Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2004/6  du lundi 5 avril 2004




Amiante
Hygiène et sécurité

MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES,
DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITÉ
Direction des relations du travail

Sous-direction des conditions de travail
et de la protection contre les risques du travail
Bureau de la protection
de la santé en milieu de travail CT2


Circulaire DRT/CT2 no 2004/03 du 6 février 2004 relative à la procédure applicable en matière de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante

NOR :  SOCT0410122C

(Texte non paru au Journal officiel)

Références :
            Loi no 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, notamment l’article 41 ;
            Loi no 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000, notamment l’article 36 ;
            Décret no 99-247 du 29 mars 1999 relatif à l’allocation de cessation anticipée d’activité prévue à l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, modifié par le décret 2003-608 du 2 juillet 2003 ;
            Décret no 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l’interdiction de l’amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation modifié par le décret no 2002-1258 du 24 décembre 2002 ;
            Circulaire DSS/ 4 b/ 99 no 332 du 9 juin 1999 concernant la mise en œuvre du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (texte non paru au Journal officiel) ;
            Circulaire DSS/ 2 C no 2000-607 du 14 décembre 2000 concernant le dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (texte non paru au Journal officiel) ;
            Circulaire CNAMTS no 25/2001 du 4 septembre 2001 concernant la rectification, par les CRAM, des erreurs matérielles sur les listes d’établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation des travailleurs de l’amiante ;
            Note DRT du 15 mars 2001 concernant la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante - mise à jour des listes d’établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, de flocage et de calorifugeage ;
            Note DRT du 13 avril 2001 concernant la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante - mise à jour des listes d’établissements de la construction et de la réparation navales ;
            Brochure no 1712, collection « Le point sur l’amiante », édition 2002 (p. 323- 497).
Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité à Mesdames et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail ; Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.

Introduction générale

    L’exposition à l’amiante au cours du xxe siècle et ses conséquences pour la santé des travailleurs constitue une catastrophe sanitaire d’ampleur inégalée en France. Au-delà des mesures de prévention - concrétisées d’une part, par une interdiction totale de ce produit dès décembre 1996, d’autre part, par un renforcement des mesures de protection des travailleurs, qui seront encore longtemps exposés aux risques liés à l’amiante demeurée en place dans les bâtiments et les équipements les plus divers - un ensemble de mesures exceptionnelles de réparation ont été mises en place par les pouvoirs publics en faveur de ses victimes. Ainsi, toutes les victimes de l’amiante, professionnelles ou non, peuvent bénéficier de la réparation des préjudices physiques et moraux subis par un fonds spécialement créé à cet effet (Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante). Par ailleurs, pour des personnes fortement exposées à l’amiante, un dispositif collectif de cessation anticipée d’activité des travailleurs a été mis en place.
    L’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 1999, modifié par l’article 36 de la LFSS pour 2000 a ainsi institué un dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante retenant, en priorité, les activités où les maladies professionnelles liées à l’amiante apparaissent dans une proportion sensiblement plus importante que dans l’ensemble de la population. Ces dispositions législatives précisent comme suit les conditions d’accès :
    « Une allocation de cessation anticipée d’activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu’ils remplissent les conditions suivantes :
    1o  Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante ;
    2o  Avoir atteint un âge déterminé, qui pourra varier en fonction de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1o sans pouvoir être inférieur à cinquante ans ;
    3o  S’agissant des salariés de la construction et de la réparation navales, avoir exercé un métier figurant sur une liste fixée par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget. »
    Ces exigences sont la contrepartie de ce que chaque salarié de l’établissement n’ait pas à faire la preuve de son exposition personnelle.
    Par ailleurs, les pouvoirs publics ont veillé à ce que la mise en œuvre du dispositif législatif poursuive les objectifs d’équité et de réparation, tracés par le législateur.
    C’est pourquoi, depuis l’arrêté du 3 décembre 2001 publié au Journal officiel du 7 décembre 2001, à titre individuel, tous les salariés qui sont reconnus atteints d’une maladie professionnelle liée à l’amiante quelle qu’elle soit, dont ceux présentant des plaques pleurales, peuvent bénéficier, dès l’âge de cinquante ans de la cessation anticipée d’activité, directement, sans qu’il soit recherché si l’établissement ou les établissements dans lesquels ils ont travaillé auparavant sont inscrits sur les listes annexées aux arrêtés ministériels. Dans ces cas, tout salarié ou ancien salarié d’une entreprise peut, à titre individuel, faire valoir auprès de la Caisse régionale d’assurance maladie compétente son souhait de bénéficier de l’allocation.
    Le dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante est un dispositif dont chacun mesure l’importance tant pour les demandeurs individuels que, plus généralement, pour les entreprises et les partenaires sociaux. Ce dispositif s’avère d’autant plus sensible que les catégories de la loi ne couvrent pas toutes les expositions passées à l’amiante, mais exclusivement celles intervenues dans des secteurs particuliers, ce qui peut générer des difficultés de compréhension de la part des demandeurs. Par ailleurs, son caractère collectif peut parfois inciter à son utilisation comme instrument de gestion de l’emploi, contrairement à son objet.
    Il est donc indispensable que l’administration, au niveau des services déconcentrés - sections d’inspection, directions régionales et départementales - comme au niveau central, veille avec rigueur à la cohérence et la transparence des décisions. Le caractère souvent ancien des expositions à l’amiante, sans réelle traçabilité, rend ce travail long et souvent extrêmement difficile.
    Je vous demande d’être attentif à ce que, à toutes les étapes de la procédure d’instruction, ces dossiers fassent l’objet d’un traitement vigilant, rigoureux, dans les délais les plus brefs possibles, malgré ces difficultés.
    La présente circulaire vise à rappeler les principes et la procédure d’instruction des dossiers.

1.  La demande

    Les demandes, déposées auprès de l’administration, au titre de la cessation anticipée des travailleurs de l’amiante sont diverses tant par leur objet (nouvelle demande, demande de modification...), que par leur nature (simple courrier de particulier, dossiers constitués par les CHSCT...), ou par le secteur d’activité de l’établissement.
    Néanmoins, dans un souci d’équité, toutes les demandes doivent faire l’objet d’une enquête menée par les services déconcentrés compétents et ce quel que soit leur objet, leur nature ou le secteur d’activité de l’établissement.
    Aujourd’hui, la plupart des demandes sont reçues par l’administration centrale (DRT), qui les transmet à la DRTEFP, pour enquête. Néanmoins, en raison du grand nombre de demandes et de leur diversité, il apparaît souhaitable d’aménager cette procédure.
    A cette fin, je vous demande :
    -  de procéder immédiatement au lancement de l’enquête, dès réception de la demande, que celle-ci vous soit transmise par la DRT ou qu’elle vous parvienne directement ;
    -  de transmettre immédiatement à la DRT la demande, en mentionnant expressément sa date de réception, lorsque celle-ci vous parvient directement, et d’aviser systématiquement, le demandeur de cette transmission, conformément à l’article 20 de la loi du 12 avril 2000 ;
    -  d’aviser systématiquement le demandeur du lancement de l’enquête ; le courrier, adressé au demandeur, doit comporter le nom et les coordonnées de la personne en charge du dossier au niveau régional et la date du lancement de l’enquête, afin de lui permettre d’obtenir des informations sur le déroulement de cette enquête ; une copie de ce courrier est transmise à la DRT.

2.  L’enquête

    La phase d’enquête est probablement l’une des plus difficiles, dès lors qu’il s’agit de se prononcer avec souvent peu d’éléments d’appréciation préalables qui puissent être considérés comme fiables.
    Néanmoins, le ministère est tenu de justifier ses positions, qu’il s’agisse d’une inscription, d’un refus ou d’une modification.
    Aussi, est-il nécessaire que les services déconcentrés procèdent à une enquête systématique la plus complète possible, afin de déterminer l’éligibilité de l’établissement au regard du dispositif actuel.
    Dans un souci de transparence et pour limiter d’éventuelles contestations, il convient, pour toute enquête, d’informer et de consulter systématiquement : les demandeurs, le CHSCT ou les représentants du personnel ainsi que le directeur de l’établissement, et, le cas échéant, les associations de défense des victimes de l’amiante représentées au niveau local.
    Par ailleurs, dans le but d’éviter des erreurs matérielles et de raccourcir les délais souvent très longs, il est nécessaire que les services d’inspection travaillent en liaison avec les CRAM et les services de santé au travail, au cours des enquêtes.
    La CRAM doit être systématiquement saisie par la DRTEFP, dès le début de la procédure d’enquête. Dans tous les cas, elle examine la cohérence des informations qui lui sont communiquées avec ses propres données sur l’historique des raisons sociales et l’exactitude de l’adresse de l’établissement.
    Si la DRTEFP possède déjà des éléments de réponse, elle en fait part au service prévention de la CRAM qui peut, si lui-même connaît l’établissement, apporter des éléments complémentaires, dans un délai bref.
    Si la DRTEFP ne connaît pas l’établissement, elle interroge la CRAM pour savoir si, de son côté, elle a des informations sur l’activité de l’établissement.
    La responsabilité d’une enquête est du ressort du directeur régional, qui assure un rôle de coordination, de mobilisation et d’harmonisation des avis émis par l’ensemble des directeurs départementaux. Le directeur départemental est chargé au niveau local, en concertation avec le directeur régional, de confier l’enquête à un inspecteur du travail, à un ingénieur de prévention ou à un médecin inspecteur régional du travail et de la main d’œuvre et de s’assurer du bon déroulement de cette enquête.
    Les conclusions de l’enquête conduite au niveau local constituent l’un des éléments d’instruction de la demande, et, bien qu’il n’existe aucune obligation légale de les communiquer au demandeur avant la décision définitive prise par le ministre, il peut être souhaitable de les faire connaître avant la décision, dans un souci de transparence et afin d’éviter certaines erreurs (dénominations, adresses...).

3.  Le rapport d’enquête

    L’enquête doit déterminer non seulement le secteur d’activité de l’entreprise, mais également les types d’utilisation liés à l’amiante, avec une période de référence pour chaque type d’utilisation.
    Par ailleurs, un certain nombre de demandes de modification sont dues à des erreurs d’adresse. Il convient donc d’être attentif à cet aspect et de toujours proposer l’adresse de l’établissement dans lequel les salariés ont fabriqué ou traité de l’amiante.
    Le rapport d’enquête doit être construit de manière à permettre de retrouver aisément :
    -  la liste concernée : « fabrication, flocage ou calorifugeage » ou « construction et réparation navales » ;
    -  le descriptif, le plus précis possible, des conditions d’utilisation de l’amiante ;
    -  le cas échéant, le nombre de salariés ou anciens salariés de l’établissement atteints d’une maladie professionnelle liée à l’amiante, y compris ceux présentant des plaques pleurales ;
    -  l’ensemble des dénominations - anciennes et actuelles - de l’établissement pendant la période considérée ;
    -  les adresses successives de l’établissement ;
    -  pour chaque adresse, les dates successives permettant de déterminer la période de référence.
    Une fois achevé, le rapport doit être transmis, dans les meilleurs délais, à la DRT en charge de la phase finale d’instruction et de la suite de la procédure.

4.  L’instruction et la décision

    La DRT prépare les listes d’établissements ouvrant droit au bénéfice de la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, notamment par une analyse des demandes et des éléments techniques issus des rapports d’enquête, au regard du champ législatif. Ces listes concernent tant les demandes d’inscription que les demandes de modification.
    Les projets d’arrêtés fixant les listes d’établissements ainsi que les refus sont proposés au cabinet du ministre pour validation, puis adressés à la direction de la sécurité sociale qui a en charge la saisine de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP) de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).
    Les partenaires sociaux sont consultés sur ces propositions au sein de la CAT/MP de la CNAMTS.
    A cet égard, il faut souligner que, conformément aux souhaits exprimés par les partenaires sociaux, siégeant dans cette instance, les propositions de l’administration sont regroupées en vue de leur présentation, ce qui peut parfois générer un certain délai entre la transmission du rapport d’enquête et la consultation. En règle générale, la DRT prépare - au minimum - deux mises à jour annuelles pour chacune des listes (en avril et en novembre).
    Dans l’hypothèse de remarques émises par les membres de la CAT/MP (contestation d’une inscription, de dates de références...), la DRT peut avoir à procéder à une vérification des dossiers et doit alors souvent faire appel aux services déconcentrés pour enquête complémentaire dans des délais très courts, les projets d’arrêtés devant être mis à la signature des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget par la direction de la sécurité sociale, dès réception du compte rendu de la séance de la CAT/MP établi par la CNAMTS.
    La DRT informe systématiquement les demandeurs d’un refus d’inscription sur les listes alors que les acceptations font l’objet d’une publication au Journal Officiel. Ces inscriptions n’étant pas des décisions individuelles, aucune notification spécifique d’acceptation n’est effectuée.

5.  Contentieux

    Lors de recours en contentieux devant le Conseil d’Etat (pour annulation, refus implicite d’inscription...), le mémoire en défense est entièrement traité par la DRT.
    Dans ce cadre, la DRT saisit la DRTEFP compétente qui est chargée de lui remettre tout élément complémentaire permettant de compléter la défense de l’Etat.

6.  Dispositifs spécifiques
concernant certaines catégories socio-professionnelles

    Certaines catégories socio-professionnelles peuvent bénéficier d’un régime spécifique de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.
    Les procédures applicables en la matière ne relèvent pas de la compétence de la DRT.
    Le dispositif ouvert aux dockers (arrêté du 7 juillet 2000) est piloté par la direction de la sécurité sociale et par le ministère chargé des transports (direction des affaires maritimes, des ports et du littoral). Il est fondé sur une liste de ports ouvrant droit au bénéfice de la cessation anticipée d’activité, avec une période de référence identifiée.
    Le dispositif ouvert aux marins est co-piloté par la direction de la sécurité sociale et le ministère chargé des transports (décrets no 2002-1271 et 2002-1272 du 18 octobre 2002).
    Le dispositif ouvert aux travailleurs relevant du régime agricole est co-piloté par la direction de la sécurité sociale et le ministère chargé de l’agriculture (arrêté du 6 mai 2003). Il faut souligner que la seule voie d’accès retenue par le législateur pour ces travailleurs est celle de l’accès individuel pour les travailleurs atteints d’une maladie liée à l’amiante.
    Enfin, le dispositif ouvert aux ouvriers d’Etat de la DCN (décret no 2001-1269 du 21 décembre 2001) est directement piloté par le ministère de la défense. Ce dispositif est construit sur la même logique que le dispositif applicable à la construction et à la réparation navales : listes d’établissements et liste de métiers.

Le directeur des relations du travail,
J.-D.  Combrexelle