Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2001/14 du dimanche 5 août 2001
NOR : CSCL0104939X
LOI PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS DORDRE SOCIAL,
ÉDUCATIF ET CULTUREL
Conformément à larticle 61, alinéa 2, de la Constitution, les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel.
Sur larticle 6. - Article L. 135-6 du code de la sécurité sociale et sa non-conformité partielle avec le principe dégalité devant la loi :
Ce nouvel article du code de la sécurité sociale, que se propose dinsérer larticle 6, réserve le bénéfice futur du fonds de réserve, à partir de 2020, au seul régime général et aux régimes dits « alignés » (ORGANIC et CANCAVA).
Lexclusion des autres régimes dassurance vieillesse apparaît contraire au principe dégalité, en raison tout dabord de lorigine largement universelle des ressources du fonds : fraction du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, excédents du Fonds de solidarité vieillesse résultant de la contribution sociale généralisée, produit des licences UMTS, don « spontané » de la Caisse des dépôts et consignations, produit des parts sociales des caisses dépargne, etc.
Le Gouvernement justifie son choix (1) par le fait que le régime général et les régimes alignés ont engagé une « réforme » et quil existe ainsi « une différence de situation objective entre régimes ». Le Gouvernement se réfère, pour dégager les contours dune telle réforme, à la loi du 22 juillet 1993 : allongement de la durée dassurance, allongement de la période prise en compte pour la détermination du salaire annuel moyen, revalorisation des salaires reportés aux comptes et des pensions en fonction de lindice des prix « hors tabac »...
Or, cette loi - malgré ses éminentes qualités - ne fait pas partie, jusquà présent, du bloc de constitutionnalité dégagé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel : son invocation ne permet pas à elle seule de faire échec à lapplication du principe dégalité.
Le Gouvernement explique en outre que lactuel fonds de réserve, constitué sous la forme dune deuxième section du fonds de solidarité vieillesse, est déjà réservé au régime général et aux régimes alignés, ce qui constituerait « un précédent non contesté par le Conseil constitutionnel ». Il convient toutefois de rappeler que cette disposition résulte de larticle 2, paragraphe IV, de la loi no 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui se limitait à donner au fonds de réserve un statut « provisoire », et au moment où était prévue la seule affectation dun excédent de 2 milliards de francs de contribution sociale de solidarité sur les sociétés et où nétaient définies aucune des orientations générales (par exemple, lhorizon dutilisation des sommes du fonds), désormais fixées par larticle 6 de la loi déférée.
Cette discrimination entre régimes dassurance vieillesse apparaît ensuite inopérante. Le régime dassurance vieillesse des professions libérales, par exemple, se « réforme » de manière continuelle et ne repose pas sur les mêmes règles : la durée de cotisation pour bénéficier de la pension forfaitaire du régime de base à taux plein est certes de trente-sept années et demi, mais lâge pour bénéficier de la retraite est fixé à soixante-cinq ans, tandis que la retraite complémentaire est calculée par points.
Sur larticle 6. - Article L. 135-10 du code de la sécurité sociale et sa non-conformité partielle au regard de la liberté du commerce et de lindustrie et de la liberté et de légalité de concurrence :
Cet article confie « la gestion administrative » du fonds de réserve pour les retraites à la Caisse des dépôts et consignations, tandis que le directeur général de cette caisse sera le président du directoire.
Le fait que la loi confie à la Caisse des dépôts et consignations la gestion administrative du fonds nappelle pas de commentaires particuliers.
Il convient cependant de noter quil ressort des travaux parlementaires que le concept de « gestion administrative » est entendu de façon impropre : cette gestion comprend ainsi des missions assurées de manière traditionnelle par le secteur concurrentiel, comme la conservation des titres. On peut sinterroger, dès lors, si cette inclusion ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de lindustrie.
Mais, surtout, létablissement public administratif « fonds de réserve », à linstar de tout organe administratif, est ainsi soumis à « une obligation dimpartialité », selon les termes de la décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989.
Or, le « groupe » Caisse des dépôts, notamment par sa filiale CDC-IXIS, peut participer, selon les mêmes conditions que lensemble des acteurs du marché, aux appels doffres de gestion financière, alors même que le président du directoire du fonds de réserve, en tant que directeur général de la Caisse des dépôts, est également le président du conseil de surveillance de CDC-IXIS.
Certes, des dispositions sont prévues à larticle L. 135-12 : en cas de participation de CDC-IXIS ou de toute autre filiale de la Caisse des dépôts à un appel doffres de gestion financière, le président du directoire devra sabstenir de participer aux délibérations. Le Gouvernement est resté à ce titre muet sur les conséquences dun désaccord entre les deux derniers membres du directoire.
De telles dispositions apparaissent cependant insuffisantes à partir du moment où la caisse assure la gestion administrative du fonds. Des personnels soumis doublement à lautorité du directeur général, en tant que responsable de la caisse et en tant que président du directoire, prépareront les cahiers des charges des appels doffres... auxquels répondront dautres personnels, soumis également à lautorité du directeur général de la Caisse des dépôts ! La deuxième phrase du premier alinéa de larticle L. 135-10 (« Cette activité [la gestion administrative] est indépendante de toute autre activité de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales ») relève de la pétition de principe, en raison notamment de la place jouée par le directeur général dans le dispositif.
Les participants aux appels doffres de gestion financière seront ainsi placés dans une situation dinégalité que rien ne justifie : la création de CDC-IXIS se fonde précisément sur la nécessité de séparer « les missions dintérêt général » et « les activités financières concurrentielles » de la caisse : dès lors, aucune différence de situation ne peut exister entre les filiales concurrentielles de la caisse et les autres acteurs du marché ; lobjet poursuivi par la loi nest pas davantager le groupe Caisse des dépôts, mais damener les produits du fonds au niveau maximal, tout en respectant les objectifs fixés à larticle L. 135-6 du code de la sécurité sociale.
A partir du moment où le législateur confiait la gestion administrative du fonds de réserve à la Caisse des dépôts et consignations, il se devait, compte tenu de limbrication dactivités concurrentielles et non concurrentielles qui caractérise ce « groupe », placé sous lautorité dun directeur général unique, de lexclure explicitement de la participation aux appels doffres de gestion financière, sauf à porter atteinte à la liberté et à légalité de concurrence.
Dès lors, le premier alinéa de larticle L. 135-10 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
Sur larticle 17. - Les trois premiers alinéas du I de larticle 39 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et leur non-conformité avec larticle 11 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789, avec lobjectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants dexpression socioculturels et avec larticle 34 de la Constitution :
Ces dispositions méconnaissent en effet :
- larticle 11 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 en tant quelles ont pour effet de porter atteinte à la liberté des personnes possédant ou contrôlant des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre et à la liberté des auditeurs de ces services ;
- lobjectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants dexpression socioculturels en tant quelles diminuent de façon excessive la portée des dispositions législatives assurant la limitation des concentrations dans le secteur de la communication audiovisuelle ;
- larticle 34 de la Constitution en tant quelles confient au pouvoir réglementaire lélaboration de mesures dapplication de la loi concernant le respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour lexercice des libertés publiques.
I. - Les dispositions du I de larticle 17 de la loi portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel méconnaissent larticle 11 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 :
1. La loi du 27 novembre 1986 avait, en conséquence de la décision no 86-217 DC du 18 septembre 1986 du Conseil constitutionnel, institué un plafond de détention par une même personne de 25 % du capital dune société titulaire dune autorisation de service de télévision par voie hertzienne terrestre, chiffre porté à 49 % par la loi du 1er février 1994.
Avec lentrée en vigueur de la loi du 1er août 2000, cette disposition est devenue applicable à lensemble des chaînes qui seront diffusées par voie hertzienne terrestre numérique, y compris les chaînes actuellement existantes du câble et du satellite, si leurs opérateurs souhaitent les faire migrer vers le numérique de terre.
Afin déviter lapplication brutale du plafond de 49 % à ces services lors de leur migration vers la diffusion hertzienne terrestre, le I de larticle 17 de la loi modifie le dispositif institué en 1986. Il est désormais prévu que le plafond de 49 % est appliqué à tout service diffusé par voie hertzienne terrestre, en mode analogique ou numérique, dès lors que laudience moyenne annuelle du service dépassera 2,5 % de laudience totale des services de télévision.
Ce dispositif a été conçu afin que le plafond de 49 % ne frappe que les trois chaînes hertziennes privées actuellement diffusées en mode analogique, cest-à-dire les seuls services soumis pour le moment à cette règle, hypothèse que les faits pourraient dailleurs ne pas confirmer, comme on le note ci-dessous, même si les chaînes thématiques du câble et du satellite ne dépassent actuellement pas le taux de 1 % daudience ;
2. A ce dispositif sapplique la critique que le Conseil constitutionnel adressait dans sa décision no 84-181 du 10 octobre 1984, à déventuelles dispositions législatives qui « imposeraient à tout moment aux personnes possédant ou contrôlant les quotidiens visés le respect de plafonds dont le dépassement peut dépendre du succès auprès du public desdits quotidiens ou des mécomptes des quotidiens concurrents ». La décision no 84-181 précisait que de telles dispositions « porteraient à la liberté de ces personnes et, plus encore, à la liberté des lecteurs une atteinte directement contraire à larticle II de la Déclaration de 1789 ».
Le jeu du plafond de 2,5 % daudience résulterait indiscutablement du succès des services de télévision auprès du public, et ferait ainsi manifestement obstacle à la liberté de création et de développement naturel de ces services ainsi quau libre choix des auditeurs. Il faut donc admettre que « ces dispositions seraient évidemment inconstitutionnelles », comme indiquait clairement la décision de 1984 ;
3. En ce qui concerne lapplication de cette jurisprudence au secteur de la communication audiovisuelle, il convient dobserver que la décision du Conseil constitutionnel no 86-217 DC du 18 septembre 1986 place expressément la communication audiovisuelle sous le régime de la libre communication des pensées et des opinions énoncées par larticle 11 de la Déclaration de 1789, point de départ de lanalyse relatée ci-dessus. La décision du 18 septembre 1986 précise en particulier que « lobjectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par larticle 11 de la Déclaration de 1789 soient à même dexercer leur libre choix sans que les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni quon puisse en faire lobjet dun marché ». La contrainte que fait peser sur le libre choix des auditeurs le dispositif prévu au I de larticle 17 de la loi provoque linconstitutionnalité manifeste de ce dispositif ;
4. On notera en outre quaucun précédent législatif ne permet daffirmer que le Conseil constitutionnel aurait validé des dispositions équivalentes. Il a été soutenu, lors du débat législatif, que la loi du 30 septembre 1986 comprenait avant sa modification plusieurs dispositions de portée comparable au dispositif du I de larticle 17. Ainsi a-t-il été indiqué que lancien article 24 de la loi de 1986 disposait en son III quune même personne ne pouvait détenir plus de 50 % du capital dune chaîne diffusée par un satellite de télécommunications lorsque celle-ci était effectivement reçue par plus de six millions de personnes.
Il est cependant évident que la formule « effectivement reçus par plus de six millions de personnes » ne désigne pas laudience des services intéressés. Elle a été élaborée pour écarter la prise en compte de la population recensée dans les zones desservies : cest la population équipée en antennes paraboliques et donc recevant effectivement la télévision par satellite, qui devait servir de critère au déclenchement du mécanisme anticoncentration. Cette formulation résulte dun amendement déposé par le Gouvernement lors de la nouvelle lecture par lAssemblée nationale de la loi no 90-1170 du 29 décembre 1990. Le ministre délégué chargé de la communication avait alors indiqué que lamendement visait à appliquer aux satellites de télécommunications le régime anticoncentration des satellites de diffusion directe, « seulement lorsque ce nouveau moyen de mise à disposition des programmes atteindra une part significative de la population » : il ne sagissait pas daudience mais de population desservie.
Le dispositif de lancien article 24 de la loi du 30 septembre 1986 ne ressemble donc en rien au dispositif critiqué. Il ne porte en particulier aucune atteinte au libre choix des auditeurs, dans la mesure où le jeu du plafond quil institue nest pas déclenché par les choix de ces derniers. Ce raisonnement est transposable au dispositif anticoncentration applicable aux réseaux radiophoniques (1er alinéa de larticle 41 de la loi du 30 septembre 1986), si cette disposition était aussi invoquée à titre de précédent.
5. On observera enfin que la mise en uvre du mécanisme de cession obligée dune part de capital apparaît très plausible à moyen terme. Les taux daudience des chaînes thématiques actuellement cités sont très éloignés de 2,5 % car ils sont calculés en fonction dune population qui na dans sa grande majorité accès quaux cinq chaînes traditionnelles. Mais, dans le paysage audiovisuel qui surgira du lancement de la télévision numérique de terre, 80 % de la population aura accès à plus de trente chaînes, et laudience se répartira entre les services de façon totalement différente de la situation actuelle. Il est possible davoir une idée de ce que sera la structure de laudience dans le paysage audiovisuel numérique en observant la façon dont se répartit actuellement laudience dans le public qui a accès à loffre élargie de télévision. Une chaîne comme RTL 9 représente 3,8 % de laudience sur lensemble de cette population, 5,7 % si lon ne prend en compte que les auditeurs initialisés, cest-à-dire ceux qui reçoivent effectivement RTL 9. Si le lancement de la télévision numérique de terre connaît le succès attendu, si dans deux ans trente-six chaînes sont proposées à lensemble ou à 80 % de la population française, la structure de laudience se rapprochera nécessairement de ce modèle, et la mise en uvre du dispositif critiqué deviendra inéluctable.
Pour ces motifs, les dispositions du I de larticle 17 de la loi portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel méconnaissent larticle 11 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789.
II. - Les dispositions du I de larticle 17 de la loi portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel méconnaissent lobjectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants dexpression socioculturels :
1. Les dispositions du I de larticle 17 combinées avec celles du III du même article permettent à une même personne de détenir la totalité du capital de cinq sociétés titulaires dautorisations relatives à des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre numérique, à condition que chaque service ne dépasse pas le plafond de 2,5 % daudience. La loi permet donc à une même personne de contrôler un ensemble de services représentant 15 % de laudience nationale, ce qui équivaut presque à laudience actuelle de M 6, qui est assujettie à la règle des 49 %.
2. On observera, dune part, à cet égard quil convient manifestement dapprécier la portée du dispositif anticoncentration applicable à la communication audiovisuelle en tenant compte du cumul possible des autorisations, comme le Conseil constitutionnel a lui-même invité le législateur à le faire dans sa décision no 86-217 DC du 18 septembre 1986.
On observera, dautre part, que lentrée en vigueur dune disposition restreignant lapplication de la « règle des 49 % » limiterait la portée dun élément crucial, comme la montré le récent débat public sur la composition du capital de M 6, du dispositif créé à la demande du Conseil constitutionnel afin dassurer le pluralisme dans la communication audiovisuelle.
3. Cette novation aurait lieu sans quaucune mesure compensatoire ne soit proposée et sans quaucun bouleversement du paysage audiovisuel ne le justifie.
On ne saurait en particulier soutenir que le passage de six à une trentaine du nombre des canaux utilisables pour la diffusion hertzienne terrestre crée dans loffre de services de télévision une abondance telle quil serait possible dentamer le démantèlement du dispositif anticoncentration de la loi de 1986, dont le plafond de 49 % est un élément crucial. Affirmer que la règle des 49 % na plus à jouer le même rôle puisque le pluralisme du secteur se trouve renforcé par léclatement de loffre de programmes est donc une pétition de principe que la réalité ne confirme pas.
4. On observera enfin que lapplication de la « règle des 49 % » aux chaînes dont les programmes contribuent à linformation politique et générale est essentielle à la mise en uvre de lobjectif du pluralisme des courants dexpression socioculturels.
Or, le dispositif du I de larticle 17 de la loi ne soumet à cette règle les chaînes généralistes ou dinformation qui seront créées pour le numérique quà la condition quelles atteignent le seuil de 2,5 % daudience.
Pour ces motifs, les dispositions du I de larticle 17 de la loi portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel méconnaissent lobjectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants dexpression socioculturels.
III. - Les dispositions du I de larticle 17 de la loi portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel méconnaissent larticle 34 de la Constitution.
1. Le dernier alinéa du I de larticle 17 de la loi dispose quun décret en Conseil dEtat fixera les modalités dapplication de la règle prévoyant que le plafond de 49 % sera appliqué à tout service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dès lors que laudience moyenne annuelle du service dépassera 2,5 % de laudience totale des services de télévision.
2. Il sagit de préciser la nature et le fonctionnement de l« audimat » qui permettra de mesurer laudience des services de télévision susceptibles de se voir appliquer le plafond de 49 % sous sa nouvelle forme.
Or laudimat est un instrument sinon arbitraire du moins conçu en fonction dun objectif défini. Sa validité scientifique est le résultat de laccord des intéressés sur les objectifs identifiés et sur les méthodes mises en uvre. Cest en outre un instrument destiné à fournir une échelle de comparaison des performances potentielles des espaces publicitaires commercialisés par les services de télévision, et non à mesurer des valeurs absolues. Doù par exemple, en fonction de la diversité des cibles commerciales, lexistence de plusieurs populations de référence dont le choix comme paramètre de laudimat suscite parfois la contestation de catégories de services sestimant desservies, comme la montré récemment une polémique sur la mesure de laudience des radios. On notera aussi que le passage à la mesure de laudience des télévisions thématiques a impliqué une modification des paramètres, provoquant une diminution sensible de laudience affichée des services traditionnels.
3. Linstrument prévu par la loi sera aussi purement conventionnel. La loi mentionne seulement la notion daudience moyenne annuelle par voie hertzienne terrestre, par câble et par satellite, tant en mode analogique quen mode numérique. Elle ne précise pas en revanche le contenu de la notion daudience moyenne annuelle dun service (il semble quil sagisse plutôt de part daudience moyenne annuelle), ne détermine pas la population mesurée (4 ans et plus, 15 ans et plus, autre ?), ne précise pas si la mesure de laudience prend en compte linitialisation des foyers (notion destinée à traduire linachèvement de la couverture territoriale de certaines chaînes) et le fait que toutes les chaînes ne diffusent pas 24 heures sur 24, si laudience globale en fonction de laquelle est mesurée laudience des services nationaux comprend laudience des services locaux, si le recueil des données daudience est effectué selon les mêmes techniques pour les services traditionnels et pour les chaînes du câble et du satellite (ce nest pas le cas actuellement).
Les choix opérés par le pouvoir réglementaire lors de la création ou à loccasion dune modification du nouvel « audimat » auront une incidence directe sur le niveau des taux daudience mesurés et pourront créer pour une personne lobligation de se défaire dune partie du capital quelle possède dans un service national de télévision, dans des conditions éventuellement préjudiciables tant au respect de ses intérêts patrimoniaux et de son droit de propriété quà la plénitude de la liberté de communication des pensées et des opinions. En outre, le pouvoir réglementaire maîtrisera ainsi la portée dune disposition instituée afin de garantir le pluralisme des courants dexpression socioculturels dans la communication audiovisuelle.
On remarquera à cet égard que le caractère durablement passionné du débat public sur la communication audiovisuelle et celui, parfois excessif, des propos tenus et des propositions avancées invite à maintenir le niveau de la garantie des libertés publiques atteint dans ce domaine.
La compétence du législateur est une de ces garanties. Il lui appartient, comme le prévoit larticle 34 de la Constitution, de définir le fonctionnement dun instrument ayant des incidences aussi directes sur les conditions de fonctionnement de la liberté de communication.
Pour ces motifs, les dispositions du I de larticle 17 de la loi portant diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel ne sont pas conformes à larticle 34 de la Constitution.
Sur larticle 36 et sa non-conformité au regard de la procédure parlementaire :
Cet article, introduit à lAssemblée nationale en première lecture par amendement du Gouvernement, vise à créer une nouvelle catégorie de sociétés coopératives, les sociétés coopératives dintérêt collectif.
Or, cet amendement est tout dabord dépourvu de tout lien avec le texte en discussion. Certes, on pourrait arguer de lintitulé, imprécis, du présent projet de loi (portant « diverses dispositions dordre social, éducatif et culturel ») pour affirmer quun amendement visant les sociétés coopératives peut sy rattacher. A lexamen, et sauf à vouloir donner au terme « social » une acception tellement large quelle pourrait embrasser tous les domaines du droit, ce lien apparaît toutefois inexistant, la réforme proposée modifiant le statut de la coopération et relevant, ainsi, du droit des sociétés.
De plus, cet amendement du Gouvernement, déposé en séance publique à lAssemblée nationale, insère 12 nouveaux articles dans la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, qui en compte actuellement 45, auxquels sajoute un article modifiant, par ailleurs, le code de commerce. Il dépasse manifestement « par son objet ou sa portée, les limites inhérentes à lexercice du droit damendement », selon les termes de la décision no 86-225 DC du 23 janvier 1987.
Il apparaît ainsi être adopté selon une procédure contraire à la Constitution.
(Liste des signataires : voir décision no 2001-450 DC.)
(1) Cf. Rapport Sénat no 339 de MM. Louis Souvet, Alain Vasselle, André Jourdain et Jean-Louis Lorrain, p. 155.