Journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail

Discours de François REBSAMEN

Monsieur le Directeur général du Bureau international du travail, cher Guy RYDER,
Mesdames et messieurs,

Je vous remercie d’être venu nombreux pour participer à cet événement en l’honneur de la journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail. Ce n’est pas un hasard si elle se tient dans la salle des accords du ministère. Cette salle a été le témoin de nombreux progrès sociaux en matière de qualité du travail. Elle rappelle aussi que la santé et la sécurité au travail ne peuvent se construire que dans un cadre collaboratif.

Nous sommes aujourd’hui rassemblés autour d’une ambition commune : rappeler que la santé et la sécurité au travail des travailleurs doivent être une priorité de l’action des organisations internationales, des gouvernements nationaux, des entreprises.

Cette priorité répond à une double-exigence :

- La première, la plus fondamentale, est une exigence morale. Il s’agit de lutter pour un travail décent, respectueux des hommes et des femmes qui l’accomplissent. C’est l’engagement de la France et de l’OIT. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que la mondialisation ne soit pas qu’un espace où seules les lois du libre-échange règnent. Il faut au contraire affirmer les valeurs auxquelles nous sommes attachées et faire en sorte qu’elles se concrétisent. Comment ? En trouvant un cadre normatif commun, en responsabilisant les Etats et les entreprises, pour que le monde n’ait plus jamais à faire face à des drames humains comme celui du Rana Plaza.

- La deuxième exigence, c’est une exigence d’efficacité économique : les acteurs économiques doivent comprendre que des mauvaises conditions de travail, la dégradation de la santé des salariés, les accidents, en plus d’être moralement inacceptables, ont un coût économique pour l’entreprise et la collectivité. A l’inverse, s’assurer du bien-être des salariés favorise leur engagement, leur efficacité et augmente donc la performance de l’entreprise. Le thème de la prévention retenu cette année comme thème pour la journée mondiale en est une illustration très concrète.

Derrière les questions de santé et sécurité au travail, ce dont il s’agit aussi, c’est la conception du travail que nous défendons. Et je voudrais vous redire à ce titre quatre choses :

1. Premièrement, la France est engagée aux côtés de l’OIT dans le combat pour les droits fondamentaux au travail, dont la santé et la sécurité, partout dans le monde

L’OIT, de par son histoire - elle n’est pas pour rien la plus ancienne institution onusienne – et sa nature tripartite, est au cœur à la fois des enjeux du travail dans la mondialisation, et de sa réalité dans l’entreprise. Penser la mondialisation du travail, revient à penser l’envers de l’économie. L’envers, ce sont les conséquences sur les travailleurs du monde entier. L’envers, c’est la responsabilité de tous, citoyens et entreprises, par les choix économiques qu’ils font.

Or, parmi ces conséquences, se trouvent la santé et la sécurité au travail. Sur ces sujets, la France a des engagements forts et porte la conviction que les réponses doivent dépasser les frontières nationales. Tout juste deux ans après le drame du Rana Plaza, l’accord impliquant le BIT, les organisations syndicales internationales et 180 entreprises pour la sécurité des usines textiles au Bangladesh, en est une illustration. C’est le cas aussi des accords-cadres mondiaux conclus dans les entreprises multinationales sur les thèmes de la santé et de la sécurité, et qui permettent de les envisager à l’échelle d’un groupe.

Signe de cet engagement, la France a ratifié en 2014 la convention 187 de l’OIT relative au cadre promotionnel de la santé et de la sécurité au travail. Elle continuera de s’investir pour le développement et l’appropriation des normes internationales sur ces sujets.

2. Deuxièmement, derrière notre politique nationale de santé au travail, il y a un travail partenarial fort

L’OIT a inscrit cette année la question de la prévention à l’ordre du jour de cette journée mondiale. Et vous avez eu raison. La prévention est la clé pour anticiper les accidents du travail et transformer les pratiques, les modes de production et les organisations.

Le système français de prévention des risques professionnels tire sa force de la pluralité d’acteurs qui le composent :
- le ministère du travail, chargé d’élaborer les politiques de prévention et de fixer les règles d’ordre public ;
- les partenaires sociaux, à la fois par leur rôle au sein des organismes de sécurité sociale et dans le dialogue social en entreprise ;
- les spécialistes de la prévention par l’expertise qu’ils fournissent en santé et sécurité ;
- les entreprises dans les choix qu’elles font au quotidien sur ces sujets.

Je crois qu’il est fondamental d’associer les représentants des salariés et des employeurs pour définir une politique nationale de santé au travail. Pourquoi ? Car les mesures doivent être calibrées au plus près des réalités du travail. Ces réalités sont analysées et mesurées grâce à un solide réseau d’organismes spécialisées qui disposent de réelles capacités d’expertisent. Je salue ainsi le travail conduit par l’ANACT, l’INRS ou l’IRSN ainsi que les organismes professionnels tels que l’OPPBTP et leur renouvelle ma confiance.

Ces analyses sont partagées dans une instance à la fois consultative et force de proposition, qui réunit les acteurs publics et les partenaires sociaux : le Conseil d’Orientation des Conditions de travail.
Les engagements de la politique française en faveur de la santé au travail sont ambitieux et j’ai validé en début d’année les orientations du troisième plan Santé du Travail. Quel en est l’objectif ? Redonner du sens au lien entre travail et santé, et faire du travail un véritable facteur de santé.

3. Troisièmement, nous devons agir pour que la santé et de la sécurité soient prises en compte dans les choix stratégiques, en amont des risques

Le rôle de la puissance publique est de veiller à l’application des règles de protection et de sécurité des salariés. C’est la mission confiée à l’inspection du travail dont les priorités sont resserrées autour des risques majeurs encourus par les salariés : risque de chute de hauteur et risque d’inhalation de fibres d’amiante.

Pour autant, en 2013, la France a déploré 541 accidents mortels du travail, auxquels s’ajoutent 430 décès suite à une maladie professionnelle reconnue. C’est inacceptable et le pays tout entier doit se mobiliser pour améliorer ces résultats.

Comment ?
- Nous veillons à sensibiliser les donneurs d’ordre, les entreprises, sur les conditions dans lesquelles le travail est réalisé pour leur compte. Ces dernières jouent un rôle fondamental dans la régulation du travail. Elles ont une responsabilité sociale qui doit guider leurs choix stratégiques.

- Nous avons fait émerger l’accord national interprofessionnel « qualité de vie au travail » de 2013. Il identifie notamment la qualité de vie au travail comme un facteur de meilleure santé des travailleurs, mais aussi de performance des entreprises.

- C’est pourquoi la qualité de vie au travail est reprise comme axe stratégique du prochain plan santé au travail que j’évoquais. Le plan va renouveler l’approche de la prévention, en rupture par rapport à une culture qui place encore trop souvent la réparation avant la prévention. Il faut que l’ensemble des acteurs économiques et sociaux soient désormais convaincus qu’investir dans la qualité des emplois et les conditions de travail, c’est un investissement bénéfique.

La prévention est un principe gagnant-gagnant : gagnant pour le salarié qui voit sa satisfaction et son bien-être au travail augmenter ; gagnant pour les entreprises qui augmentent ainsi leur performance économique et sociale.

4. Enfin, la santé doit rester au cœur du dialogue social en entreprise, comme le réaffirme le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi

La qualité de vie au travail est une priorité du gouvernement. C’est pourquoi le projet de loi développe le dialogue social sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail.
- D’abord, les sujets liés à la qualité de vie au travail seront placés au cœur du dialogue social dans l’entreprise. La loi prolonge l’ambition des partenaires sociaux pour lui donner une place centrale dans les négociations. Un temps spécifique de la négociation sera consacré à ce thème. Ainsi, les représentants des salariés et des employeurs pourront aborder les sujets qui touchent au quotidien des salariés.

- Mais surtout, tous les salariés des entreprises de plus de 50 salariés pourront être couverts par un CHSCT. Ce comité est la véritable instance où se discutent les conditions de travail, où des propositions peuvent être mises sur la table pour améliorer la sécurité et la qualité de vie au travail. La loi donne ainsi plus de poids à cette instance.

Ce projet de loi présente donc de réelles avancées pour faire de la qualité de vie au travail et les question de sécurité et de santé, des enjeux clés des choix stratégiques de l’entreprise.

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Mesdames et messieurs,

Vous l’aurez compris, la France s’engage pour concrétiser les principes et les valeurs auxquels nous sommes attachés. Ses actions s’inscrivent ainsi dans l’esprit de la convention internationale.

L’OIT a lancé une initiative sur l’Avenir du travail dans le cadre du centenaire de l’organisation en 2019. C’est une bonne initiative pour penser, ensemble, les nouveaux modes de production au niveau mondial et répondre aux mutations qu’entraîne la mondialisation.

Vous pouvez compter sur la France pour participer pleinement à cette grande discussion.

Je vous remercie.