Le licenciement pour motif personnel : les causes possibles, les sanctions applicables

Contrairement au licenciement pour motif d’ordre économique, le licenciement d’ordre personnel repose sur la personne du salarié : son comportement (faute…), une insuffisance professionnelle, etc. Pour être valable, la cause du licenciement doit être à la fois réelle et sérieuse. A défaut, le licenciement est qualifié d’injustifié ou d’abusif.

À savoir !
Sous peine de nullité, aucun licenciement ne peut être fondé sur un motif discriminatoire (sexe, religion, opinions politiques et syndicales, appartenance à une prétendue race ou une ethnie…) ou en violation d’un droit du salarié (droit de grève, droit de saisir la justice, etc.) ou d’une protection particulière dont celui-ci bénéficie.
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Qu’est ce qu’une cause réelle et sérieuse ?

Tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse :
 

  • Réelle, c’est-à-dire qui repose sur des faits objectifs, vérifiables et non sur une impression ou un jugement subjectif ;
  • Sérieuse, c’est-à-dire suffisamment grave pour rendre inévitable le licenciement. Il convient d’apprécier les événements au cas par cas, selon leur ampleur, leurs conséquences sur la bonne marche de l’entreprise, les « états de service » du salarié.

Tout licenciement peut être contesté devant le conseil de prud’hommes. Le juge se détermine au vu des éléments fournis par les parties (l’employeur et le salarié) après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié :

Si le juge estime qu’il n’existe pas de cause réelle et sérieuse, il peut :
 

  • Proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ;
  • Si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est fixé dans les conditions mentionnées ci-dessous.

Les conventions et accords collectifs de travail (mais aussi le règlement intérieur ou le contrat de travail) peuvent limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu’ils déterminent, dès lors qu’ils ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail. Le cas échéant, un licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions conventionnelles pourrait ainsi être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse par les juges. Pour une illustration de ce principe, on se reportera à l’arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 2024.

Quelles sont les indemnités dues au salarié en l’absence de cause réelle et sérieuse ?

Les modalités de fixation des indemnités dues au salarié en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ont été profondément modifiées par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés à compter du 24 septembre 2017.

Barème légal des indemnités pour licenciement abusif : cas général

En cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (licenciement abusif), à défaut de réintégration du salarié, le juge octroie à ce dernier une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans les tableaux ci-dessous (art. L. 1235-3 du code du travail). Sur la validation de ce barème par la Cour de cassation, on se reportera aux arrêts du 11 mai 2022 (n° 21-15.247 et n° 21-14.490), à la notice explicative et au communiqué qui les accompagnent. Cette jurisprudence est confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 1er février 2023 auquel on se reportera.

Tableau n° 1 : entreprise employant habituellement au moins onze salariés
Ancienneté du salarié dans l’entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)
0 Sans objet 1
1 1 2
2 3 3,5
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10 ,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et au-delà 3 20

En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés dans le tableau précédent.

Tableau n° 2 : entreprise employant habituellement moins de onze salariés
Ancienneté du salarié dans l’entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
0 Sans objet
1 0,5
2 0,5
3 1
4 1
5 1,5
6 1,5
7 2
8 2
9 2,5
10 2,5

Après dix ans d’ancienneté dans l’entreprise, le minimum est fixé à trois mois, comme dans les entreprises d’au moins 11 salariés.

Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture (par exemple, une indemnité conventionnelle). Dans cette appréciation, le juge ne peut tenir compte de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234‑9 du code du travail, c’est-à-dire l’indemnité légale de licenciement.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L.1235-12, L. 1235-13 et L.1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus ci-dessus.

Résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et prise d’acte de la rupture

Lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge judiciaire aux torts de l’employeur (résiliation judiciaire du contrat de travail) ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l’article L. 1451-1 du code du travail (prise d’acte de la rupture), le montant de l’indemnité octroyée est déterminé selon les règles mentionnées ci-dessus. Toutefois, lorsque cette rupture produit les effets d’un licenciement nul afférent aux mentionnés au 1° à 6° ci-dessous (par exemple, une résiliation judiciaire en lien avec des faits de harcèlement moral et sexuel dont a été victime le ou la salarié-e) , l’indemnité due au salarié est déterminée comme en cas de licenciement nul (voir ci-dessous).

Disposition applicable en cas de nullité du licenciement ou de violation d’une liberté fondamentale

Les dispositions mentionnées ci-dessus, fixant un barème de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne sont pas applicables lorsque le juge constate que le licenciement est nul en application d’une des situations mentionnées ci-dessous. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (il s’agit donc là d’un minimum applicable quelle que soit l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise) (art. L. 1235-3-1 du code du travail).

L’indemnité accordée par le juge est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L. 1225-71 du code du travail et du statut protecteur, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Les nullités mentionnées ci-dessus sont celles qui sont afférentes à :

  1. La violation d’une liberté fondamentale (droit de grève, exercice d’activités syndicales ou mutualistes, principe d’égalité des droits entre l’homme et la femme, etc.). La liberté d’expression fait également partie des libertés fondamentales, comme le rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 16 février 2022 : « sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ». Dès lors, le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul. Pour une illustration des limites de la liberté d’expression, on se reportera à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 décembre 2021,
  2. Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L.1152-3 et L.1153-4 du code du travail,
  3. A un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L.1132-4 et L. 1134-4du code du travail,
  4. Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 ou à une dénonciation de crimes et délits. Est également nul, comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur ;
  5. Un licenciement d’un salarié protégé (délégué syndical, membre élu à la délégation du personnel du CSE, etc.) mentionné aux articles L. 2411‑1 et L. 2412‑1 en raison de l’exercice de son mandat ;
  6. Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 (protection de la femme enceinte, de la maternité et de la paternité, protection du salarié - femme ou homme - à la suite du décès de son enfant de moins de 25 ans ou d’une personne de moins de 25 ans à sa charge effective et permanente, protection de la salariée pendant les 10 semaines suivant une interruption spontanée de grossesse médicalement constatée ayant eu lieu entre la 14e et la 21 semaine d’aménorrhée incluses – ce que l’on qualifie parfois de « fausse couche tardive » –, protection du salarié – femme ou homme – pendant un congé de présence parentale et pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel) et L. 1226-13 du code du travail (protection des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle).

Pluralité de motifs de licenciement

En cas de pluralité de motifs de licenciement (ces motifs devant figurer dans la lettre de licenciement), si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions du code du travail mentionnées ci-dessus en cas de licenciement nul.

Qu’est ce qu’un motif personnel ?

Le licenciement pour motif personnel n’est pas nécessairement fondé sur une faute. D’autres motifs (insuffisance professionnelle – en ce sens, voir par exemple l’arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2004 – , absences répétées ou prolongées entraînant l’impossibilité de maintenir le contrat de travail,etc.) peuvent être à l’origine d’un licenciement.

S’il résulte d’une faute, celle-ci peut, selon son importance (simple, grave ou lourde), dispenser l’employeur du versement de certaines indemnités.

La faute grave est celle qui provoque des troubles sérieux ou des pertes pour l’entreprise et rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Dans ce cas, aucun préavis ni indemnité de licenciement ne sont dus.

Absences non autorisées, des indiscrétions, certaines fautes professionnelles… peuvent, selon les circonstances, constituer une faute simple - mais suffisante pour justifier le licenciement - ou une faute grave.

La faute lourde a toutes les caractéristiques de la faute grave, renforcée par l’intention du salarié de nuire à l’employeur ou à l’entreprise (vol, détournement de fonds). Jusqu’à l’intervention de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 (publiée au Journal officiel du 4 mars 2016) citée en référence, elle était également privative de l’indemnité de congés payés, ce qui n’est plus le cas compte tenu de la déclaration d’inconstitutionnalité de ces dispositions prononcée par le Conseil. Cette déclaration d’inconstitutionnalité a pris effet à compter du 4 mars 2016 (date de la publication de la décision au JO) et peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement. Comme le précise le Conseil constitutionnel, le bénéfice de cette disposition concerne « les personnes qui, postérieurement à la date de publication de la décision, seront licenciées pour faute lourde, de même que les personnes qui, licenciées antérieurement à cette date, ont engagé une procédure contentieuse non définitivement close à la date de la présente décision ou engageront une telle procédure. En revanche, seront exclues du bénéfice de la censure toutes les personnes licenciées pour faute lourde qui ont engagé une procédure contentieuse close définitivement avant la publication de la décision et celles licenciées pour faute lourde qui seraient à cette même date hors délai pour introduire une requête ».

Existe-t-il des motifs de licenciement interdits ?

Licencier un salarié parce qu’il a exercé, dans des conditions normales, ses droits et ses libertés fondamentales (droit de grève, de vote, exercice d’activité syndicale ou mutualiste, droit à la liberté d’expression, etc.) est interdit. De même, est considéré comme nul un licenciement fondé sur un des critères (sexe, situation de famille, origine, convictions religieuses, etc.) visés à l’article L. 1132-1 du code du travail ainsi qu’un licenciement prononcé en violation des règles relatives à la protection de la maternité.

Sur l’indemnisation des licenciements entachés de nullité, on se reportera aux précisions figurant ci-dessus.

En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur (arrêt de la Cour de cassation du 29 octobre 2013). De même, le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice du droit d’agir en justice, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Aucun salarié (femme ou homme) ne peut également être licencié (pour plus de précisions, se reporter aux fiches ou aux articles du code du travail concernés) :
 

  • Pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;
  • Pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L. 1153-1 du Code du travail, y compris, dans le cas mentionné au 1° de cet article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.
  • Pour avoir témoigné des agissements discriminatoires définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 du Code du travail ou pour les avoir relatés ;
  • Pour avoir engagé une action en justice sur le fondement des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à l’interdiction des discriminations, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice ;
  • Pour avoir fait usage de son droit de retrait d’une situation dangereuse (en ce sens, par exemple, arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2015 ;
  • En raison de l’exercice des fonctions de juré ;
  • pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité ;
  • Pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions (article L. 1132-3-3 du code du travail).
  • Sur la protection des lanceurs d’alerte, et de leur entourage, contre le licenciement et les mesures discriminatoires, on se reportera aux précisions figurant sur notre site.
  • Sur l’indemnisation des licenciements entachés de nullité, on se reportera aux précisions figurant ci-dessus.

Dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, le fait qu’un salarié a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant (rémunération, formation, etc.) ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande (art. L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles).