"How I met my startup" – Cap Digital

Discours de François REBSAMEN

Mesdames, messieurs,

Merci de m’accueillir dans ces lieux qui montrent si bien la continuité industrielle de notre pays, puisque nous sommes dans une ancienne manufacture et qui s’érige en épicentre de l’industrie numérique en Ile-de-France et au-delà. Nous voyons ici mieux que nulle part ailleurs que l’enjeu pour une puissance économique telle que la France n’est pas de maintenir le statu quo industriel, mais de savoir évoluer avec son temps, et parfois même un peu avant son temps.

Je salue Cap Digital comme pôle de compétitivité, ainsi que les entreprises, organismes de recherche et de financement qui le composent. L’innovation est un tissu complexe et les fils tissés ici sont essentiels. Je salue aussi, en Cap Digital, le partenaire du ministère du travail et de Pôle emploi sur un certain nombre de chantiers que nous avons engagés.

Mieux que quiconque, vous voyez que la transformation numérique de l’économie est engagée. Partout on voit surgir des idées et des applications concrètes, de nouveaux acteurs aussi, plus jeunes, plus dynamiques, plus ouverts… et souvent aussi plus ambitieux.

Les opportunités sont immenses – tant pour les entreprises – celles qui existent et celles qui sont encore à créer – que pour les jeunes, y compris ceux qui sont loin de l’emploi. Et il est rare de tenir ensemble les deux bouts de la chaîne. Souvent les activités de pointe excluent les plus fragiles. Pas là.
Ce qui est fort dans le numérique, c’est qu’il répond à la demande économique et en même temps à la demande sociale, parce qu’il n’est pas qu’un sujet économique ou social, il est un fait culturel majeur, qui transforme nos modes d’existence.

Évidemment, tout phénomène de cette ampleur a sa part de risque de déséquilibres, d’iniquités, de dangers.
Ces risques, il ne faut pas les craindre, il faut les maîtriser.

Nos politiques doivent se saisir de cela. Et je ne parle pas ici d’une « mesure numérique », ni même d’un « plan d’action numérique ». Nos politiques doivent intégrer le fait numérique comme une donnée essentielle, permanente, transversale et structurante.

C’est en particulier le cas des politiques de l’emploi et du travail. Au-delà même des opportunités d’activités économiques qu’il crée, le numérique transforme déjà, et modifiera plus encore demain, la manière dont nous travaillons, dont nous recrutons, dont nous cherchons un emploi, dont nous formons. Parce qu’il met à disposition de nouvelles données, parce qu’il suscite de nouveaux services, parce qu’il oblige à penser les activités différemment, parce qu’il révolutionne la manière dont nous communiquons. Il n’est pas un domaine de compétence du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui ne soit profondément touché.

Je suis venu annoncer ce soir l’engagement de mon ministère dans cette direction. Je vais présenter dans les semaines qui viennent une démarche – un « work in progress », diraient certains d’entre vous – et j’insiste sur le double sens, car le numérique doit aussi être un levier de progrès pour les formes et conditions de travail. Démarche, donc qui ne vise à rien de moins qu’intégrer la dimension numérique dans tous les volets de nos politiques publiques. Cela suppose bien sûr un certain nombre de chantiers, et je vais en évoquer quelques-uns à l’instant, mais cela nécessite plus fondamentalement une évolution de la manière dont nous allons travailler. Et notamment dont nous allons travailler avec vous, startups, investisseurs, accompagnateurs d’innovation.

Cette démarche peut être sommairement présentée en trois axes très concrets :
1. Faire du numérique un levier d’investissement massif dans le capital humain du pays
2. Faciliter la rencontre entre offre et demande d’emploi grâce au numérique
3. Faire du numérique un moyen d’améliorer la vie au travail

Premier axe : Faire du numérique un levier d’investissement massif dans le capital humain du pays
Cela signifie diffuser les compétences numériques de base pour tous les actifs et, au-delà, former aux métiers du numérique. Mais il y a plus encore car former au numérique peut et doit se faire par le numérique. Nous allons donc créer une école virtuelle pour les demandeurs d’emploi, faisant partie intégrante de la grande école du numérique annoncée par le Président de la République en début d’année. L’ambition de cette école est de mettre à la disposition des demandeurs d’emploi et de ceux qui les accompagnent dans leur recherche, un bouquet complet de « MOOC » - ou si l’on préfère de formations par le numérique, mais avec un tutorat et une validation finale ouvrant à des diplômes ou des titres – adaptées à des demandeurs d’emploi peu qualifiés. Nous savons que l’économie française aura de plus en plus besoin de compétences liées au numérique, et que celles-ci se transmettent parfois plus aisément à des publics peu adaptés au système scolaire ou académique classique.

Deuxième axe : Faciliter la rencontre entre offre et demande d’emploi grâce au numérique
C’est l’idée que, par l’analyse et le croisement de données, on peut rapprocher le besoin et la demande, le profil d’un tel avec les compétences demandées ici ou là par X ou Y. Mais cela va plus loin : de la géo-localisation des emplois au moteur de recherche par compétence en passant par le recrutement sans CV ou l’assistant numérique du recruteur, les initiatives se multiplient, toutes pensées à l’échelle de l’utilisateur. Le travail des données peut permettre de mettre en place des outils d’aide à la décision pour aider les conseillers de Pôle emploi, les missions locales, à orienter le demandeur d’emploi dans sa recherche. Songeons que demain, nous serons capables de modéliser les trajectoires professionnelles en fonction des formations suivies, des emplois recherchés, des territoires prospectés, et d’aider en conséquence les étudiants, les salariés, les chômeurs, à faire les bons choix ! Aujourd’hui même, des travaux en ce sens sont à l’œuvre. Le numérique peut également aider les recruteurs à évaluer les candidats, à les tester par des mises en situation. Il peut aider le demandeur d’emploi ou le salarié en recherche de mobilité à définir son projet et à prospecter. L’un de nos chantiers prioritaires en la matière, c’est de mettre les données dont nous disposons à la disposition des initiatives privées ou publiques pour susciter la création de nouveaux services. C’est tout l’esprit de l’Emploi store, véritable « App’store » de l’emploi, dont les premières réalisations seront rendues publiques en juin.

Troisième et dernier axe : Faire du numérique le moyen de mieux travailler.
Il n’est pas possible de concevoir que le numérique touche la formation et l’emploi sans changer le travail. Vous le savez mieux que quiconque : l’unité de lieu, de temps et d’action de l’usine ou des bureaux d’hier s’estompe. Le numérique réinterroge la vie au travail et ouvre large le champ des possibles. Comment aider à la mobilité ? Comment mesurer le travail aujourd’hui pour dynamiser la performance sans accroître le contrôle social ? Quelle autonomie donner aux salariés et aux frontières de l’entreprise pour inventer et innover ? Bref, comment réussir l’entreprise d’aujourd’hui et de demain, plutôt que de panser seulement les plaies de celle d’hier ? Avec des organismes partenaires du secteur public et du secteur privé, nous allons piloter des observations de terrain sur diverses solutions innovantes d’organisation du travail, autour du numérique, qui permettront d’alimenter la réflexion, et nous avons confié au Conseil national du numérique, le soin d’organiser un débat public sur ces nouvelles pratiques et sur les enjeux du numérique au travail. J’ai chargé Bruno Mettling, DRH d’Orange, d’une mission qui nous aidera à tirer ces enseignements un certain nombre de décisions qui pourront toucher les systèmes d’information et les données publiques, le droit du travail, ou encore la politique de santé au travail et de qualité de vie au travail.

Pour faire tout cela, nous travaillons avec des entreprises telles que les vôtres car le numérique, c’est aussi la collaboration entre des acteurs de statut, de taille, de culture différentes.

Je vous propose, pour conclure, de regarder un petit film qui illustre cette démarche, et qui raconte un exercice que nous avons récemment organisé au ministère, avec Axelle Lemaire, et qui a fait participer des acteurs de l’innovation et du monde des startups ainsi que des acteurs des politiques publiques, autour de l’usage des données publiques dans le domaine de l’emploi.

(ici, projection du film mardigital, qui dure quelques dizaines de secondes)

Vous voyez qu’au-delà de nouveaux chantiers et de nouveaux domaines d’intervention, c’est bien une nouvelle manière de penser et mettre en œuvre les politiques de l’emploi et du travail qui se dessine dans notre démarche. Et je compte sur vous pour nous aider à la développer, car j’ai la conviction que vous en serez, autant que nous, les inspirateurs, et que c’est précisément cela qui la rendra plus pertinente.

Je vous remercie.