils permettent d’établir une corrélation entre une sanction et un ou plusieurs salariés identifiés.
    Par référence notamment à la loi no 2000-230 du 13 mars 2000 adaptant le droit de la preuve aux technologies de l’information, qui met sur le même plan les supports papier et les écrits dématérialisés, il convient de ne pas juger déterminant le support employé. En cas de dématérialisation de l’information, les sanctions amnistiées doivent être supprimées de tous supports informatiques, quelles que soient les formes de sauvegarde employées et les durées de conservation prévues, peu important que les données soient stockées dans l’entreprise ou à l’extérieur de celle-ci.
    Seule la mention de la sanction prononcée doit être obligatoirement effacée et non celle des faits qui l’ont entraînée. Par exemple, en cas de sanction pour retard, seront retirées du dossier concerné les lettres d’avertissement ou de mise à pied, mais pas les feuilles de pointage.
    Lorsque certaines notes ou correspondances concernent, outre des sanctions amnistiées, des sujets totalement différents, il sera demandé aux chefs d’entreprise de faire disparaître les passages relatifs à ces sanctions, le reste de la correspondance pouvant être conservé.
    En ce qui concerne les mentions figurant dans les procès-verbaux des comités d’entreprise ou sur les registres spéciaux des délégués du personnel, une distinction doit être faite entre les mentions des sanctions déjà intervenues et celles des sanctions simplement envisagées, comme c’est le cas lorsque l’employeur consulte une commission de discipline ou le comité d’entreprise sur le licenciement d’un représentant du personnel.
    Pour les premières, puisque l’article 12 de la loi impose le retrait des mentions de sanctions dans les dossiers de toute nature, la mention des sanctions figurant dans les procès-verbaux des réunions des comités d’entreprise et sur les registres spéciaux des délégués du personnel doit être retirée ou effacée. Il appartient donc aux responsables de la tenue de ces documents de procéder au retrait de ces mentions.
    Les secondes, en revanche, ne constituent pas juridiquement des sanctions. La délibération du comité d’entreprise ne constitue, en effet, qu’une procédure préalable à la mesure de licenciement. Il semble donc, sous réserve de l’appréciation du juge, que les procès-verbaux n’auront pas à être expurgés, à condition qu’ils relatent des faits sans que les sanctions apparaissent comme acquises.

2.5.2.  L’étendue du contrôle de l’inspecteur du travail

    Les chefs d’entreprise doivent donc si nécessaire prendre sans délai toutes mesures utiles pour se mettre en conformité avec la loi, et sans qu’il y ait lieu à avertissement préalable. En cas de poursuite d’activité, dans le cadre d’un transfert d’entreprise par application de l’article L. 122-12, paragraphe 2, du code du travail, les effets de l’amnistie ne sont pas modifiés du fait de ce changement : les obligations qui pesaient sur le cédant sont supportées par le cessionnaire.
    Le contrôle de l’inspection du travail s’opérera soit à l’occasion des visites régulières des entreprises, soit sur demande des salariés concernés ou de leurs représentants, soit à l’occasion de demandes d’autorisation de licenciement ou de tout autre motif d’investigation. Si peuvent être adressés des courriers de portée générale, rappelant aux employeurs l’existence de la loi et ses effets, il ne peut être adressé aux entreprises des courriers appelant l’attention du chef d’entreprise sur l’application de la loi d’amnistie à un ou plusieurs salariés désignés, pour lesquels l’agent de contrôle n’aurait personnellement constaté aucune infraction.
    La consultation des dossiers est une prérogative des seuls agents de l’inspection du travail. Les dossiers seront consultés sur place. Il y aura lieu d’éviter tout transfert de documents à l’extérieur de l’entreprise pour ne pas engager la responsabilité du service en cas de disparition de documents ou d’indiscrétion sur des aspects personnels et confidentiels des dossiers.
    L’objet du contrôle est de s’assurer qu’ont bien été retirées ou rendues illisibles toutes les mentions de sanctions prononcées pour des faits amnistiés.
    Le contrôle ne peut cependant s’exercer que sur le retrait des mentions relatives aux sanctions définitives. Il convient que l’agent de contrôle s’abstienne d’intervenir si l’employeur établit que la sanction prise a donné lieu à un contentieux qui, à la date de promulgation de la loi, serait pendant devant les juridictions administratives ou judiciaires. Une intervention de l’agent de contrôle constituerait, en effet, une intrusion dans la procédure juridictionnelle.
    La loi ne fixe pas de délai pour le contrôle des dossiers individuels des salariés par l’inspecteur du travail. La conservation des sanctions amnistiées doit être considérée comme un délit continu, qui peut être constaté sans limite de durée.

2.5.3.  Les conséquences du contrôle

    L’article 15 énonce, en son alinéa 3, que :
    « Toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie d’une amende de 5000 euros. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au présent alinéa. La peine encourue par les personnes morales est l’amende, dans les conditions prévues par l’article 131-38 du code pénal. »
    Cette disposition s’applique au fait de laisser la mention de sanctions amnistiées ou d’y faire référence (cass. soc., 13 janvier 1988).
    La formulation employée ne définit pas les auteurs possibles du délit. Il faut considérer, dans ces conditions, que quiconque faisant état de sanctions amnistiées, est susceptible d’être visé par l’article 15.
    La loi d’amnistie confère à l’agent de contrôle le droit de se faire présenter tout document susceptible de faire référence aux sanctions consécutives à des faits amnistiés. L’employeur qui refuserait de communiquer ces documents, notamment au motif que ceux-ci ne contiennent aucune mention des sanctions, commettrait le délit d’obstacle réprimé par l’article L. 631-1 du code du travail.
    Lorsque l’inspecteur ou le contrôleur du travail constatera qu’un dossier comporte des mentions contraires à la loi, il lui appartiendra de décider, en fonction de chaque situation, s’il fait redresser l’erreur ou l’omission, ou s’il en avise le procureur de la République, en lui transmettant tous les renseignements recueillis, par mise en œuvre de l’article 40 du code de procédure pénale.
    La gestion de données dématérialisées, notamment par application des articles L. 620-7, L. 611-9 ou L. 212-1-1 du code du travail, n’est pas de nature à constituer un motif légitimant la non application de la loi.

2.6.  Le contentieux des sanctions

    En cas de contestation ultérieure par le salarié d’une sanction dont toute mention aurait été effacée, celui-ci devra établir lui-même l’existence de la sanction par tous moyens, et notamment par la notification écrite qui lui aura été faite.
    L’employeur, pour sa part, pourra assurer sa défense à partir de la mention des faits qui, seule, peut être conservée.
    L’interdiction de faire état d’une sanction amnistiée vaut aussi devant les juridictions civiles. A été considéré comme constitutif d’un délit le fait pour un employeur de produire devant un conseil de prud’hommes une lettre d’avertissement relatant une sanction amnistiée (cass. crim., 21 mars 2000).

2.7.  Incidence de la loi sur les procédures de licenciement
de représentants du personnel

    La loi d’amnistie peut avoir une incidence sur les demandes d’autorisation de licenciement des représentants du personnel, dans le cas de procédures de licenciements pour faute.

2.7.1.  Instruction de la demande initiale

    Dès lors qu’il est saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour faute d’un salarié protégé, l’inspecteur du travail doit s’assurer que les motifs invoqués par l’employeur ne correspondent pas, en totalité ou en partie, à des faits amnistiés, et notamment que les faits invoqués ne sont pas contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.
    Si les motifs invoqués correspondent à des faits amnistiés, l’autorisation de licenciement doit être refusée en faisant valoir que la loi d’amnistie a enlevé aux faits incriminés leur caractère fautif. Comme l’a rappelé le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, l’amnistie fait « tomber » les procédures de licenciement en cours.
    Dans ce cas, la décision de l’inspecteur du travail doit être une décision a minima, comportant un seul considérant rappelant que les faits invoqués, sans développer ceux-ci, ne peuvent servir de fondement à une décision d’autorisation de licenciement. Ce considérant unique pourra s’inspirer de la rédaction suivante :
    « Considérant que l’employeur invoque, à l’appui de sa demande de licenciement pour faute de M. N..., des faits qui ne constituent pas des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur ; que par suite, ils ne peuvent plus servir de fondement à une autorisation de licenciement. »
    Si seuls certains des motifs invoqués sont relatifs à des faits amnistiés, en raison soit de leur nature, soit de la date de leur commission, l’inspecteur du travail apprécie si les autres motifs, relatifs à des faits non amnistiés, justifient à eux seuls une mesure de licenciement au regard des critères communément retenus par la jurisprudence.
    L’intervention de la loi d’amnistie est sans incidence sur la légalité de la décision de l’inspecteur du travail prise antérieurement à cette intervention (CE 13 mai 1992, Régie nationale des usines Renault ; 17 décembre 1993, Duga).
2.7.1.1.  Incidence de la date de notification du licenciement
    Si le licenciement est autorisé avant la date d’entrée en vigueur de la loi d’amnistie mais notifié au salarié après cette date, l’employeur ne pourra se prévaloir de la décision administrative autorisant le licenciement, dans la mesure où les faits entrent bien dans le champ de l’amnistie (CE 27 novembre 1985, Société commerciale de mécanique et de roulement ; cass. soc. 29 juin 1994). La loi d’amnistie fait donc obstacle à l’exécution de la décision d’autorisation.
2.7.1.2.  Incidence d’une condamnation pénale
    Le législateur a exclu du champ de l’amnistie les faits qui ont donné lieu à une condamnation pénale qui ne serait pas elle-même amnistiée ou réhabilitée. Il appartiendra à l’inspecteur du travail, à partir des éléments qui lui seront soumis, de vérifier si les faits pour lesquels il y a eu condamnation pénale sont ceux présentés à l’appui de la demande de licenciement, et s’ils entrent ou non dans le champ de l’amnistie, notamment au regard de l’article 14 de la loi.
    Le fait qu’une action pénale soit pendante est, en revanche, sans incidence sur l’appréciation des éléments soumis à l’appréciation de l’inspecteur du travail.

2.7.2.  Instruction des recours gracieux

    L’inspecteur du travail peut être amené à examiner la requête d’un salarié se prévalant de la loi d’amnistie entrée en vigueur postérieurement à la décision administrative autorisant son licenciement.
    L’inspecteur du travail, saisi par le salarié d’un recours gracieux dirigé contre sa décision initiale autorisant le licenciement, doit alors apprécier la légalité de cette décision en se replaçant à la date à laquelle elle avait été prise.
    Ou bien cette décision était légale à la date à laquelle elle a été prise et, dans ce cas, l’inspecteur du travail ne peut que rejeter le recours gracieux dont il a été saisi. En particulier, le salarié ne pouvant utilement se prévaloir de la loi d’amnistie postérieure à la décision contestée (CE 17 décembre 1993, Duga), l’inspecteur du travail ne peut, pour ce motif, retirer sa décision initiale autorisant le licenciement et y substituer une décision de refus.
    Ou bien la décision initiale de l’inspecteur du travail était illégale - quelle que soit l’illégalité dont elle est entachée - à la date à laquelle elle a été prise et, dans ce cas, l’inspecteur du travail saisi du recours gracieux doit en prononcer le retrait. La décision initiale ayant été retirée, il lui appartient d’instruire à nouveau la demande d’autorisation de licenciement présentée par l’employeur en fonction des circonstances de fait et de droit qui existent à la date à laquelle il prend sa nouvelle décision. Dès lors, il lui incombe de prendre en considération la loi d’amnistie intervenue postérieurement à sa décision initiale.

2.7.3.  Instruction des recours contentieux

    Quelques principes permettent d’éclairer les solutions retenues par le juge administratif :
    Si l’autorité administrative a refusé le licenciement, l’amnistie rend sans objet le recours contentieux de l’employeur dès lors que le juge constate que les fautes invoquées entrent dans le champ d’application de la loi d’amnistie. En cas d’annulation du refus d’autorisation, l’employeur devrait en effet s’adresser à nouveau à l’inspecteur du travail et invoquer devant lui des faits amnistiés, ce qui lui est interdit par la loi. Dans une telle hypothèse, le juge administratif déclare, après avoir constaté que les faits sont amnistiés, qu’il n’y a plus lieu à statuer.
    Si l’autorité administrative a autorisé le licenciement, le recours du salarié conserve son objet, car les effets de la loi d’amnistie ne sont pas aussi favorables pour le salarié protégé que ceux d’une annulation contentieuse de la décision : l’annulation contentieuse de la décision ouvre droit à réintégration pour le salarié dans les conditions prévues par la loi du 28 octobre 1982 (art. L. 412-9, L. 425-3 et L. 436-3 du code du travail) (Conseil d’Etat, 13 novembre 1981, Louis Alloisio c/ Renault Véhicules industriels), alors que l’amnistie ne donne lieu ni à réintégration ni à reconstitution de carrière.
    Il convient que, conformément à la note d’orientation du 28 mars 2002 sur les relations entre les parquets et les DDTEFP, vous procédiez, dans le cadre du suivi de l’action pénale des services, au recensement des procédures déjà transmises au parquet pour apprécier l’impact effectif de la loi d’amnistie sur les procédures en cours. La chancellerie a prévu de lister, à l’attention de ses magistrats, les codes NATINF des infractions amnistiées par nature et des infractions exclues de l’amnistie. Il est en effet essentiel de bien identifier les infractions concernées, et d’apprécier celles correspondant à des délits continués après l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie et pour lesquels les agents de contrôle seront juges des suites à donner.
    Vous voudrez bien me saisir de toutes difficultés qui pourraient résulter de l’application de la loi d’amnistie aux relations de travail, ainsi que de tous éléments d’appréciation quant à l’incidence de cette loi sur l’effectivité de la règle de droit, en effectuant vos signalements aux bureaux :
    -  DS 2 (bureau de la représentation des salariés) et DS 3 (bureau des syndicats) selon la nature des mandats, pour toutes questions relatives aux salariés protégés ;
    -  DS 4 (bureau du contrat de travail et des différentes formes d’emploi) pour les sanctions pénales et les mesures disciplinaires.
    Je souhaite par ailleurs que les effets perçus dans les entreprises et l’impact sur le rôle des services puissent donner lieu à un commentaire dans le prochain aperçu semestriel sur les relations du travail, que vous établirez en décembre 2002.

Le directeur des relations du travail,
J.-D.  Combrexelle