Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/4 du mardi 5 mars 2002
Circulaire DRT/DGEFP no 2002-3 du 23 janvier 2002 relative
à lentrée en vigueur de la loi de modernisation sociale
NOR : MEST0210017C
(Texte non paru au Journal officiel)
Madame et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail de lemploi et de la formation professionnelle ; Madame et Messieurs les préfets de département ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de lemploi et de la formation professionnelle.
La loi de modernisation sociale no 2002-73 du 17 janvier 2002 comporte dans son volet relatif au licenciement économique des avancées qui vont permettre de renforcer la protection des salariés face au licenciement, daccroître les capacités dintervention des représentants du personnel et de responsabiliser davantage les employeurs dans le cadre de projets de restructuration.
Ce texte attendu introduit par conséquent dimportantes modifications dans la procédure de licenciement économique, renforçant le rôle des institutions représentatives du personnel, et mettant en place, dans certains cas, un nouvel acteur dans cette procédure, le médiateur. Certaines de ces dispositions devront être précisées par des textes réglementaires, actuellement en cours délaboration et, de façon plus générale, une circulaire relative à la mise en uvre de lensemble du volet « licenciement économique » de la loi vous sera adressée dans les prochaines semaines.
Dans lattente de ces différents textes, je souhaite attirer votre attention sur les modalités de lentrée en vigueur du titre II de la loi et en particulier sur limpact de ses dispositions sur les procédures en cours et sur les situations juridiques existantes à la date de leur publication.
Le législateur a poursuivi dans ce domaine un double objectif. Il a souhaité permettre lapplication la plus rapide possible des mesures qui améliorent la protection des salariés concernés par des restructurations. En même temps, lapplication de la loi nécessite daborder les procédures dores et déjà entamées avec les plus grandes précautions dans le souci de garantir leur sécurité juridique.
Cest pourquoi le législateur a souhaité clairement distinguer les dispositions dont lentrée en vigueur est immédiate, de celles qui ne sappliquent pas aux procédures en cours. Par procédures en cours, il faut entendre celles pour lesquelles la première réunion au titre du Livre IV du code du travail sest déjà tenue à la date dentrée en vigueur de la loi ou celles pour lesquelles lentretien individuel a déjà eu lieu en cas de licenciement individuel. Cest lobjet de larticle 123 de la loi, qui précise les dispositions applicables aux procédures de licenciement en cours à la date dentrée en vigueur de la loi, et celles dont lapplication ne concernera que les procédures ouvertes après la date dentrée en vigueur de la loi.
La présente circulaire a pour principal objet de commenter le contenu de cet article. Quelques précisions sont par ailleurs apportées sur les conditions dapplication des articles relatifs à la lutte contre la précarité des emplois.
1. Les dispositions applicables aux procédures de licenciement en cours à la date dentrée en vigueur de la loi de modernisation sociale
Certaines dispositions de la loi de modernisation sociale sont destinées à mieux protéger les salariés face aux licenciements : elles peuvent, sans difficulté particulière, entrer en vigueur immédiatement et sappliquer aux procédures en cours en garantissant leur sécurité juridique, sans pour autant avoir pour effet damener lemployeur à reprendre tout ou partie de la procédure. Ces dispositions sont les suivantes :
1.1. Dispositions relatives à la prévention des licenciements
Article 93
La nouvelle dénomination de « plan de sauvegarde de lemploi » sapplique aux procédures en cours.
Article 94
Cet article relatif à la négociation de branche sur les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle est dapplication immédiate.
Article 95
Le dispositif daide au conseil à la gestion prévisionnelle de lemploi et des compétences prévu par cet article sera mobilisable dès la parution de son décret dapplication.
Article 96
Lobligation faite à lemployeur, avant détablir un plan de sauvegarde de lemploi, dengager la négociation visant à conclure un accord de réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires ou à 1600 heures annuelles, est applicable aux procédures en cours, sauf si la procédure prévue par le livre III du code du travail a été engagée, cest à dire si la convocation à la première réunion du comité dentreprise ou du comité central dentreprise, qui doit se tenir en application de larticle L. 321-3, a été adressée aux membres de linstance concernée.
1.2. Dispositions relatives au droit à linformation
des représentants du personnel
Lampleur des modifications introduites par les dispositions contenues dans cette section dans la procédure de licenciement rend impossible leur application aux procédures déjà engagées à la date dentrée en vigueur de la loi : une application immédiate reviendrait en effet à décider de leur annulation pure et simple et de leur reprise sous lempire du nouveau régime. A lexception de larticle 100, relatif à lobligation dinformation du comité dentreprise par lemployeur en cas dannonce publique, notamment si la mesure affecte de manière importante les conditions de travail ou demploi, cette nouvelle obligation intervenant en-dehors de la procédure elle-même, et des articles 103 et 104, qui sont des articles de cohérence, lapplication des nouvelles dispositions relatives au droit à linformation des représentants du personnel est donc exclue pour les procédures en cours.
1.3. Dispositions relatives au plan de sauvegarde de lemploi
et au droit au reclassement
Les nouvelles dispositions contenues dans cette section étant pour la plupart des dispositions renforçant la protection des salariés face au licenciement, elles peuvent pour lessentiel trouver à sappliquer immédiatement.
Article 108
Cette disposition, qui inscrit dans la loi lobligation de formation et dadaptation et le droit au reclassement préalable au licenciement dégagé par la jurisprudence de la Cour de cassation, est dapplication immédiate.
Article 111
Cette disposition, qui codifie la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la nullité des licenciements prononcés par suite dune procédure nulle et de nul effet conformément aux dispositions de larticle L. 321-4-1 du code du travail (cest-à-dire en cas de nullité du plan de sauvegarde de lemploi), est dapplication immédiate.
Article 112
Ces dispositions, qui enrichissent la liste des actions pouvant figurer dans le plan de sauvegarde de lemploi et posent le principe, dégagé par la jurisprudence, de proportionnalité de ce dernier aux moyens de lentreprise, sont dapplication immédiate.
Article 113
Cette disposition relative au taux de lindemnité de licenciement est dapplication immédiate. Elle ne sappliquera toutefois quaux licenciements notifiés après la publication du décret dapplication fixant le nouveau montant de lindemnité.
Article 114
Cet article qui étend la protection contre les « licenciements par paquets » est dapplication immédiate, cest-à-dire que tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois premiers mois de lannée 2002 par une entreprise ou un établissement assujetti à la législation sur les comités dentreprise qui a procédé au cours de lannée 2001 à des licenciements pour motif économique de plus de 18 personnes au total sans avoir eu à présenter de plan de sauvegarde de lemploi, est soumis aux dispositions prévues au chapitre premier du titre II du livre III du code du travail régissant les projets de licenciement dau-moins 10 salariés.
Article 115
Ces dispositions relatives à lobligation pour le plan de sauvegarde de lemploi de contenir des dispositions relatives aux modalités de suivi de la mise en uvre effective des mesures par les représentants du personnel et par ladministration sont dapplication immédiate, sous réserve que la dernière réunion au titre du livre III nait pas encore eu lieu à la date dentrée en vigueur de la loi et que lemployeur soit donc en mesure de sy conformer dans le cadre de la procédure de consultation et dinformation des représentants du personnel.
Article 117
Lallongement de quatre mois à un an du délai au cours duquel le salarié licencié peut faire connaître son désir de bénéficier de la priorité de réembauchage en cas de reprise de lactivité de son ancienne entreprise est dapplication immédiate.
Article 118
Cet article relatif à la contribution des entreprises à la réactivation des bassins demploi est dapplication immédiate, sous réserve que la dernière réunion au titre du livre III nait pas encore eu lieu à la date dentrée en vigueur de la loi afin que les mesures de réactivation du bassin demploi puissent ainsi être intégrées dans le plan de sauvegarde de lemploi.
Toutefois, le délai de six mois prévu au II de larticle au-delà duquel, en labsence de convention signée avec le représentant de lEtat prévoyant la liste des actions de réactivation ainsi que leur contrepartie financière, lemployeur est contraint de sacquitter du versement prévu par la loi au Trésor public ne courra quà compter de la date de parution du décret qui sera pris en application de cet article. Lélaboration des conventions pourra ainsi seffectuer en toute sécurité juridique, conformément au cadre réglementaire.
Les entreprises concernées par lobligation prévue au II de cet article sont :
- les entreprises de plus de mille salariés ;
- les entreprises soumises à lobligation de constitution dun comité de groupe, dès lors que le groupe comprend plus de mille salariés en France ;
- les entreprises soumises à lobligation de constitution dun comité dentreprise européen.
Article 119
Cet article qui crée un droit du salarié au bénéfice dun congé de reclassement est dapplication immédiate, sous réserve que la dernière réunion du comité dentreprise ou, à défaut, des délégués du personnel au titre du livre III du code du travail nait pas encore eu lieu à la date dentrée en vigueur de la loi ou, lorsque la consultation au titre du livre III nest pas obligatoire en application des dispositions des articles L. 321-2 et L. 321-3, sous réserve que lentretien préalable avec le ou les salariés concernés nait pas encore eu lieu à cette même date. Dans ces différentes situations, lemployeur est donc tenu de proposer aux salariés concernés le bénéfice dun congé de reclassement.
Dans lattente de la parution du décret en Conseil dEtat qui précisera le contenu des mesures, le congé de reclassement mis en uvre devra être conforme aux grands principes posés par la loi :
- le congé de reclassement ne peut excéder une durée de neuf mois pendant laquelle le salarié bénéficie dactions de formation et des prestations dune cellule daccompagnement des démarches de recherche demploi. La durée du congé est donc directement fonction du temps nécessaire à laccomplissement des formations décidées entre lemployeur et le salarié. La cellule daccompagnement est mise en uvre par lentreprise elle-même ou par un prestataire quelle choisit. Elle a vocation à assurer une fonction daccueil, dinformation et daide aux salariés dans leur recherche demploi par un suivi individualisé et régulier ;
- le congé de reclassement débute si nécessaire par un bilan de compétences dont lobjet est daider le salarié à déterminer son projet professionnel de reclassement et, le cas échéant, les actions de formation utiles à la réalisation de ce projet ;
- lensemble des actions (bilan de compétences, actions de formation, prestations de la cellule daccompagnement) est financé par lemployeur ;
- pendant la période du congé de reclassement excédant le préavis, le salarié bénéficie dune rémunération mensuelle à la charge de lemployeur dont le montant est égal à 65 % de la rémunération brute moyenne perçue par lintéressé sur laquelle ont été assises les contributions au régime dassurance chômage au titre des douze mois précédant la notification du licenciement. Ce montant ne peut être inférieur à 85 % de la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance visé à larticle L. 141-2 du code du travail. Lemployeur remet chaque mois au salarié un bulletin précisant le montant et les modalités de calcul de cette rémunération.
Articles 120 et 121
Ces deux articles qui fournissent aux partenaires sociaux la base légale pour mettre en uvre par accord un dispositif daccès anticipé, pendant le préavis des salariés, aux mesures daides au reclassement prévues par la nouvelle convention dassurance chômage, sont dapplication immédiate. A compter de la date dagrément de laccord des partenaires sociaux, laccès au PAP anticipé devra donc être proposé par les employeurs à tous les salariés entrant dans son champ dapplication.
Une circulaire relative aux conditions de mise en uvre de cet accord vous sera adressée en temps utile.
2. Les dispositions dont lentrée en vigueur sera exclue
pour les procédures en cours
Dautres dispositions ne peuvent sappliquer aux procédures en cours, dans la mesure où elles instaurent pour les employeurs de nouvelles obligations ou font intervenir de nouveaux acteurs. Il sagit en particulier des dispositions relatives aux nouvelles prérogatives des représentants du personnel. Décider de leur application immédiate entraînerait lannulation de toutes les procédures actuellement en cours. Outre linsécurité juridique résultant dune telle option, elle risquerait daggraver les difficultés de certaines entreprises, et pourrait de ce fait occasionner des licenciements supplémentaires.
Il sagit par conséquent déviter quune entreprise ayant respecté la loi et sétant conformée à la jurisprudence ne soit tenue de recommencer toute la procédure du fait de lentrée en vigueur de la loi de modernisation sociale, ce qui équivaudrait à la sanctionner. Pour les entreprises nayant en revanche pas respecté les prescriptions légales en vigueur au moment de louverture de la procédure, lannulation judiciaire de la procédure et sa reprise entraîneront naturellement lapplication de lensemble des mesures nouvelles.
Les dispositions de la loi de modernisation sociale dont lapplication aux procédures en cours est exclue sont les suivantes :
2.1. Dispositions relatives à la prévention des licenciements
Articles 97 et 98
Lobligation de létude de limpact social et territorial dune cessation dactivité ou dun projet de développement susceptible daffecter les conditions demploi et de travail ne sappliquera pas aux procédures en cours. Lentrée en vigueur de cette nouvelle obligation est subordonnée à la parution dun décret dapplication, prévoyant le contenu de cette étude.
2.2. Dispositions relatives au droit à linformation
des représentants du personnel
Pour lessentiel, les procédures déjà engagées au moment de lentrée en vigueur de la loi restent soumises jusquà leur terme au droit existant au moment de leur ouverture, sagissant des aspects relatifs à linformation et à la consultation des représentants du personnel.
Article 99
La nouvelle procédure dissociant clairement les obligations relevant du livre IV du code du travail de celles relevant du livre III ne peut sappliquer aux procédures déjà commencées.
Article 101
Cet article définit de nouvelles prérogatives pour le comité dentreprise (droit dopposition des représentants du personnel au projet de restructuration de lentreprise pouvant avoir des effets sur lemploi, saisine du médiateur, calendrier procédural en cas de désignation dun expert-comptable). Ces nouvelles prérogatives ne pourront être exercées dans le cadre dune procédure qui aurait débuté selon les textes anciennement applicables.
Article 105
Lobligation dinformation des entreprises sous-traitantes, dans le cas dun projet de restructuration et de compression des effectifs de nature à affecter le volume dactivité ou demploi des entreprises sous-traitantes, ne sappliquera pas aux procédures en cours.
Article 106
La nouvelle procédure de recours à un médiateur en cas de désaccord entre lemployeur et le comité dentreprise ne sappliquera pas aux procédures en cours. Il convient de noter par ailleurs que lentrée en vigueur du nouveau dispositif est également subordonnée à la parution dun décret dapplication.
Article 110
Cette nouvelle disposition, dont lobjet est de déclarer irrégulier tout licenciement pour motif économique effectué alors que les obligations de réunion, dinformation et de consultation des institutions représentatives du personnel nont pu être respectées du fait de linexistence de ces institutions alors quaucun procès-verbal de carence na été dressé, ne sappliquera pas aux procédures en cours.
2.3. Dispositions relatives au plan de sauvegarde de lemploi
et au droit au reclassement
Article 109
Cet article qui modifie la liste des critères légaux pouvant fonder lordre des licenciements ne sappliquera pas aux procédures en cours.
Article 116
Cet article qui modifie les modalités dintervention de ladministration au cours du déroulement de la procédure prévue par le livre III du code du travail nest pas dapplication immédiate.
2.4. Dispositions diverses
Article 122
Lobligation dinformation des autorités communales par ladministrateur de louverture dune procédure judiciaire ne sappliquera pas aux procédures en cours.
3. Dispositions relatives à la lutte contre la précarité
Sagissant de la lutte contre le travail précaire, les dispositions de fond de la loi sappliqueront aux contrats conclus après son entrée en vigueur, à lexception dune part des articles 130 et 131, qui définissent une nouvelle obligation pour lemployeur de salariés en contrat précaire, à savoir lobligation de les informer des postes à durée indéterminée disponibles dans lentreprise et, dautre part, de larticle 128 sur le plan de résorption de la précarité.
On observera que larticle 127 de la loi crée de nouvelles incriminations délictuelles et déclasse certains délits en contraventions.
Les nouvelles incriminations délictuelles ne peuvent porter que sur des faits postérieurs à lentrée en vigueur de la loi, quelle que soit la date de conclusion du contrat. Il sagit du défaut détablissement par écrit du CDD, de labsence de mention précise de son objet, de la transmission au salarié dans les deux jours de son embauche (L. 122-3-1 premier et dernier alinéas), de la rupture, au détriment du salarié sous CDD ou du travailleur temporaire, du principe dégalité de rémunération (L. 122-3-3-§ 2 ou L. 124-4-2).
Ne sont désormais plus des délits les mentions volontairement inexactes des contrats de mise à disposition de travailleurs temporaires, lorsque ces mentions résultent des 1o à 5o de larticle L. 124-3. Ces infractions pourront faire lobjet de poursuites contraventionnelles dès la publication du décret approprié.
Vous voudrez bien me saisir des éventuelles difficultés dapplication de la présente circulaire sous le double timbre de la direction des relations du travail et de la délégation générale à lemploi et à la formation professionnelle.
Pour la ministre et par délégation : Le directeur des relations du travail, J.-D. Combrexelle |
Pour la ministre et par délégation : La déléguée générale à lemploi et à la formation professionnelle, Le délégué adjoint à lemploi et à la formation professionnelle, S. Clément |