Examen du projet de loi travail

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Commission,
Chère Catherine Lemorton
Monsieur le Rapporteur,
Cher Christophe Sirugue,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Le temps de l’hémicycle est venu. Ce moment, je l’aborde avec impatience, gravité et espoir.

Car je n’en sous-estime ni l’exigence ni l’ampleur des enjeux qu’il sous-tend.

Prendre part à ce temps parlementaire est d’abord un honneur. N’y voyez aucune amabilité d’usage. Mes premiers pas dans la vie publique ont été ceux d’une élue locale : c’est pourquoi, devant les membres de la représentation nationale, je veux dire humblement ce que signifient à mes yeux la force de l’élection, la légitimité du suffrage, la souveraineté du peuple.
L’impatience que j’éprouve rejoint une impérieuse nécessité : celle de se recentrer sur le contenu même de ce projet de loi.

Parler du texte, enfin. Parler du texte, sans nier le contexte. Qui d’ailleurs pourrait l’occulter ? Je suis une femme de gauche : la rue, j’y ai suffisamment manifesté pour en entendre et en accepter aujourd’hui l’écho. En matière de dialogue social, ce projet de loi nous fait entrer dans une nouvelle ère, c’est vrai. Et, nous le savons, tout texte novateur est source de questionnements.
Je l’admets aussi : ce débat a sans doute été lesté de malentendus, d’erreurs même ; je le regrette et j’y prends toute ma part, sans le moindre état d’âme.
Mais tout de même… !
Au cours des derniers mois, tellement de choses imprécises ou proprement inexactes ont été dites au sujet de ce projet de loi. Tellement de caricatures et de mauvaise foi venant polluer un débat pourtant essentiel.
Pour certains, cette loi « ultralibérale » ne signerait rien d’autre qu’un « retour au 19ème siècle ». Pourquoi ne pas dire carrément que, derrière les dispositions concernant les apprentis, c’était le travail des enfants que nous voulions réintroduire ?!
Non, mais franchement !
D’autres, qui se sont réveillés plus tardivement, ont vu dans l’élargissement du mandatement syndical un relent de soviétisme…
Combien de temps encore faudra-t-il s’accommoder de ces jeux de rôles convenus ? Faut-il se résigner devant les conservatismes ?
Le temps du Parlement, Mesdames et Messieurs les Députés, est au contraire celui de l’exigence.
Alors oui, sans nier le contexte, je suis impatiente de revenir au texte, à ses principes fondamentaux et à ses termes exacts.
Grâce à une concertation exigeante - les partenaires sociaux savent le temps que j’ai consacré à ce dialogue depuis ma prise de fonction -,
Grâce au travail remarquable des membres de la Commission des Affaires sociales, de la Commission des Affaires économiques, de la Commission des Affaires européennes, de la Délégation aux droits des femmes,
Nous pouvons être fiers de ce texte.

Un mot encore. La vie politique peut être faite d’impopularité. En la matière, je peux faire valoir une certaine expérience. C’est la vie… Mais ceci s’efface devant l’esprit de responsabilité et la fidélité aux convictions.
J’ai écouté, discuté, réfléchi, mais je crois être restée la même. Mes convictions, je ne les trahis pas. Je crois que l’administration de la chose publique a besoin de constance, de rigueur, de discipline même. La loyauté et l’esprit de droiture m’ont été inculqués par ceux qui m’ont amenée à la politique. Sans les citer, je veux qu’ils sachent, en particulier aujourd’hui, ce que je leur dois.
Ce projet de loi, personne ne nous l’a imposé. Le Président de la République l’a voulu, comme le produit d’une analyse sans concession de notre monde du travail et de sa législation. Ce projet de loi, je le porte avec énergie et conviction car je le crois juste et nécessaire. Et c’est cette conviction profonde, que je veux partager avec vous.

"Ce projet de loi, je le porte avec énergie et… by MinistereTravailEmploi

***

Si je nourris l’ambition de vous convaincre, c’est parce que ce projet de loi repose sur 3 piliers, aussi solides que solidaires :

  • Celui d’un dialogue social qui doit être le moteur de notre transformation ;
  • Celui d’une dynamique économique créatrice d’activité et d’emploi ;
  • Celui d’un modèle social renouvelé, qui dote nos concitoyens de protections adaptées à notre siècle.
    Mais avant de revenir en détail sur ces 3 piliers, je voudrais tout de même partager avec vous quelques convictions, nées du diagnostic lucide que nous devons porter.
***

J’ai 38 ans. J’appartiens à cette génération qui n’a connu les Trente glorieuses qu’à travers les livres d’histoire et d’économie. Cette génération qui s’est construite dans un autre environnement, celui de la crise, du chômage de masse, de la montée des inégalités.
Au ministère du travail, comme mes prédécesseurs, je mesure les conséquences sociales de la dureté du chômage. Beaucoup de nos concitoyens sont prisonniers d’une précarité durable, enchaînant petits boulots, CDD, intérim, chômage. Pour ceux-là, et notamment les plus fragiles – les femmes, les jeunes, les seniors, les personnes sans qualification – le CDI et l’emploi stable sont devenus un horizon quasi inaccessible.
L’hyper flexibilité est là, sous nos yeux : 90 % - j’ai bien dit 90% - des recrutements se font à durée déterminée et la moitié – j’ai bien dit la moitié - de ces contrats ont une durée inférieure à une semaine. C’est cela la réalité !
Face à une telle situation, l’unité nationale devrait aller de soi. Je me réjouis d’ailleurs qu’avec Clotilde Valter, Secrétaire d’Etat à la formation professionnelle et à l’apprentissage, nous soyons parvenus à déployer un plan de formation inédit en partenariat avec la quasi-totalité des Régions, par-delà les clivages. Nous le devons absolument aux millions de nos concitoyens qui sont privés d’emplois.
Car, ne l’oublions pas : derrière l’aridité des statistiques il y a autant de femmes, d’hommes, de familles, condamnés à l’angoisse, à la frustration, parfois même à l’humiliation.
On fait souvent le procès aux responsables politiques d’être coupés des réalités. Pour ma part, je m’insurge et revendique avec la plus grande force ma proximité avec cette génération qui subit les obstacles et tente de les franchir sans se décourager.
Il faut donc être capable de cerner le réel. En regardant la France, et le monde, en face.
Car nous connaissons aujourd’hui des mutations profondes, rapides, de plus en plus rapides même. L’économie de service emporte tout, la numérisation des tâches se généralise, l’ubérisation des professions et le travail détaché se répandent, tout cela dans un monde ouvert et concurrentiel.
A la lumière de cette réalité, notre droit du travail ne remplit plus suffisamment son rôle, tant les contournements sont nombreux.
Notre pays est souvent décrit comme une « société de défiance ». 4 Français sur 5 disent ne pas faire confiance aux autres. Tous sont persuadés que l’égoïsme gouverne les relations sociales, que la vie commune est un jeu à somme nulle, où personne ne peut gagner qu’au détriment d’autrui.
Dans ces conditions, la confiance n’est plus seulement une vertu, c’est une forme de défi commun. Je crois, plus que jamais, à la force du dialogue et de l’écoute comme socle d’une confiance retrouvée et d’une possible réconciliation.
Le décréter, fût-ce à la tribune de votre Assemblée, n’y suffira pas, me direz-vous. Alors construisons-le ensemble, en posant des actes. Ce projet de loi en est un.

***

Le premier pilier de ce texte est tout simplement de faire du dialogue social le moteur de la transformation de notre économie et de notre société.

Partout s’exprime une volonté de participer à la construction des décisions collectives. Tous les pouvoirs institutionnels se heurtent à cette légitime revendication. Ce dialogue social de proximité est essentiel. Alors approfondissons la décentralisation de notre démocratie sociale.
Car, faut-il le rappeler, c’est bien la gauche qui avait engagé cette révolution culturelle. Une gauche qui, d’abord grâce aux lois Auroux, ne renonçait pas à son ambition de changer la vie en accordant sa confiance aux acteurs de terrain et à leur intelligence collective. Jean Auroux parlait alors - je le cite - de « textes ouvrant, par la négociation et le contrat, des dynamismes et des souplesses qui répondront aussi bien à des contraintes économiques ou technologiques qu’à des aspirations sociales nouvelles et diverses ».
C’est précisément dans ce sillon à la fois politique et culturel que nous inscrivons aujourd’hui notre action, avec fierté et détermination.

Cette culture du dialogue social, le Président de la République en a fait le marqueur de son action depuis le début du quinquennat. Ainsi des lois portées par mes prédécesseurs, Michel Sapin et François Rebsamen, qui visaient à donner toujours plus de place aux représentants des salariés.

Le projet de loi que je porte devant vous prolonge et amplifie cette philosophie. Car notre démocratie sociale s’enlise aujourd’hui dans une culture de l’affrontement, aussi anachronique qu’inefficace. Je n’ai pas peur de le dire ! Les conservateurs de tout bord s’indignent toujours du « trop » ou du « trop peu » mais s’entendent toujours, in fine, pour ne rien faire.
Mais regardons autour de nous !! Inspirons-nous de la démocratie sociale à l’œuvre chez nos voisins européens, lorsque celle-ci fonctionne ! Le temps est venu, c’est notre conviction, de franchir un pas inédit vers une culture de la négociation, de poser ainsi un acte de confiance en direction du terrain pour trouver les meilleurs compromis. Les salariés et leurs représentants ne sont-ils pas les mieux placés pour discuter directement de l’organisation de leur temps de travail, c’est-à-dire de leur quotidien ?

Ce dialogue social de proximité passe par une plus grande légitimité donnée aux partenaires sociaux : c’est pourquoi ce texte, pour la première fois, généralise les accords majoritaires. N’est-ce pas le garde-fou le plus sûr pour les salariés et leurs représentants ? N’est-ce pas aussi l’exigence de voir les accords reposer désormais sur des consensus plus larges ?

Cette place donnée aux accords d’entreprise, dans le prolongement des lois précédentes, ne modifie en rien ce que l’on appelle la « hiérarchie des normes ». Du sommet, avec la Constitution et la loi, au terrain de l’entreprise, aucune hiérarchie n’est inversée avec ce texte. Je le dis avec force en ce jour anniversaire du Front populaire. Au contraire, ce texte détermine des règles d’ordre public auquel aucun accord ne peut déroger ! Et dans les cas où il n’y a pas d’accord, c’est bien la loi qui continue de déterminer les règles supplétives qui s’appliquent ! Alors, où sont les risques ?

Alors, oui, nous assumons de donner aux syndicats une place et un rôle qu’ils n’ont jamais eus dans notre République sociale… Nos opposants les délégitiment, en dénonçant le faible taux de syndicalisation dans notre pays ou la défiance qui frappe aussi les partenaires sociaux.

D’abord, je ne confonds pas l’audience des syndicats avec le nombre de leurs adhérents.

Et, oui, c’est vrai, la crise démocratique frappe toutes nos institutions, tous les pouvoirs, tous les acteurs. Aux partenaires sociaux de se montrer à la hauteur de ce nouveau rôle, de savoir aussi lorsque c’est nécessaire se remettre en question, comme ont à le faire tous les acteurs de la démocratie. Beaucoup, parmi les syndicats réformistes, le démontrent déjà et je tiens à saluer leur esprit de responsabilité.

Alors, on nous opposera - ultime argument - que cette responsabilité donnée aux syndicats est une mise en danger des salariés de ce pays et de leur représentants, jetés dans la « gueule du loup patronal » et contraints à négocier le pistolet sur la tempe, là où le rapport de force leur est le plus défavorable …
Mais alors à quoi justement sert l’accord majoritaire si ce n’est à garantir cette réelle protection ?!
Qui peut sincèrement croire que des syndicalistes signeront demain des accords néfastes pour les salariés qu’ils représentent ?
Aujourd’hui, même sans ce « verrou démocratique » du vote majoritaire, 36.000 accords – c’est considérable - sont signés chaque année dans les entreprises. Qui les signe, si ce n’est nos grands syndicats représentatifs, CGT en tête ?
Je m’étonne toujours, quoique sans naïveté, de voir le décalage entre certaines postures nationales et l’esprit de responsabilité manifesté localement.
Dans notre pays où 95% des salariés sont couverts par des conventions collectives – un record ! -, oui, un coup d’accélérateur peut être donné aux accords d’entreprise pour construire demain de nouveaux progrès sociaux.

Mais, en effet, le dialogue social doit reposer sur un équilibre des rapports de force : c’est pourquoi cette loi augmente considérablement les moyens des représentants syndicaux, leur présence dans l’entreprise par le biais du mandatement et améliore les conditions du dialogue social à l’échelle de la branche comme de l’entreprise.
Oui nous assumons que pour renouveler le dialogue social, revigorer la démocratie sociale, il faut des partenaires sociaux légitimes et forts. Les partenaires sociaux pourraient-ils assumer de ne pas accepter le pouvoir qui leur sera donné demain ? Le dialogue efficace n’est pas une succession de monologues. Le dialogue efficace nécessite de changer certains codes. Et il y a urgence.
Mais, parce que nous croyons à la force du dialogue social, nous le disons haut et fort : nous aimons les syndicats ET l’entreprise !


"Le dialogue social doit reposer sur un… by MinistereTravailEmploi

***

Car, de ses entreprises, notre pays a besoin. D’entreprises fortes, modernes, conquérantes. En la matière, nos atouts sont solides. Pour renforcer leurs chances, oui, nous devons leur donner plus de souplesses et plus de visibilité. C’est la condition pour les aider à développer leur activité mais aussi leur capacité d’embauche. Et c’est bien la 2ème ambition de ce projet de loi.
Oui, nous voulons qu’elles bénéficient de nouvelles marges de manœuvre en matière d’organisation du temps de travail pour s’adapter aux mutations économiques, pour investir de nouveaux marchés et faire face aux pics d’activité, comme aux périodes creuses.
Oui, nous voulons, avec Emmanuel Macron, le Ministre de l’Economie, permettre aux entreprises de mieux anticiper les conditions de rupture des contrats de travail. Il ne s’agit de pas déréglementer le « marché du travail », comme l’ont fait certains de nos voisins. Il ne s’agit sûrement pas non plus de faciliter les licenciements économiques. Qui pourrait le croire ?
Pour la première fois, au contraire, il s’agit de les encadrer. Pour la première fois, la loi précise dans quelle situation et dans quelles conditions un licenciement économique peut s’appliquer.
Cela offre de la clarté et de la visibilité aux entreprises, c’est essentiel. Mais cela offre aussi de meilleures garanties à leurs salariés, qui subissent aujourd’hui les recours abusifs aux licenciements pour motif personnels ou aux ruptures conventionnelles. Et la loi introduit un garde-fou essentiel en insistant sur le rôle du juge afin d’empêcher les artifices comptables pour procéder à des licenciements indus.

Alors, oui, nous assumons de dire que cette mesure est bonne ET pour les entreprises ET pour les salariés !

Ce même objectif de clarté et d’anticipation a inspiré toutes les mesures destinées aux TPE et aux PME. Car c’est un fait : les très petites et moyennes entreprises sont au cœur de ce projet de loi. Nos TPE-PME constituent le principal gisement d’emplois de notre pays.
Le lancement de l’aide « embauche PME », il y a quatre mois, atteste de notre engagement à leurs côtés, et le succès de ce dispositif, avec 250 000 demandes à ce jour, confirme la dynamique de reprise qui saisit notre économie.
Aujourd’hui, nous voulons ajouter à ces efforts conjoncturels, les mesures structurelles qui faciliteront leur développement. Je veux à nouveau souligner ici la qualité du travail mené par les Commissions des Affaires sociales et des Affaires économiques, qui ont sensiblement renforcé l’ambition de ce texte en faveur des TPE-PME.
Ainsi, ce texte prévoit la création d’un grand service d’aide aux TPE-PME à travers des cellules d’appui, déployées sur tout le territoire pour répondre aux questions concrètes que se pose un chef d’entreprise en matière de droit du travail et de conventions collectives.

Elle a aussi créé des seuils spécifiques pour les TPE-PME en matière de licenciement économique. Car, bien entendu, les difficultés économiques ne peuvent pas s’entendre de la même façon pour une petite entreprise ou pour un groupe mondial.

Nous donnons aux branches la capacité de conclure des « accords types » qui seront directement déclinables dans les entreprises de moins de 50 salariés, car la négociation et les souplesses ne doivent sûrement pas rester le monopole des grands groupes.

Je veux d’ailleurs souligner que nous allons rendre les branches plus efficaces en les rationalisant – on en compte aujourd’hui 700 chez nous contre 150 en Allemagne – et, surtout, leur donner un rôle pour se prémunir du risque de dumping entre entreprises d’un même secteur. Et ceci sera inscrit dans le Code du travail ! C’est sans précédent ! Pourquoi le taire ?

Si nous n’avons pas une conception naïve du dialogue social, nous pensons que, pour concevoir une réforme juste et équilibrée, nous devons d’abord nous départir d’une vision manichéenne du monde de l’entreprise.

Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez mieux que quiconque, dans vos circonscriptions : le monde de l’entreprise n’est pas la caricature que certains s’obstinent à en faire. Les pressions, les tensions existent : mais elles ne résument pas à elles seules la société du travail.

Le métier, le savoir-faire, la place que l’on occupe dans le monde professionnel, les relations sociales que l’on y tisse, le statut et la reconnaissance que l’on en tire, tout ceci fait partie intégrante d’une construction individuelle qui doit conduire à la réalisation de chacun. Ceci n’est pas théorique. Je me souviens de mes rencontres avec ces ouvriers fondeurs des Ardennes, avec les salariés de cette entreprise de cuir des Pyrénées Atlantiques, de cette entreprise de l’économie sociale et solidaire des Bouches-du-Rhône, ou encore de cette entreprise industrielle de pointe d’Aquitaine et de tant d’autres encore. Tous nous faisaient partager leur fierté, leur enthousiasme, leur goût du travail bien fait, leur volonté d’avancer ensemble.
Les entreprises sont le socle de notre prospérité collective, le moteur de l’innovation et le pilier de notre souveraineté économique dans un monde ouvert. Et sans leurs salariés, rien de cela ne serait possible.
De la start-up lancée par trois amis, à la multinationale aux milliers de salariés, en passant par le petit commerce ou le réseau des artisans et le vivier de nos PME-ETI : l’entreprise, c’est surtout, loin des débats, une communauté de travail, une communauté humaine. Cette vision positive du travail, il est de notre responsabilité de la faire prospérer collectivement dans le prolongement de notre histoire sociale.
Les plus fragiles, les plus précaires, ceux qui multiplient des CDD de plus en plus courts, des intérims et des périodes de chômage, attendent de nous qu’en aidant nos entreprises nous leur donnions accès à l’emploi durable, au CDI. Ce texte ne poursuit pas d’autre objectif en donnant à nos acteurs économiques des marges de manœuvre supplémentaires, sans jamais confondre souplesse et blanc-seing.

Si nous faisons évoluer notre droit pour renforcer les entreprises, dans le même mouvement, nous redéfinissons en profondeur les protections et les libertés des actifs. Car oui, n’en déplaise à certains, je veux le dire haut et fort à cette tribune, ce projet de loi est porteur de progrès social ! Ce projet de loi protègera mieux les travailleurs ! Il donnera des chances nouvelles à ceux qui en ont le plus besoin !


"La Loi Travail est porteuse de progrès social… by MinistereTravailEmploi

Pourquoi taire la création d’un droit universel à la formation, qui facilitera demain les transitions professionnelles de tous les actifs ? Pourquoi taire la généralisation de la Garantie jeune, qui a permis d’aider tant de jeunes en situation de précarité ? Pourquoi ne pas revendiquer, avec fierté et enthousiasme, l’avancée sociale majeure qu’est le Compte personnel d’activité ?

Ce Compte personnel d’activité est la clef de voûte d’un nouveau modèle social, plus universel et plus individualisé dans le monde du travail. Avec ce dispositif, nous rattachons les droits à la personne et non plus au statut, nous créons l’instrument d’une liberté protectrice pour tous les actifs.

Car le Compte personnel d’activité, c’est d’abord une protection universelle : ce dispositif regroupera le compte personnel de formation, le compte prévention pénibilité et le compte engagement citoyen. Il permettra à chacun, quel que soit son statut - salarié, à la recherche d’un emploi, artisan, commerçant ou entrepreneur - d’accumuler et de conserver des droits tout au long de sa vie et de les utiliser en fonction de ses besoins.

Le Compte personnel d’activité c’est aussi l’instrument d’une liberté professionnelle renouvelée, notamment pour ceux qui en ont le plus besoin : les salariés non diplômés ou exposés à des travaux difficiles, les jeunes qu’on appelle « décrocheurs » ou en situation de précarité, mais aussi les entrepreneurs, les indépendants, les créateurs d’entreprises, les demandeurs d’emploi. L’objectif est d’aider chacun de nos concitoyens à construire un parcours professionnel en phase avec ses aspirations.

Nous avons beaucoup à gagner, individuellement et collectivement, à passer d’un système de « protection passive » à une logique de « sécurité active ». Déjà, le Gouvernement a profondément fait évoluer notre modèle social pour que les principes de solidarité posés en 1945, gardent toute leur vigueur dans un monde nouveau.

Je veux d’ailleurs saluer ici Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales, qui a porté depuis 2012 cette modernisation d’envergure, avec la protection universelle maladie et la Prime d’activité notamment.

Oui ce projet de loi permettra le progrès social, au-delà du CPA, à travers de nombreux autres droits ! Ainsi, demain, chaque entreprise sera dans l’obligation d’appliquer un « droit à la déconnexion » pour préserver l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle à l’heure du numérique. Demain, la France disposera du droit le plus strict en matière de lutte contre la fraude au travail détaché. Demain, les saisonniers, que l’on oublie trop souvent, mais aussi les collaborateurs de plateformes numériques, bénéficieront enfin d’un statut et de droits dignes de ce nom. Avec ce texte, c’est bien simple, plus aucun contrat, plus aucune relation de travail, ne sera dépourvu de garanties et de sécurité.

Mesdames et Messieurs les Députés, je vous le demande avec gravité : sommes-nous prêts à renoncer à l’ensemble de ces avancées ? Sommes-nous prêts à passer à côté d’une réforme qui posera les bases d’une « sécurité sociale professionnelle » attendue depuis plus de 30 ans ? Aujourd’hui, il ne tient qu’à nous, avec ce texte, de passer à la pratique et de créer la protection sociale de ce siècle. Ne manquons pas ce rendez-vous et soyons à la hauteur des enjeux !

***

Mesdames et Messieurs les députés, le Premier Ministre, le gouvernement ont pris leurs responsabilités. En initiant ce texte. En veillant, par le dialogue, par la recherche du compromis, à en assurer l’enrichissement. En ne déviant jamais de la philosophie qui en est la signature.
Les syndicats réformistes qui ont choisi de s’inscrire dans la logique de concertation, eux-aussi, ont pris leurs responsabilités.
Parce que je sais que vous prendrez les vôtres, je vous demande de soutenir ce projet de loi.
Toutes les organisations sociales, toute l’histoire humaine sont faites d’adaptations.
Mais s’adapter, ce n’est pas se soumettre.
Notre ambition consiste à concilier, en permanence, progrès social et progrès économique. A combiner libertés et protections, non pas pour qu’elles annulent leurs effets respectifs, mais pour qu’elles s’en nourrissent mutuellement. Cette alchimie, c’est sans doute l’une des conditions de la démocratie. Dessiner un cercle vertueux où l’autonomie de chacun est mise au service de la cohésion de l’ensemble.
D’ailleurs, comment penser un seul instant, que cette loi que j’ai l’honneur de porter, puisse être autre-chose qu’une loi de progrès ?
Je souhaite le bien de mon pays, je souhaite que cette loi fasse du bien à mon pays.
Car, plus que jamais, je crois en mon pays ; je crois en la volonté des Français d’explorer de nouvelles formes de démocratie ; je crois en la capacité des organisations syndicales à assumer davantage de responsabilités ; je crois au talent et à la créativité de nos entrepreneurs ; je crois, surtout, que le moment est venu de moderniser les règles qui organisent notre vie collective.


"Je crois surtout que le moment est venu de… by MinistereTravailEmploi

C’est le sens de ce texte. Bien sûr, nous aurions pu renoncer et choisir le confort de l’inertie, la popularité du silence. Réformer n’est jamais simple. Renoncer est plus confortable. Mais mieux vaut être jugée sur une audace que sur une posture.
Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de le rappeler, un quinquennat, cela dure cinq ans : les réformes indispensables à la France se déploieront jusqu’à son terme. Ce n’est pas seulement un engagement, c’est une courageuse nécessité. Oui, le gouvernement a pris ses responsabilités.
Au moment de conclure, permettez-moi de convoquer les mots de celui qui demeure à mes yeux une si belle référence. Pour Pierre Mendès-France « Parler le langage de la vérité, c’est le propre des véritables optimistes et je suis optimiste, moi qui pense que ce pays accepte la vérité ».
Alors, fidèle à cet esprit, Mesdames et Messieurs les députés, ouverte à un débat loyal et éclairant, je vous soumets en toute bonne foi ce texte qui, je l’espère, suscitera votre adhésion.

Je vous remercie.

***