Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/2  du mardi 5 février 2002



Licenciement économique

Journal officiel du 18 janvier 2002

Saisine du Conseil constitutionnel en date du 18 décembre 2001 présentée par plus de soixante députés, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 2001-455 DC

NOR :  CSCL0105275X

LOI DE MODERNISATION SOCIALE

    Conformément à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de modernisation sociale.
    Les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer la loi précédemment citée non conforme à la Constitution, notamment pour les motifs suivants développés ci-dessous.

7.  L’article 107

    Cet article prévoit une nouvelle définition du licenciement pour motif économique (art. L. 321-1 du code du travail). Mais les termes sont insuffisamment précis ou sans portée normative de nature à susciter le doute chez les destinataires de la règle de droit.
    Ainsi, la notion de « difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen » est très imprécise et risque d’entraîner des divergences d’interprétation.
    S’agissant de la notion de « mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise », il est légitimement permis de s’interroger sur le sens à donner à cette formule. La loi veut-elle indiquer que seules seront admises les mutations technologiques qui, faute d’être mises en place, menaceront la pérennité de l’entreprise ? Peut-on alors baptiser ces mutations de mutations mettant en cause la pérennité de l’entreprise ? S’agit-il simplement des mutations technologiques imposées car mettant en cause la pérennité de l’entreprise à l’exclusion de celles délibérément mises en œuvre pour sauvegarder cette pérennité ?
    Enfin, s’agissant de la notion de « nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise », elle risque de donner lieu à un contentieux important tant la formule est vague. Il sera bien difficile pour un employeur qui invoquera ce motif d’avoir, si ce n’est une certitude, au moins une idée précise du risque encouru, à savoir le paiement des indemnités liées au défaut de cause réelle et sérieuse.
    Pour cette raison, l’article 107 doit être déclaré non conforme à la Constitution.

8.  L’article  108

    L’article 108 de la loi complète l’article L. 321-1 du code du travail par un alinéa qui débute ainsi : « le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi... » Dans ce cas, que signifie « ne peut intervenir » ? Les représentants du personnel ou/et les salariés concernés par le licenciement ont-ils la possibilité de saisir en référé le juge pour obtenir une suspension de la procédure tant que l’employeur n’a pas correctement exécuté l’obligation de reclassement ? Quelle est la sanction si, après la mise en œuvre du licenciement, le juge estime que l’obligation de reclassement n’a pas été respectée ? S’agit-il d’un défaut de cause réelle et sérieuse de licenciement comme la jurisprudence l’admet aujourd’hui ? Nullité du licenciement puisque le « licenciement ne peut intervenir » ? Une fois encore, le législateur n’a pas ici exercé pleinement sa compétence.
    Pour cette raison, l’article 108 doit être déclaré non conforme à la Constitution.