Discours de Myriam El Khomri lors du déplacement à Rungis

Monsieur le Ministre des Finances et des Comptes publics, Cher Michel
Monsieur le Préfet de Région, cher Jean-François Carenco Monsieur le Préfet, cher Thierry Leleu,
Monsieur le Député, cher Jean-Jacques Bridey,
Madame la Déléguée nationale contre la fraude, chère Jeanne-Marie Prost,
Monsieur le Président de la Fédération française du bâtiment, cher Jacques Chanut,
Monsieur le Président de la Fédération nationale des travaux publics, cher Bruno Cavagne,
Monsieur le Président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, cher Patrick Liebus
Monsieur le Président de la Fédération des Sociétés Coopératives et Participatives du Bâtiment et des Travaux, cher Jacques Petey,

Notre présence à tous ici témoigne de notre mobilisation et de notre volonté de lutter contre le travail illégal et les fraudes au détachement. Ce combat collectif est pour moi un double engagement.

D’abord, un engagement pour défendre notre modèle social en réaffirmant les règles qui garantissent la protection des salariés. Contourner ces règles, c’est mettre en péril la protection des travailleurs et nier leurs droits.

Ensuite, un engagement pour lutter contre la concurrence déloyale faite à nos entreprises. Il faut le dire clairement : la fraude au détachement est une concurrence sociale inacceptable au détriment des entreprises qui, elles, respectent les règles.

Les conséquences sociales et économiques sont immenses : des risques pour les travailleurs, des pertes d’opportunités économiques pour les entreprises, un poids pour les finances publiques et une critique de plus en plus forte du projet européen. Voilà les raisons qui expliquent notre détermination.

Aujourd’hui est un jour très important dans la lutte que nous menons, collectivement, contre le travail illégal et les fraudes au détachement.

D’abord, nous allons signer dans quelques instants une convention en faveur de la lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Cette convention prévoit des engagements forts de chaque partie signataire.

Du côté des organisations professionnelles, vous vous engagez à des actions de sensibilisation, d’information et de vigilance. Mais aussi et c’est essentiel : la convention encourage les organisations professionnelles à se constituer partie civile dans les procédures engagées en matière de travail illégal.

De son côté, l’Etat réitère son engagement de mener une lutte sans merci contre le travail illégal et les fraudes au détachement. Je m’engage à ce que les contrôles soient particulièrement renforcés durant les week-ends et le soir.

C’est un jour très important, parce qu’aujourd’hui même, le Premier ministre et moi-même rencontrons la Commissaire européenne à l’emploi, Mme Thyssen. Nous évoquerons la manière dont nous devons agir au niveau européen pour lutter contre les fraudes au détachement.

Comme vous le savez, la France avait été fer de lance en 2014 du combat pour faire adopter la directive d’exécution sur le détachement. Je sais le rôle majeur que tu as joué, cher Michel, dans cette adoption.

Aujourd’hui, la France milite très activement pour que la directive sur le détachement de 1996 soit révisée. La France souhaite que la liberté de circulation des travailleurs et la liberté de prestation de services soient préservées, ce sont des acquis très importants de la construction européenne. Ce qui pose problème, ce sont les fraudes et les abus que nous constatons aujourd’hui. C’est pourquoi le Gouvernement français demande, outre l’inscription dans la directive du principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail », que la directive limite expressément la durée du détachement dans le temps.

Nous voulons aussi interdire les détachements en cascade de salariés intérimaires : ces montages complexes visent à diluer les responsabilités dans une chaîne de sous-traitance aux méandres multiples ; ils ne sont tout simplement pas acceptables.

Et puis, pour lutter contre les entreprises « boîtes aux lettres », il faut s’assurer de la réalité du lien contractuel entre le salarié qui est détaché et son employeur. C’est pourquoi nous souhaitons que la directive précise que le salarié doit, avant d’être détaché, avoir travaillé pendant au moins trois mois pour son employeur.

Ne perdons pas de vue que la mobilité entre les Etats-membres est un facteur de créations de richesses, dont nous profitons d’ailleurs : la France est, je le rappelle, le troisième pays d’envoi de travailleurs détachés. Ce qu’il faut, en revanche, c’est renforcer les moyens de faire respecter nos règles communes, au niveau européen comme au sein des Etats

Sur le plan national, le gouvernement a fait preuve de la plus grande détermination.

Je vous annonce d’ailleurs que le décret sur la carte d’identification professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics a été publié ce matin même.

Désormais, avec ce décret, tout salarié présent sur un chantier du BTP devra être en mesure de présenter sa carte. Cette carte permettra de faciliter les contrôles. En flashant la carte, l’agent de contrôle aura accès à une base de données contenant des informations sur le salarié qui permettront de vérifier la régularité de sa situation et celle de son employeur.

En outre, le gouvernement a considérablement renforcé les obligations qui pèsent sur les employeurs de salariés détachés. Tout employeur établi à l’étranger et qui souhaite détacher des salariés en France doit désormais faire une déclaration de détachement. S’il manque à ses obligations, il se voit appliquer une amende administrative qui peut aller jusqu’à 500 000 euros.

Des mesures fortes ont été prises pour responsabiliser les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre : nous avons instauré une responsabilité sociale et solidaire des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre vis-à-vis de toute la chaîne de sous-traitance dans tous les secteurs d’activité. Nous sommes allés bien au-delà de ce qu’imposait la directive de 2014 sur le détachement.

Et puis, le Gouvernement a massivement renforcé les outils à la disposition des corps de contrôle. En cas de manquement grave aux règles essentielles du droit du travail, le DIRECCTE peut désormais prononcer la suspension de la prestation de service internationale.

Les premiers résultats sont là et ils démontrent que ces mesures sont efficaces. Nous sommes passés d’environ 600 interventions de contrôle par mois en juin 2015 à plus de 1300 en moyenne interventions par mois depuis septembre. Au second semestre 2015, ce sont 139 amendes qui ont été notifiées pour non présentation d’une déclaration de détachement pour un montant cumulé de 675 700 euros. Notons à cet égard que les entreprises du BTP représentent deux tiers des amendes prononcées, ce qui démontre un taux particulièrement élevé de fraude dans ce secteur.

Mais évidemment, l’arme la plus dissuasive, c’est l’arrêt de la prestation. Dans la période récente, ce sont 15 fermetures préfectorales qui ont été initiées ou prises, sur proposition des DIRECCTE. Quant à la mesure de suspension de la prestation de service internationale, elle a été utilisée pour la première fois en Corse au début du mois.

Et à côté de cette montée en puissance des sanctions administratives, l’action pénale se poursuit également avec plus de 600 PV depuis juillet. Je souhaite saluer ici l’action de l’ensemble des services de contrôle, et en particulier des agents de mon ministère.

Vous le voyez, beaucoup a été fait. Mais nous ne comptons pas nous arrêter là.

Les contrôles seront encore amplifiés, notamment le soir et le week-end. Nous ne devons pas donner de répit aux fraudeurs.
Je souhaite en outre parachever notre arsenal législatif. Le projet de loi que je porte contiendra une nouvelle série de mesures en matière de lutte contre la fraude au détachement, inspirée des préconisations du Conseil économique, social et environnemental dont j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de saluer la qualité des travaux.

Je veux étendre l’obligation de vigilance des maîtres d’ouvrage.

Je veux que l’employeur qui détache des salariés participe via un droit de timbre aux coûts administratifs liés au détachement.

Je veux aussi étendre la possibilité pour le DIRECCTE de suspendre la prestation de service internationale aux cas où l’employeur n’a pas fait de déclaration de détachement.

Enfin, je veux renforcer les outils à la disposition des agents de contrôle, à travers la présence possible d’un interprète pendant les contrôles, ou l’accès par l’ensemble des agents de contrôle à toutes les données issues des déclarations de détachement.

Mesdames et messieurs,

Dans quelques semaines, en mars, se tiendra le comité interministériel de lutte contre le travail illégal, présidé par le Premier ministre. Il sera l’occasion de faire un bilan des actions de contrôle mais surtout, de renforcer la coordination de tous les acteurs mobilisés.

Notre présence aujourd’hui anticipe ce moment clé. Je tiens à remercier chacun d’entre vous pour votre détermination à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour renforcer les moyens mis en œuvre.

Je vous remercie.