Discours de Myriam El Khomri - Appel national des entreprises en faveur de la sécurité routière au travail

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le ministre, je vous remercie,

Je tiens pour commencer à saluer le sens de l’engagement des chefs d’entreprise qui, en signant cet appel, œuvrent pour faire progresser la prévention du risque routier professionnel en entreprises. Je salue cet engagement car il s’agit d’un sujet grave et parce que la prévention est bien le meilleur moyen de s’y attaquer.

Je le rappelle, les accidents routiers professionnels constituent une des 3 premières causes d’accidents du travail mortels.

Comme en atteste le bilan 2015 de la sécurité routière en France, 483 personnes ont été tuées lors d’un déplacement lié au travail. Pour être tout à fait précise, 359 personnes ont été tuées lors d’un trajet domicile-travail - soit 10 % de la mortalité routière - et 124 personnes, lors d’un trajet réalisé dans l’exercice d’une mission professionnelle, soit 4 % de la mortalité routière.

Par ailleurs, en 2012, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés a chiffré, à 74 000 le nombre d’accidents routiers au travail. Accidents qui ont entraîné 5 millions de journées d’interruption de travail et 7 000 nouvelles incapacités permanentes.

Ces chiffres le confirment : il est urgent de mieux prendre en compte le risque routier professionnel dans l’évaluation des risques au travail. Chacun doit prendre conscience de la gravité de la situation et chacun doit agir le plus en amont possible pour trouver des solutions et éviter qu’un accident arrive.

Cette logique de prévention est au cœur du troisième plan santé au travail 2016-2020 élaboré par le ministère du travail avec l’ensemble des partenaires sociaux. Et le risque routier professionnel est identifié comme un des risques à traiter prioritairement.

Pour beaucoup notre réussite dépendra de votre engagement.

La première action du plan santé au travail spécifique au risque routier professionnel vise en effet précisément à sensibiliser et former les chefs d’entreprise à l’évaluation de ce risque et à sa prise en compte dans le « document unique d’évaluation des risques ».

A ce jour, le « document unique d’évaluation des risques » n’est probablement pas suffisamment exploité par les entreprises pour traiter le risque routier.

La dernière campagne d’évaluation menée par l’inspection du travail montrait que seules 50 % des entreprises contrôlées incluaient le risque routier dans leur document unique. Nous souhaitons notamment accompagner les TPE et les PME dans la mise en œuvre de cette démarche.

Au-delà, il me semble indispensable de développer des actions de branche, dans les secteurs volontaires, afin de promouvoir une culture de prévention sur le risque routier professionnel, de cibler les métiers et les populations concernées, puis de rendre cette prévention opérationnelle en construisant des messages et des plans de prévention adaptés.

Un autre point me semble essentiel : mettre en place une prévention ciblée sur ce qu’on appelle les « distracteurs de conduite ».

Pour ne citer qu’une étude parmi d’autres, l’université de Strasbourg a évalué en 2011, qu’avec ou sans kit mains libres, les personnes qui téléphonent en conduisant enregistrent 30 % d’informations en moins. Très concrètement, à 130 km/h, la distance de décélération lorsque survient un événement se trouve allongée en moyenne de 100 mètres par rapport à la situation sans conversation, et de 70 mètres par rapport à la situation de conversation avec un passager.

D’ores et déjà, nous avons pris des mesures en interdisant notamment depuis le 1er juillet 2015 le port de l’oreillette au volant.

En complément – parce que l’interdiction ne suffit jamais et qu’il faut que chacun agisse à son échelle - le troisième plan santé au travail envisage de mener des actions de branche, en particulier dans le secteur des transports, pour prévenir les effets de la communication au volant.

Une réflexion doit notamment être menée afin de permettre aux employeurs de communiquer avec leurs salariés lorsque ceux-ci sont sur la route sans entrainer de risque pour leur sécurité.

Vous l’avez compris notre objectif est bien de mieux analyser les déterminants du risque routier professionnel pour agir en prévention.

Il ne s’agit pas néanmoins d’agir de manière cloisonnée. Le risque routier survient en effet d’autant plus facilement que d’autres risques ne sont pas correctement pris en compte par l’entreprise, comme la mauvaise organisation du travail ou encore les questions des pratiques addictives. Ce sujet sensible renvoie à la nécessité d’explorer la démarche de qualité de vie au travail.

Pour conclure, je rappelle que si le ministère du travail est fortement mobilisé sur le sujet, il n’est pas le seul acteur à œuvrer en faveur de la sécurité routière puisque le salarié est aussi un citoyen. Le ministère de l’intérieur et le ministère du travail agissent ensemble pour réduire le nombre d’accidents et les coûts associés. Ce n’est qu’en agissant de la sorte que des évolutions notables seront réalisées.

Je suis heureuse d’avoir participé à cet évènement et de voir les engagements que vous avez pris en espérant qu’ils trouveront, très rapidement, un large écho auprès de vos pairs. En effet, si l’État souhaite impulser une politique de prévention des risques, celle-ci restera lettre morte si les entreprises n’ont pas la volonté de la mettre en œuvre. Les entreprises signataires, de par leurs efforts, prouvent qu’elles sont des acteurs essentiels, incontournables de la politique de sécurité routière que souhaite développer le gouvernement.

De nouveau je vous remercie pour cet engagement et vous invite à porter cette problématique avec conviction et détermination.