Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/20 du mardi 5 novembre 2002
NOR : MEST0210141C
(Texte non paru au Journal officiel)
Référence : loi no 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie.
Circulaires abrogées ou modifiées : néant.
Madame et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail, Mesdames et Messieurs les préfets de département, Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.
La loi du 6 août 2002 portant amnistie a été publiée au Journal officiel du 9 août 2002.
Les principes de la loi damnistie du 3 août 1995 ont été repris. Toutefois les catégories dinfractions nentrant pas dans le champ de lamnistie ont sensiblement augmenté : quarante-neuf catégories sont exclues, contre vingt-huit en 1995, dix-sept en 1988 et quatorze en 1981.
La circulaire du garde des sceaux datée du 6 août 2002, publiée au Journal officiel du 10 août, commente léconomie générale de ce texte.
La présente circulaire a pour objet de préciser celles des dispositions de la loi susceptibles de trouver application dans le champ des relations du travail.
Elle sadresse à la fois aux inspecteurs du travail et aux autorités qui en tiennent lieu. Tous les fonctionnaires qui, conformément à larticle L. 611-4 du code du travail, exercent, sous mon autorité, les fonctions dinspecteur du travail voudront donc bien sy conformer dans leurs secteurs de compétences respectifs.
Comme les lois damnistie antérieures, la loi du 6 août traite des questions touchant aux relations de travail sous deux aspects :
- les infractions pénales (art. 1 à 9, et 14 de la loi) ;
- les sanctions disciplinaires ou professionnelles (art. 11 à 13 de la loi).
La présente circulaire vise, dans chacun de ces domaines, à en préciser le champ dapplication, les effets juridiques, limpact sur laction des services. Elle traite plus particulièrement des conséquences de lamnistie sur les procédures pénales en cours et, dautre part, sur les principales difficultés juridiques que vous pourriez rencontrer pour lapplication des dispositions relatives à lamnistie des sanctions prononcées par un employeur à lencontre dun salarié, tant au regard de votre mission dinformation et de contrôle que pour la prise des décisions qui vous incombent et leur défense devant les tribunaux administratifs.
SOMMAIRE
1. Lamnistie des infractions pénales
1.1. Les infractions amnistiées en raison de la nature de linfraction ou des circonstances de leur commission
1.1.1. Les contraventions
1.1.2. Les délits commis à loccasion de conflits du travail
1.1.3. Les délits pour lesquels seule une peine damende est encourue, à lexception de toute autre peine ou mesure (article 2 - 2o de la loi)
1.1.4. Situations de condamnation pour infractions multiples.
1.2. Les infractions amnistiées en raison du quantum ou de la nature de la peine
1.2.1. Aministie sans conditions
1.2.2. Amnistie sous conditions
1.3. Les infractions totalement exclues du champ de lamnistie par larticle 14
1.3.1. Les exclusions au titre de la récidive légale
1.3.2. Les exclusions dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail
1.3.3. Les exclusions en matière datteinte aux libertés dans lentreprise, de discrimination et de harcèlement
1.3.4. Les exclusions en matière datteinte au droit syndical et à lexercice des mandats de représentants du personnel
1.3.5. Les exclusions touchant à diverses pratiques et activités
1.3.6. Les exclusions touchant à lemploi des étrangers
1.3.7. Les exclusions de nature à garantir la protection des agents de linspection du travail dans lexercice de leurs missions
1.4. Les effets de lamnistie
2. Les sanctions disciplinaires ou professionnelles
2.1. Principes
2.2. Les salariés concernés
2.3. Les faits concernés
2.3.1. La notion de faits
2.3.2. La date des faits
2.3.3. Les faits exclus en raison dune condamnation pénale
2.3.4. Les faits exclus car constituant un manquement à la priorité, aux bonnes murs ou à lhonneur
2.4. Effets de lamnistie des sanctions
2.4.1. Limpact sur les sanctions prises
2.4.2. La réintégration
2.4.3. Les autres effets de lamnistie
2.5. Intervention de linspection du travail
2.5.1. La loi impose le retrait des mentions des sanctions amnistiée
2.5.2. Létendue du contrôle de linspecteur du travail
2.5.3. Les conséquences du contrôle
2.6. Le contentieux des sanctions
2.7. Incidence de la loi sur les procédures de licenciement de représentants du personnel
2.7.1. Instruction de la demande initiale
2.7.2. Instruction des recours gracieux
2.7.3. Instruction des recours contentieux
1. Lamnistie des infractions pénales
Principes généraux
Lamnistie bénéficie aux personnes physiques et aux personnes morales. Lorsquune infraction est passible de sanctions visant la personne morale, les effets de la loi damnistie sappliqueront dans les mêmes conditions à la personne physique et à la personne morale.
Les infractions susceptibles dêtre amnistiées doivent avoir été commises avant le 17 mai 2002, peu importe la date de leur constat. Elles peuvent être antérieures à 1995 sil savérait que la loi actuelle amnistie des infractions que la loi du 3 août 1995 naurait pas amnistiées.
Le législateur a repris la logique adoptée lors des lois antérieures, qui conduit à distinguer trois catégories dinfractions :
1. Celles amnistiées en raison de la nature de linfraction ou des circonstances de leur commission (art. 2 à 4 de la loi) ;
2. Celles amnistiées en raison du quantum ou de la nature de la peine (art. 5 à 8) ;
3. Celles totalement exclues du champ de lamnistie (art. 14).
Il faut souligner quune infraction nentrant pas dans la première catégorie peut devenir amnistiable au motif quelle est comprise dans la deuxième catégorie, ou vice versa. En revanche, une infraction ne peut pas être amnistiée à dautres titres dès lors quelle figure dans la liste des exclusions de larticle 14.
1.1. Les infractions amnistiées en raison de la nature de linfraction
ou des circonstances de leur commission
1.1.1. Les contraventions
Par application de larticle 1er de la loi, les contraventions en droit du travail sont amnistiées. Sont concernées les contraventions définies dans le code du travail, quelle que soit leur classe, celles visées par divers textes non codifiés dont les agents de contrôle sont chargés de la constatation.
Sont toutefois exclues du bénéfice de lamnistie :
- les contraventions de 5e classe commises en état de récidive légale (art. 14, paragraphe 45o de la loi) ;
- les contraventions entrant dans les matières expressément exclues de lamnistie, listées dans le même article 14.
Ces deux catégories dexceptions sont commentées sous les points 1.3.1 et 1.3.2 de la circulaire.
1.1.2. Les délits commis à loccasion de conflits du travail
Dans un souci dapaisement, le législateur a souhaité amnistier les délits commis dans des circonstances particulières, à loccasion notamment de conflits à caractère professionnel ou syndical. Il a cependant exclu les faits les plus graves, cest à dire ceux passibles dau moins dix ans demprisonnement.
Le paragraphe 1o de larticle 3 de la loi vise les délits commis à loccasion de conflits du travail ou à loccasion dactivités syndicales et revendicatives de salariés, dagents publics et de membres de professions libérales, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. Lors des débats parlementaires, le garde des sceaux a précisé que la double notion dactivités syndicales et revendicatives ne devait pas sentendre comme des conditions cumulatives.
Comme le rappelle la circulaire de la Chancellerie, lamnistie prévue par larticle 3 nintervient toutefois que sous réserve des exclusions prévues par larticle 14, et notamment de lexclusion des violences contre les personnes dépositaires de lautorité publique ou chargées dune mission de service public, et des dégradations, destructions ou détériorations aggravées (paragraphes 27o et 34o de larticle 14). Lorsquelle intervient après la condamnation, lamnistie de plein droit prévue par cet article doit être constatée par le ministère public, doffice ou à la demande des intéressés, cette constatation permettant notamment la suppression des fiches du casier judiciaire.
Les services dinspection ne sont pas directement concernés par limpact de cet article dont le contentieux sera le cas échéant soumis au contrôle du juge pénal. En revanche, ils sont susceptibles de devoir apprécier si des faits reprochés à des représentants du personnel ou représentants syndicaux entrent dans le champ de lamnistie. Les effets de la loi damnistie sur les décisions prises par lIT sont traités aux points 2.7.1. et 2.7.2. de cette circulaire.
1.1.3. Les délits pour lesquels seule une peine damende est encourue,
à lexception de toute autre peine ou mesure (art. 2 - 2o de la loi)
Lexception doit être interprétée de manière stricte. Ainsi, nentrent dans le champ de cet article ni les infractions prévoyant une peine principale en plus de lamende (emprisonnement par exemple), ni celles assorties de peines complémentaires (telles que laffichage ou la publication du jugement), ni celles pouvant entraîner soit une peine damende soit une peine demprisonnement.
A linverse, le prononcé possible de sanctions administratives ne constitue pas lune des peines ou mesures constituant lexception (cass. crim. 14 mai 1996).
1.1.4. Situations de condamnation pour infractions multiples
Ces situations, définies par larticle 4 de la loi, correspondent à lhypothèse dune condamnation à une peine unique, prononcée dune part pour une ou des infractions amnistiables par nature et dautre part pour une ou des infractions qui ne le sont pas (sans pour autant être exclues en vertu de larticle 14).
1.2. Les infractions amnistiées en raison du quantum
ou de la nature de la peine
Contrairement aux dispositions précitées, lamnistie en raison du quantum ou de la nature de la peine est déterminée non par la peine encourue par le prévenu, mais par celle qui a effectivement été prononcée. Lamnistie est donc subordonnée à une condamnation à une peine.
Lamnistie nest acquise quaprès condamnation devenue définitive. Toutefois, hors les cas où lamnistie est subordonnée à lexécution de la peine, en labsence de partie civile et sauf opposition, appel ou pourvoi en cassation dans les délais légaux à compter du jour de la décision, cette amnistie est acquise, sans quil y ait lieu à signification, après condamnation prononcée par défaut, par itératif défaut ou dans les conditions prévues par les articles 410 et 411 du code de procédure pénale (art. 8 de la loi).
Les infractions qui ne sont pas amnistiables en raison de leur nature ou des circonstances de leur commission ne peuvent être amnistiées quaprès jugement, en raison du quantum ou de la nature de la peine prononcée, sous réserve des exclusions de larticle 14.
1.2.1. Amnistie sans conditions
Sont amnistiés les délits qui ont été ou seront punis de peines damende inférieure ou égale à 750 euros, à lexclusion de lune des peines prévues à larticle 6 (emprisonnement, travail dintérêt général) (art. 5 de la loi). Pour les peines prononcées en francs avant le 1er janvier 2002, le seuil de 750 euros est égal à 4 920 francs.
Sont également amnistiés les délits qui ont été ou seront punis de peines demprisonnement ferme ou assorties dun sursis avec mise à lépreuve inférieures ou égales à trois mois et de peines demprisonnement assorties dun sursis simple inférieures ou égales à six mois.
Sont enfin amnistiés les délits qui ont donné ou donneront lieu à une dispense de peine en application des articles 132-58 et 132-59 du code pénal ou à une mesure dadmonestation (art. 7 de la loi).
Ces dispositions reprennent celles contenues dans la loi de 1995.
1.2.2. Amnistie sous conditions
Le législateur a de surcroît prévu que sont amnistiés :
- les délits qui ont été ou seront punis dune peine damende dun montant supérieur à 750 euros, à condition que son paiement ait été effectué (art. 5 de la loi) ;
- les délits qui ont été ou seront punis dune peine demprisonnement assorties dun sursis avec mise à lépreuve supérieures à trois mois et inférieures ou égales à six mois lorsque la condamnation aura été déclarée non avenue (art. 132-52 du code pénal) ou que le condamné aura accompli le délai dépreuve (art. 132-42) sans quintervienne une décision de révocation du sursis.
1.3. Les infractions totalement exclues du champ de lamnistie
par larticle 14
Le législateur a exclu du bénéfice de lamnistie, pour lensemble des matières, les délits et contraventions de la cinquième classe commis en état de récidive légale (alinéa 45o).
Il a, par ailleurs, exclu un ensemble important dinfractions dans tous les domaines de la législation, quelle que soit la peine encourue ou prononcée.
Les exclusions figurant dans le champ des relations de travail sont détaillées et commentées ci-après. Seront également commentées les dispositions non codifiées visées dans cet article, celles insérées dans le code pénal et auxquelles renvoie le code du travail, et celles touchant à des aspects connexes.
1.3.1. Les exclusions au titre de la récidive légale
En matière délictuelle, il y a récidive, au sens de larticle 132-10 du code pénal, lorsquune personne physique, déjà condamnée définitivement pour un délit, commet, dans le délai de cinq ans à compter de lexpiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé au regard des règles de la récidive.
La récidive est définie, selon les mêmes caractéristiques, par larticle 132-14 du même code pour les personnes morales.
En matière contraventionnelle, pour les seules contraventions de 5e classe, à la condition expresse que le texte réglementaire le précise, la récidive nest prévue que pour la même contravention commise dans le délai dun an à compter de lexpiration ou de la prescription de la précédente peine (art. 132-11 du Code pénal concernant les personnes physiques, et article 132-15 du même code concernant les personnes morales).
1.3.2. Les exclusions dans le domaine de la santé
et de la sécurité au travail
Le paragraphe 32o vise les infractions datteintes involontaires à la vie ou à lintégrité de la personne et de risques causés à autrui prévues par les articles 221-6, 222-19, 222-20, 223-1, R. 625-2 et R. 625-3 du code pénal, ainsi que le délit prévu par larticle L. 263-2 du code du travail, lorsquils sont commis par un employeur ou son représentant par inobservation des dispositions de la législation et de la réglementation du travail en matière de santé et de sécurité des travailleurs.
La précision apportée quant à lauteur des infractions sexplique par le fait que les articles du code pénal ne sont pas spécifiques à la relation de travail.
Aux articles législatifs du code pénal qui figuraient déjà dans la loi damnistie de 1995 ont été ajoutées les contraventions datteintes involontaires à lintégrité de la personne prévues par les articles R. 625-2 et R. 625-3 de ce code lorsquelles résultent dun accident du travail (à linstar de ce qui a été prévu pour les accidents de la circulation).
La notion d« employeur ou son représentant » doit être considérée comme équivalente à la qualification donnée par larticle L. 263-2 du code du travail aux auteurs des infractions : chefs détablissement, directeurs, gérants ou préposés. Tous les délits entrant dans le champ des chapitres I, II et III du titre 2 du livre II sont donc exclus de lamnistie sils sont réprimés par larticle L. 263-2.
Il faut noter que les articles précités du code pénal sont également exclus du champ de lamnistie lorsque les infractions sont commises à loccasion de la conduite dun véhicule, par application du paragraphe 9o.
1.3.3. Les exclusions en matière datteinte aux libertés
dans lentreprise, de discrimination et de harcèlement
Sont visés :
- les délits constitués par une atteinte aux droits des personnes résultant de la constitution de fichiers ou de lutilisation de traitements informatiques, prévus par les articles 226-16 à 226-23 du code pénal (paragraphe 31o). Cette exclusion, résultant dun amendement parlementaire pour mieux lutter contre les sectes, concerne tous les domaines du droit, y compris les fichiers tenus dans les entreprises ;
- les délits de discrimination prévus par les articles 225-1 à 225-3 et 432-7 du code pénal et L. 123-1, L. 412-2 et L. 413-2 du code du travail (paragraphe 2o). Outre les discriminations syndicales, sont ainsi visées les discriminations de toute nature (sexe, âge, murs, handicap) que linspection du travail est chargée de contrôler, par application soit de larticle L. 123-1 pour les discriminations liées au sexe, soit des dispositions combinées des articles L. 611-1 du code du travail et 225-2 du code pénal pour les autres formes de discrimination ;
- les délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral prévus par les articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal (paragraphe 11o) (en revanche, les articles L. 122-46, L. 122-49 et L. 152-1-2 du code du travail ne figurent pas dans la liste des exclusions).
1.3.4. Les exclusions en matière datteinte au droit syndical
et à lexercice des mandats de représentants du personnel
Sont concernées les infractions datteinte à lexercice du droit syndical, à la législation et à la réglementation en matière dinstitutions représentatives du personnel dans les entreprises, à la législation et à la réglementation en matière de comité dhygiène et de sécurité et des conditions de travail, prévues par les articles L. 481-2, L. 482-1, L. 483-1 et 263-2-2 du code du travail, qui ont été ou seront punies dune peine demprisonnement supérieure à un an (paragraphe 16o).
Chacun des quatre délits concernés est passible dun emprisonnement ne pouvant dépasser un an en première condamnation, et deux ans en récidive. En pratique, cette exclusion de la loi sera donc de faible portée puisque seuls les auteurs condamnés à une peine de plus dun an, donc en situation de récidive légale, se trouveront hors du champ de lamnistie.
1.3.5. Les exclusions touchant à diverses pratiques et activités
Sont concernés :
- les délits relatifs au marchandage et au travail dissimulé, (paragraphe 15o) ;
- les infractions relatives aux transports routiers : règlements communautaires 3820/85 (harmonisation de dispositions en matière sociale) et 3821/85 (appareil de contrôle) ; décret no 86-1130 du 17 octobre 1986 et ordonnance no 58-1310 du 23 décembre 1958 (conditions de travail dans les transports routiers publics et privés en vue dassurer la sécurité de la circulation routière) ; délits prévus par larticle 25 de la loi de finances pour lexercice 1952 (no 52-401 du 14 avril 1952), la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 dorientation des transports intérieurs, la loi no 92-1445 du 31 décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises, la loi no 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités dordre économique et commercial, et la contravention prévue par le décret no 93-824 du 18 mai 1993 relatif aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises (paragraphe 17o).
1.3.6. Les exclusions touchant à lemploi des étrangers
Sont visées :
- les infractions prévues par les articles 19, 21 et 27 de lordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions dentrée et de séjour des étrangers en France (paragraphe 14o) ;
- celles relatives à lintroduction ou à lemploi de main-duvre étrangère (L. 364-1 à L. 364-6) (paragraphe 15o).
1.3.7. Les exclusions de nature à garantir la protection des agents
de linspection du travail dans lexercice de leurs missions
Sont visés :
- le délit dobstacle à laccomplissement des devoirs dun inspecteur ou dun contrôleur du travail prévus par les articles L. 631-1 et L. 631-2 du code du travail (paragraphe 15o). Larticle L. 631-2, qui vise en fait plus précisément les autres atteintes à lexercice des fonctions (résistance, outrages, violences) renvoie aux dispositions du code pénal, elles-mêmes exclues de lamnistie ;
- les délits de violences, doutrage, de rébellion, de diffamation et dinjures commises à lencontre dune personne dépositaire de lautorité publique ou chargée dune mission de service public, prévus par le 4o des articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, par les articles 433-3, 433-5 à 433-8 et 434-24 du code pénal (paragraphe 27o).
1.4. Les effets de lamnistie des infractions
Comme le rappelle la circulaire de la chancellerie, lamnistie efface les condamnations prononcées ou éteint laction publique en emportant les conséquences prévues par les articles 133-9 à 133-11 du code pénal et 6 et 769 du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Elle entraîne, sans quelle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté autres que celles prévues par larticle 16.
2. Les sanctions disciplinaires ou professionnelles
Comme en 1995, la loi institue, sous certaines conditions, un régime damnistie des faits constituant des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles, ou retenus ou susceptibles dêtre retenus comme motifs de sanctions, prononcées par un employeur.
Seront successivement examinés le champ dapplication de cette mesure, les faits amnistiés, les effets de lamnistie, les conditions dintervention de linspection du travail, lincidence de la loi damnistie sur les procédures relatives au licenciement de représentants du personnel et le contentieux de lamnistie.
2.1. Principes
La loi damnistie prévoit par ses articles 11 à 13 que les faits commis avant le 17 mai 2002, en tant quils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou quils sont retenus ou susceptibles dêtre retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur, sont amnistiés de plein droit.
Larticle 11 présente le dispositif.
Larticle 12 en précise les modalités dans le champ des relations dutravail :
« Sont amnistiés, dans les conditions prévues à larticle 11, les faits retenus ou susceptibles dêtre retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur.
« Linspection du travail veille à ce quil ne puisse être fait état des faits amnistiés. A cet effet, elle sassure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de lamnistie.
« Les règles de compétence applicables au contentieux des sanctions sont applicables au contentieux de lamnistie. »
Cette règle est assortie de deux réserves :
- En premier lieu, lorsque ces faits ont également donné lieu à une condamnation pénale, leur amnistie est subordonnée à lamnistie de la condamnation pénale (ce qui suppose quil ne sagit pas dinfractions exclues de lamnistie par larticle 14). Toutefois, en cas de condamnation pénale, lamnistie sapplique également, ce qui constitue une nouveauté par rapport à la loi de 1995, si est intervenue la réhabilitation - légale ou judiciaire - du condamné. Cette innovation est justifiée par les dispositions de larticle 133-16 du code pénal qui prévoient que la réhabilitation produit les mêmes effets que lamnistie (dans une telle hypothèse, lamnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles jouera de plein droit, même sil sagit de faits qui nauraient pu être amnistiés en raison du quantum de la peine prononcée ou parce quils faisaient partie de la liste des exclusions de larticle 14).
Bien évidemment, sagissant de faits exclus par larticle 14, il appartient en pratique au salarié dinformer son employeur du fait que la condamnation pénale prononcée contre lui a fait lobjet dune réhabilitation sil souhaite bénéficier de lamnistie ; lemployeur ne pouvant, par lui-même, connaître lexistence dune telle réhabilitation.
- En second lieu, sont exclues les fautes constituant des manquements à la probité, aux bonnes murs ou à lhonneur. Une amnistie de telles fautes ne peut résulter que dune mesure individuelle du Président de la République, dans les conditions prévues à larticle 11.
2.2. Les salariés concernés
Larticle 11 sapplique à tous les salariés qui se trouvent, vis-à-vis de leur employeur, dans une relation contractuelle régie par le droit privé. On peut considérer quest visé par cet article lensemble des salariés qui, sous réserve de remplir les autres conditions prévues à larticle L. 513-1 du code du travail, auraient qualité pour être électeurs aux conseils de prudhommes (cf. circulaire DRT 2002-07 du 25 mars 2002, chapitre 1, section 3).
Les règles applicables à une entreprise en vertu de la loi damnistie sappliqueront dans les mêmes conditions à lentreprise assurant la poursuite des contrats de travail par application de larticle L. 122-12 du code du travail.
2.3. Les faits concernés
2.3.1. La notion de faits
Tous les faits autres que ceux visés aux paragraphes 2.3.3 et 2.3.4 ci-dessous, retenus ou susceptibles dêtre retenus comme motifs de sanctions sont amnistiés, quil sagisse de fautes commises en matière dobligations professionnelles, de discipline, ou de fautes commises dans lexercice dun mandat de représentation du personnel.
Seuls les faits constitutifs dune faute entrent dans le champ dapplication de la loi.
Cest ainsi que ne peuvent être couvertes par lamnistie les absences répétées pour cause de maladie ayant perturbé la bonne marche de lentreprise et ayant entraîné un licenciement (Cour de cassation, chambre sociale, 15 janvier 1987).
Nest pas davantage amnistiée, en labsence de comportement fautif du salarié, linsuffisance professionnelle (Cour de cassation, chambre sociale, 4 décembre 1986 et 30 octobre 1991 ; CE 29 décembre 1995), susceptible de fonder un licenciement.
Les fautes susceptibles dêtre qualifiées de fautes lourdes sont amnistiées dès lors quelles nentrent pas dans les catégories de fautes expressément écartées de la loi damnistie (CE sté Fabre, 21 décembre 1994).
2.3.2. La date des faits
Comme le précise larticle 1er, les faits amnistiés doivent avoir été commis avant le 17 mai 2002, peu important que la sanction ait été prise avant ou après cette date. Au contraire, aucun des faits intervenus à compter du 17 mai 2002 nest couvert par la loi.
A linstar du principe déjà rappelé concernant les infractions pénales, un salarié pourrait légitimement se prévaloir des dispositions de la loi pour des faits commis avant la date deffet des précédentes lois damnistie.
2.3.3. Les faits exclus en raison dune condamnation pénale
Larticle 11 écarte de lamnistie certaines situations où les mêmes faits ont entraîné à la fois une condamnation pénale et une sanction disciplinaire. La sanction disciplinaire ne peut en effet être amnistiée si la condamnation pénale ne lest pas elle-même. Lamnistie de la condamnation pénale sapprécie en principe au jour où cette condamnation revêt un caractère définitif.
2.3.4. Les faits exclus car constituant un manquement à la probité,
aux bonnes murs ou à lhonneur
La loi ne définit pas les notions de probité, de bonnes murs et dhonneur. Il convient donc de se référer à la jurisprudence.
2.3.4.1. La notion de probité
Le manquement à la probité recouvre principalement les atteintes frauduleuses aux biens. Constituent, par exemple, un tel manquement :
- le fait dutiliser le matériel de lentreprise à son propre profit (cass. soc., 12 décembre 1983) ;
- le fait de détourner à son profit une cotisation syndicale (CE Legoff, 25 avril 1984) ;
- le fait de détourner des biens ou produits : ainsi dun salarié ayant régulièrement prélevé des cigarettes, au-delà des tolérances admises par lentreprise, pour les remettre à un autre salarié en vue de leur revente (CE - SEITA, 22 janvier 1996).
En revanche, ne constitue pas un manquement à la probité le fait pour un salarié ayant quinze ans dancienneté dans lentreprise demprunter sans autorisation du petit matériel pour le week-end (CE Ollier, 15 juin 1994).
Certains comportements ont également été jugés contraires à la probité. Ainsi :
- le fait dutiliser à des fins personnelles des heures de délégation (Cass. Soc, 27 novembre 1985 et CE, Dargniat, 7 mars 1994) ;
- le fait de travailler pour son propre compte en période darrêt maladie (CE, Edegdag, 22 juillet 1992).
2.3.4.2. La notion de bonnes murs
Latteinte aux bonnes murs nest pas précisée par la jurisprudence, qui est rarement amenée à se prononcer sur ce sujet. Elle peut recouvrir notamment le harcèlement sexuel, et les agressions sexuelles.
2.3.4.3. La notion datteinte à lhonneur
La notion datteinte à lhonneur est généralement utilisée en jurisprudence pour qualifier les actes attentatoires à lintimité de la vie privée, la violation du secret professionnel ou latteinte à la liberté du travail.
Ainsi ont été considérés comme des manquements à lhonneur :
- la violation du secret des communications téléphoniques (Cass. Soc, Guilbert, 13 décembre 1994) ;
- le détournement et la communication à des tiers de documents internes à lentreprise (CE, 18 novembre 1996) ;
- le fait dempêcher un non-gréviste de rejoindre son poste de travail, latteinte à la liberté du travail constituant un manquement à lhonneur (CE, Kada, 16 mars 1990) ;
- des violences commises sur un autre salarié dans un conflit collectif (CE, 16 mars 1991, SA Comatec) ;
- les agissements dun directeur de succursale bancaire qui avait retiré des fonds avec la carte bancaire et le code confidentiel dune cliente dont il navait aucune procuration (Cour administrative dappel de Paris, CIC, 8 avril 1999).
La jurisprudence relative à lamnistie dactes de violence illustre la nécessité de rechercher le caractère intentionnel et durable de lacte pour caractériser le manquement à lhonneur :
- ainsi le Conseil dEtat a jugé que le coup porté fortuitement à un responsable de lentreprise lors de lenvahissement de locaux ne constituait pas un manquement à lhonneur (CE, RVI, 1er juin 1990) ;
- en revanche, les violences exercées délibérément à lencontre de non-grévistes pour les contraindre à débrayer ont été jugées contraires à lhonneur (CE, SA des automobiles Citroën, 6 janvier 1989) ;
- de même quun geste violent à légard dun enfant handicapé (CE, 28 juin 1996, Association uvre dOrmesson et de Villiers).
Les injures ne peuvent généralement pas être qualifiées de contraires à lhonneur, quil sagisse de propos injurieux envers le directeur de lusine (CE, Fédération nationale agroalimentaire et forestière, 10 mai 1985) ou dinjures proférées à lencontre dun supérieur hiérarchique dans le bureau de linspecteur du travail et accompagnées de laccusation de favoriser un autre salarié (CE, Kolak, 15 mai 1985).
La Cour administrative dappel de Nantes a considéré que les agissements dun chauffeur reconnu responsable de plusieurs accidents de la circulation, et de manquements dans lexécution de ses tâches, ayant donné lieu à des avertissements et mises à pied, ne constituaient pas un manquement à la probité, aux bonnes murs ou à lhonneur (ADT, 11 mars 1999).
Le fait, pour une déléguée du personnel dune union de mutuelles, de diffuser aux correspondants dentreprises adhérentes à cette union, un courrier relatif aux difficultés de fonctionnement interne de lun des services de cet organisme, na pas été considéré comme contraire à lhonneur et à la probité (Cass. Soc., 4 janvier 1996)
Le salarié peut avoir été sanctionné pour plusieurs faits dont certains seulement entrent dans lune de ces catégories. Il revient dans ce cas au conseil de prudhommes, juge du contentieux de lamnistie des sanctions disciplinaires, dapprécier le poids respectif des faits amnistiés et non amnistiés dans la sanction infligée.
Les exemples sont donnés à titre dillustration, la notion de manquement à la probité, aux bonnes murs ou à lhonneur doit, en réalité, être appréciée au cas par cas en fonction des circonstances spécifiques à chaque situation.
2.4. Effets de lamnistie des sanctions
Pour définir la sanction, il convient de se référer à larticle L. 122-40 du code du travail qui précise que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par lemployeur à la suite dun agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans lentreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
2.4.1. Limpact sur les sanctions prises
Lamnistie produit ses effets à compter de la date dentrée en vigueur de la loi, publiée au Journal officiel du 9 août 2002. A compter de cette date, aucune procédure disciplinaire ne peut être valablement engagée ou poursuivie, ni aucune sanction prononcée sur la base de faits commis avant le 17 mai 2002.
Lamnistie ne fait pas disparaître les faits, mais leur retire le caractère de faute.
Si la sanction a déjà été prononcée à la date dentrée en vigueur de la loi, toute mention devra en être effacée, et cette sanction ne pourra plus être invoquée, notamment pour appuyer une sanction ultérieure plus grave. En revanche, lamnistie ne remet pas en cause les effets des sanctions prononcées antérieurement à son entrée en vigueur. Celles-ci ne sont pas, du fait de lintervention de la loi damnistie, devenues rétroactivement illégales.
Si la sanction na pas encore été prononcée à la date dentrée en vigueur de la loi, la procédure disciplinaire doit être abandonnée.
2.4.2. La réintégration
Le législateur a exclu toute forme de réintégration dans la loi de 2002 au-delà du droit à réintégration des salariés bénéficiant dune protection légale du fait de leur mandat, en application des articles L. 412-19, L. 425-3 et L. 436-3 (cf. point 2.7. de la circulaire).
Ainsi, larticle 20 de la loi énonce que « Lamnistie nentraîne de droit la réintégration ni dans les offices publics ou ministériels ni dans les fonctions, emplois, grades ou professions, publics ou privés.
En aucun cas, elle ne donne lieu à reconstitution de carrière. »
2.4.3. Les autres effets de lamnistie
Lamnistie nefface pas les conséquences financières ou en termes de carrière que la sanction du fait amnistié a pu entraîner. Ainsi lamnistie nentraîne pas lobligation pour lemployeur de verser le salaire perdu du fait dune mise à pied (Cass. Soc., 8 avril 1992).
En outre, lamnistie naffecte pas lexistence des faits amnistiés ni leur gravité, en ce qui concerne leurs conséquences sur le plan civil.
Les recours juridictionnels, en ce quils visent uniquement à obtenir la réparation financière du préjudice résultant dune sanction, restent donc recevables (Cass. Soc., 13 décembre 1989, à propos du paiement dune mise à pied).
Dans le cadre dun litige concernant lamnistie, le juge conserve, en tout état de cause, le contrôle de la régularité des sanctions prises. Il est donc susceptible dannuler, en application de larticle L. 122-43 du code du travail, une sanction (à lexception du licenciement) quil estimerait irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
2.5. Intervention de linspecteur du travail
La loi, par son article 12, donne pour mission à linspection du travail de veiller à ce quil ne puisse être fait état des faits amnistiés et de sassurer du retrait des mentions relatives aux sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de lamnistie.
Lexécution de cette mission appelle un certain nombre de précisions.
2.5.1. La loi impose le retrait des mentions des sanctions amnistiées
Larticle 12 précise que le retrait des mentions de sanctions effacées par lamnistie est obligatoire dans les « dossiers de toute nature ». Il convient de donner au terme « dossiers » un sens large. Tous les documents établis par lemployeur ou son préposé sont visés, quelle que soit leur finalité : fiches, dossiers, notes, archives, et quels que soient leurs destinataires, dès lors quils permettent détablir une corrélation entre une sanction et un ou plusieurs salariés identifiés.
Par référence notamment à la loi no 2000-230 du 13 mars 2000 adaptant le droit de la preuve aux technologies de linformation, qui met sur le même plan les supports papier et les écrits dématérialisés, il convient de ne pas juger déterminant le support employé. En cas de dématérialisation de linformation, les sanctions amnistiées doivent être supprimées de tous supports informatiques, quelles que soient les formes de sauvegarde employées et les durées de conservation prévues, peu important que les données soient stockées dans lentreprise ou à lextérieur de celle-ci.
Seule la mention de la sanction prononcée doit être obligatoirement effacée et non celle des faits qui lont entraînée. Par exemple, en cas de sanction pour retard, seront retirées du dossier concerné les lettres davertissement ou de mise à pied, mais pas les feuilles de pointage.
Lorsque certaines notes ou correspondances concernent, outre des sanctions amnistiées, des sujets totalement différents, il sera demandé aux chefs dentreprise de faire disparaître les passages relatifs à ces sanctions, le reste de la correspondance pouvant être conservé.
En ce qui concerne les mentions figurant dans les procès-verbaux des comités dentreprise ou sur les registres spéciaux des délégués du personnel, une distinction doit être faite entre les mentions des sanctions déjà intervenues et celles des sanctions simplement envisagées, comme cest le cas lorsque lemployeur consulte une commission de discipline ou le comité dentreprise sur le licenciement dun représentant du personnel.
Pour les premières, puisque larticle 12 de la loi impose le retrait des mentions de sanctions dans les dossiers de toute nature, la mention des sanctions figurant dans les procès-verbaux des réunions des comités dentreprise et sur les registres spéciaux des délégués du personnel doit être retirée ou effacée. Il appartient donc aux responsables de la tenue de ces documents de procéder au retrait de ces mentions.
Les secondes, en revanche, ne constituent pas juridiquement des sanctions. La délibération du comité dentreprise ne constitue, en effet, quune procédure préalable à la mesure de licenciement. Il semble donc, sous réserve de lappréciation du juge, que les procès-verbaux nauront pas à être expurgés, à condition quils relatent des faits sans que les sanctions apparaissent comme acquises.
2.5.2. Létendue du contrôle de linspecteur du travail
Les chefs dentreprise doivent donc si nécessaire prendre sans délai toutes mesures utiles pour se mettre en conformité avec la loi, et sans quil y ait lieu à avertissement préalable. En cas de poursuite dactivité, dans le cadre dun transfert dentreprise par application de larticle L. 122-12, paragraphe 2, du code du travail, les effets de lamnistie ne sont pas modifiés du fait de ce changement : les obligations qui pesaient sur le cédant sont supportées par le cessionnaire.
Le contrôle de linspection du travail sopérera soit à loccasion des visites régulières des entreprises, soit sur demande des salariés concernés ou de leurs représentants, soit à loccasion de demandes dautorisation de licenciement ou de tout autre motif dinvestigation. Si peuvent être adressés des courriers de portée générale, rappelant aux employeurs lexistence de la loi et ses effets, il ne peut être adressé aux entreprises des courriers appelant lattention du chef dentreprise sur lapplication de la loi damnistie à un ou plusieurs salariés désignés, pour lesquels lagent de contrôle naurait personnellement constaté aucune infraction.
La consultation des dossiers est une prérogative des seuls agents de linspection du travail. Les dossiers seront consultés sur place. Il y aura lieu déviter tout transfert de documents à lextérieur de lentreprise pour ne pas engager la responsabilité du service en cas de disparition de documents ou dindiscrétion sur des aspects personnels et confidentiels des dossiers.
Lobjet du contrôle est de sassurer quont bien été retirées ou rendues illisibles toutes les mentions de sanctions prononcées pour des faits amnistiés.
Le contrôle ne peut cependant sexercer que sur le retrait des mentions relatives aux sanctions définitives. Il convient que lagent de contrôle sabstienne dintervenir si lemployeur établit que la sanction prise a donné lieu à un contentieux qui, à la date de promulgation de la loi, serait pendant devant les juridictions administratives ou judiciaires. Une intervention de lagent de contrôle constituerait, en effet, une intrusion dans la procédure juridictionnelle.
La loi ne fixe pas de délai pour le contrôle des dossiers individuels des salariés par linspecteur du travail. La conservation des sanctions amnistiées doit être considérée comme un délit continu, qui peut être constaté sans limite de durée.
2.5.3. Les conséquences du contrôle
Larticle 15 énonce, en son alinéa 3, que :
« Toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie dune amende de 5000 euros. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à larticle 121-2 du code pénal, de linfraction définie au présent alinéa. La peine encourue par les personnes morales est lamende, dans les conditions prévues par larticle 131-38 du code pénal. »
Cette disposition sapplique au fait de laisser la mention de sanctions amnistiées ou dy faire référence (cass. soc., 13 janvier 1988).
La formulation employée ne définit pas les auteurs possibles du délit. Il faut considérer, dans ces conditions, que quiconque faisant état de sanctions amnistiées, est susceptible dêtre visé par larticle 15.
La loi damnistie confère à lagent de contrôle le droit de se faire présenter tout document susceptible de faire référence aux sanctions consécutives à des faits amnistiés. Lemployeur qui refuserait de communiquer ces documents, notamment au motif que ceux-ci ne contiennent aucune mention des sanctions, commettrait le délit dobstacle réprimé par larticle L. 631-1 du code du travail.
Lorsque linspecteur ou le contrôleur du travail constatera quun dossier comporte des mentions contraires à la loi, il lui appartiendra de décider, en fonction de chaque situation, sil fait redresser lerreur ou lomission, ou sil en avise le procureur de la République, en lui transmettant tous les renseignements recueillis, par mise en uvre de larticle 40 du code de procédure pénale.
La gestion de données dématérialisées, notamment par application des articles L. 620-7, L. 611-9 ou L. 212-1-1 du code du travail, nest pas de nature à constituer un motif légitimant la non application de la loi.
2.6. Le contentieux des sanctions
En cas de contestation ultérieure par le salarié dune sanction dont toute mention aurait été effacée, celui-ci devra établir lui-même lexistence de la sanction par tous moyens, et notamment par la notification écrite qui lui aura été faite.
Lemployeur, pour sa part, pourra assurer sa défense à partir de la mention des faits qui, seule, peut être conservée.
Linterdiction de faire état dune sanction amnistiée vaut aussi devant les juridictions civiles. A été considéré comme constitutif dun délit le fait pour un employeur de produire devant un conseil de prudhommes une lettre davertissement relatant une sanction amnistiée (cass. crim., 21 mars 2000).
2.7. Incidence de la loi sur les procédures de licenciement
de représentants du personnel
La loi damnistie peut avoir une incidence sur les demandes dautorisation de licenciement des représentants du personnel, dans le cas de procédures de licenciements pour faute.
2.7.1. Instruction de la demande initiale
Dès lors quil est saisi dune demande dautorisation de licenciement pour faute dun salarié protégé, linspecteur du travail doit sassurer que les motifs invoqués par lemployeur ne correspondent pas, en totalité ou en partie, à des faits amnistiés, et notamment que les faits invoqués ne sont pas contraires à lhonneur, à la probité ou aux bonnes murs.
Si les motifs invoqués correspondent à des faits amnistiés, lautorisation de licenciement doit être refusée en faisant valoir que la loi damnistie a enlevé aux faits incriminés leur caractère fautif. Comme la rappelé le rapporteur de la loi à lAssemblée nationale, lamnistie fait « tomber » les procédures de licenciement en cours.
Dans ce cas, la décision de linspecteur du travail doit être une décision a minima, comportant un seul considérant rappelant que les faits invoqués, sans développer ceux-ci, ne peuvent servir de fondement à une décision dautorisation de licenciement. Ce considérant unique pourra sinspirer de la rédaction suivante :
« Considérant que lemployeur invoque, à lappui de sa demande de licenciement pour faute de M. N..., des faits qui ne constituent pas des manquements à la probité, aux bonnes murs ou à lhonneur ; que par suite, ils ne peuvent plus servir de fondement à une autorisation de licenciement. »
Si seuls certains des motifs invoqués sont relatifs à des faits amnistiés, en raison soit de leur nature, soit de la date de leur commission, linspecteur du travail apprécie si les autres motifs, relatifs à des faits non amnistiés, justifient à eux seuls une mesure de licenciement au regard des critères communément retenus par la jurisprudence.
Lintervention de la loi damnistie est sans incidence sur la légalité de la décision de linspecteur du travail prise antérieurement à cette intervention (CE 13 mai 1992, Régie nationale des usines Renault ; 17 décembre 1993, Duga).
2.7.1.1. Incidence de la date de notification du licenciement
Si le licenciement est autorisé avant la date dentrée en vigueur de la loi damnistie mais notifié au salarié après cette date, lemployeur ne pourra se prévaloir de la décision administrative autorisant le licenciement, dans la mesure où les faits entrent bien dans le champ de lamnistie (CE 27 novembre 1985, Société commerciale de mécanique et de roulement ; cass. soc. 29 juin 1994). La loi damnistie fait donc obstacle à lexécution de la décision dautorisation.
2.7.1.2. Incidence dune condamnation pénale
Le législateur a exclu du champ de lamnistie les faits qui ont donné lieu à une condamnation pénale qui ne serait pas elle-même amnistiée ou réhabilitée. Il appartiendra à linspecteur du travail, à partir des éléments qui lui seront soumis, de vérifier si les faits pour lesquels il y a eu condamnation pénale sont ceux présentés à lappui de la demande de licenciement, et sils entrent ou non dans le champ de lamnistie, notamment au regard de larticle 14 de la loi.
Le fait quune action pénale soit pendante est, en revanche, sans incidence sur lappréciation des éléments soumis à lappréciation de linspecteur du travail.
2.7.2. Instruction des recours gracieux
Linspecteur du travail peut être amené à examiner la requête dun salarié se prévalant de la loi damnistie entrée en vigueur postérieurement à la décision administrative autorisant son licenciement.
Linspecteur du travail, saisi par le salarié dun recours gracieux dirigé contre sa décision initiale autorisant le licenciement, doit alors apprécier la légalité de cette décision en se replaçant à la date à laquelle elle avait été prise.
Ou bien cette décision était légale à la date à laquelle elle a été prise et, dans ce cas, linspecteur du travail ne peut que rejeter le recours gracieux dont il a été saisi. En particulier, le salarié ne pouvant utilement se prévaloir de la loi damnistie postérieure à la décision contestée (CE 17 décembre 1993, Duga), linspecteur du travail ne peut, pour ce motif, retirer sa décision initiale autorisant le licenciement et y substituer une décision de refus.
Ou bien la décision initiale de linspecteur du travail était illégale - quelle que soit lillégalité dont elle est entachée - à la date à laquelle elle a été prise et, dans ce cas, linspecteur du travail saisi du recours gracieux doit en prononcer le retrait. La décision initiale ayant été retirée, il lui appartient dinstruire à nouveau la demande dautorisation de licenciement présentée par lemployeur en fonction des circonstances de fait et de droit qui existent à la date à laquelle il prend sa nouvelle décision. Dès lors, il lui incombe de prendre en considération la loi damnistie intervenue postérieurement à sa décision initiale.
2.7.3. Instruction des recours contentieux
Quelques principes permettent déclairer les solutions retenues par le juge administratif :
Si lautorité administrative a refusé le licenciement, lamnistie rend sans objet le recours contentieux de lemployeur dès lors que le juge constate que les fautes invoquées entrent dans le champ dapplication de la loi damnistie. En cas dannulation du refus dautorisation, lemployeur devrait en effet sadresser à nouveau à linspecteur du travail et invoquer devant lui des faits amnistiés, ce qui lui est interdit par la loi. Dans une telle hypothèse, le juge administratif déclare, après avoir constaté que les faits sont amnistiés, quil ny a plus lieu à statuer.
Si lautorité administrative a autorisé le licenciement, le recours du salarié conserve son objet, car les effets de la loi damnistie ne sont pas aussi favorables pour le salarié protégé que ceux dune annulation contentieuse de la décision : lannulation contentieuse de la décision ouvre droit à réintégration pour le salarié dans les conditions prévues par la loi du 28 octobre 1982 (art. L. 412-9, L. 425-3 et L. 436-3 du code du travail) (Conseil dEtat, 13 novembre 1981, Louis Alloisio c/ Renault Véhicules industriels), alors que lamnistie ne donne lieu ni à réintégration ni à reconstitution de carrière.
Il convient que, conformément à la note dorientation du 28 mars 2002 sur les relations entre les parquets et les DDTEFP, vous procédiez, dans le cadre du suivi de laction pénale des services, au recensement des procédures déjà transmises au parquet pour apprécier limpact effectif de la loi damnistie sur les procédures en cours. La chancellerie a prévu de lister, à lattention de ses magistrats, les codes NATINF des infractions amnistiées par nature et des infractions exclues de lamnistie. Il est en effet essentiel de bien identifier les infractions concernées, et dapprécier celles correspondant à des délits continués après lentrée en vigueur de la loi damnistie et pour lesquels les agents de contrôle seront juges des suites à donner.
Vous voudrez bien me saisir de toutes difficultés qui pourraient résulter de lapplication de la loi damnistie aux relations de travail, ainsi que de tous éléments dappréciation quant à lincidence de cette loi sur leffectivité de la règle de droit, en effectuant vos signalements aux bureaux :
- DS 2 (bureau de la représentation des salariés) et DS 3 (bureau des syndicats) selon la nature des mandats, pour toutes questions relatives aux salariés protégés ;
- DS 4 (bureau du contrat de travail et des différentes formes demploi) pour les sanctions pénales et les mesures disciplinaires.
Je souhaite par ailleurs que les effets perçus dans les entreprises et limpact sur le rôle des services puissent donner lieu à un commentaire dans le prochain aperçu semestriel sur les relations du travail, que vous établirez en décembre 2002.
Le directeur des relations du travail, J.-D. Combrexelle |