Ouverture du séminaire de restitution de l’étude Force femmes / DGEFP sur le retour à l’emploi des femmes de plus de 45 ans

Discours de Myriam El Khomri

Madame la présidente, chère Françoise Holder
Madame la déléguée générale, Emmanuelle Wargon
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui. Je suis d’autant plus heureuse de m’exprimer sur un sujet qui m’est cher, un sujet qui touche à l’égalité et notamment l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Je partage votre objectif : nous devons collectivement porter l’égalité de toutes et tous dans l’accès à l’emploi. Et plus encore pour les femmes de plus de 45 ans

Votre étude touche du doigt une réalité du marché du travail dont on ne peut ignorer les mécanismes de domination et qui créent des inégalités fortes entre les hommes et les femmes :

- Les femmes sont les premières victimes du chômage et de l’emploi précaire. Cette inégalité est encore plus vraie lorsqu’elles arrivent à un stade avancé de leur carrière.

- Le taux d’emploi des femmes de 20 à 64 ans est toujours inférieur à celui des hommes (67% contre 76 %), et à temps de travail équivalent, il demeure encore un écart de salaire de 24% entre femmes et hommes.

Les salariés les plus âgés connaissent de plus grandes difficultés d’insertion : depuis 2008, le nombre de demandeurs d’emploi séniors a augmenté plus vite que pour les autres tranches d’âge et ce, de manière continue. Et la probabilité de retour à l’emploi des seniors est deux fois plus faible que les autres ; conséquence, les chômeurs de longue durée sont surreprésentés parmi eux.

C’est une injustice. Et face à cette injustice nous devons apporter des solutions à la hauteur des enjeux et répondre concrètement aux problématiques qui se posent aux femmes.

L’enjeu est de taille car si nous ne menons pas ensemble une action efficace et crédible, la reprise économique dont nous commençons à ressentir les effets positifs risque de laisser de côté les plus âgées et les plus fragiles.

Je veux à ce titre saluer l’étude de Force femmes, une étude précieuse et utile sur l’emploi des femmes de plus de 45 ans. Elle permet de croiser les regards de femmes venues d’horizons différents : des femmes de plus de 45 ans éloignées de l’emploi, des DRH d’entreprises et de cabinets de conseil.

Cette étude met en avant un certain nombre de freins aux recrutements qui existent à tous les niveaux :

- Le premier frein, ce sont les stéréotypes qui entretiennent les appréhensions des recruteurs.

Il existe une véritable discrimination en matière d’âge et cela participe à exclure les femmes de plus de 45 ans du marché du travail. Notamment en raison des appréhensions en matière d’intégration ou de gestion de différentes classes d’âge dans l’entreprise et de risques de conflits ;

Et au-delà des compétences, on préjuge souvent de l’attitude des femmes et leur capacité d’adaptation à de nouvelles pratiques professionnelles, à l’apprentissage de langues étrangères ou parfois à la maîtrise des nouveaux outils numériques.

- Le deuxième frein, c’est l’autocensure des femmes qui ont intégré les préjugés :

Je sais combien les femmes se projettent moins que les hommes à des postes de responsabilités. Il y a une forme d’autocensure qui empêche les femmes de prendre des responsabilités. Nous devons les y encourager. C’est aussi la responsabilité des entreprises de promouvoir et de valoriser le travail des femmes, à travers des formations adaptées – et notamment en matière de confiance en soi, mais aussi en aménageant les temps de travail.

J’en suis convaincue, c’est une évidence même, et les recruteurs le reconnaissent, les femmes de plus de 45 ans présentent de nombreux atouts : l’expérience, l’autonomie et la capacité de recul.

Aujourd’hui, plus la taille des entreprises est grande, moins les femmes occupent des postes de direction. Ça n’est plus acceptable. Leur représentation au sein de l’entreprise doit nous préoccuper toutes et tous.

A l’image des entreprises privées cotées en bourse et les entreprises publiques ou nous avons exigé, par la loi, l’obligation de 40% de femmes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance. Nous devons aller plus loin encore.

La mobilisation doit être collective : d’abord de l’Etat mais aussi des entreprises pour déconstruire ces préjugés et ces appréhensions pour défendre l’égalité et l’accès à l’emploi pour toutes et tous.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter efficacement contre les discriminations dans l’entreprise. Le 19 mai dernier, 13 mesures ont été annoncées sur la base du rapport du groupe de dialogue inter-partenaires présidé par Jean-Christophe Sciberras. Elles poursuivent deux objectifs :

- Le premier, c’est d’aider les employeurs à prendre conscience des discriminations, qui existent parfois sans qu’ils en soient conscients. C’est le sens de la grande campagne de testings que nous allons lancer prochainement. L’enjeu est de conduire les entreprises à analyser leur processus de recrutement, et les discriminations qui peuvent en résultent, et d’agir par des plans d’action dédiés, élaborés avec les partenaires sociaux.

L’entreprise besoin de « différence ». La diversité est une richesse. Voilà pourquoi il ne faut pas voir cette question que sous l’angle de l’engagement social. Elle doit être le résultat d’une gestion des ressources humaines efficace et éclairée.

- Le deuxième objectif est de donner les outils adaptés aux entreprises, notamment au niveau du recrutement, pour leur permettre de mettre en place ces plans d’actions. L’enjeu est de trouver la méthode qui correspond le mieux au poste et au secteur, pour sélectionner le meilleur profil en limitant l’impact des stéréotypes.

- Pôle Emploi aura un rôle central à jouer auprès des employeurs : il devra les informer, mais aussi leur proposer des outils d’appui RH, via les nouveaux conseillers entreprise.

De son côté, l’Etat a mis en place des outils pour faciliter l’embauche de séniors dans les entreprises :

- Le contrat de génération

- Les contrats de professionnalisation « nouvelle carrière » : il permet à des demandeurs d’emploi ayant bénéficié d’une longue expérience professionnelle et d’adapter leurs compétences.

Les entreprises doivent se saisir de ces contrats. Elles ont besoin et doivent se nourrir de la diversité. Embaucher un sénior n’est pas qu’un engagement social, c’est aussi un gage d’efficacité, une richesse qui doit être reconnue. Nous devons mieux valoriser et reconnaitre les parcours et les compétences.

Mais les entreprises doivent aussi s’engager pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail. Cela passe par une démarche de mixité et une organisation du travail qui ne fait pas peser de contraintes sur l’évolution professionnelle des femmes. Les entreprises ont une responsabilité majeure. Elles ont d’ailleurs des comptes à rendre dans le cadre de leur politique de RSE (responsabilité sociale et environnementale).

Avec Marisol Touraine et Pascale Boistard, je compte lancer une mission d’analyse de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Elle aura pour objectif d’éclairer les origines et manifestations de cet écart, et de faire des propositions pour faire reculer cette discrimination salariale pure à l’encontre des femmes.

Nous devons mener une action déterminée pour lutter efficacement contre les discriminations dans l’entreprise tout en assurant l’accès à l’emploi des séniors et l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une question de performance économique mais c’est aussi une exigence morale : les femmes ont toutes leur place dans l’entreprise.

Elles doivent pouvoir accéder à l’emploi. Et dans l’entreprise, elles doivent pouvoir se projeter sur l’ensemble de la hiérarchie – y compris aux postes de direction.

Il nous reste du chemin à parcourir mais vous pouvez compter sur ma mobilisation et ma détermination. Et je sais aussi pouvoir compter sur votre engagement. Je vous remercie.