Discours de François Rebsamen sur la mobilisation pour l’emploi

Le pacte de responsabilité et de solidarité dit bien ce qu’il veut dire : c’est le moment pour nous tous, là où nous sommes, dans les fonctions que nous occupons, de jouer à fond notre rôle et de prendre nos responsabilités.

C’est pour cela que je vais vous donner des instructions claires, des objectifs chiffrés, des financements.

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les préfets,
Mesdames et messieurs les directeurs et directrices, en particulier les Direcctes et les directeurs régionaux de Pôle emploi auxquels j’adresse un salut particulier, vous le comprendrez

1. Introduction

Le message que nous venons d’entendre est clair : l’heure est à l’offensive.

Mieux que quiconque, là où vous êtes, vous mesurez ce que nous demandent les Français : faire reculer le chômage et en juguler les conséquences désastreuses pour notre pays.

Mesdames et messieurs, je veux le dire ici solennellement, quand nous parlons de chiffres, nous parlons en fait d’hommes et de femmes qui sont tous les jours dans vos agences, pour lesquels vous œuvrez dans vos préfectures et vos directions ; d’hommes et de femmes fragilisés, parfois désespérés, et auxquels il nous incombe, ensemble de redonner espoir, confiance, et dignité par le travail.

Le pacte de responsabilité et de solidarité dit bien ce qu’il veut dire : c’est le moment pour nous tous, là où nous sommes, dans les fonctions que nous occupons, de jouer à fond notre rôle et de prendre nos responsabilités.

C’est pour cela que je vais vous donner des instructions claires, des objectifs chiffrés, des financements.

Cela aussi, c’est l’esprit du pacte de responsabilité.

2. Une action essentielle

Alors où en sommes-nous ? Sur la bonne trajectoire !

Nous percevons des signaux encore fragiles mais intéressants :

  • au 4e trimestre 2013, l’emploi salarié marchand est reparti à la hausse : +15 100 postes. C’est la première fois depuis le 1er trimestre 2012 qu’il y a une création nette d’emplois dans le seul secteur marchand.
  • Quant au taux de chômage, il a baissé de 0,1 point au 4e trimestre 2013, même si les chiffres mensuels sont parfois moins positifs.
  • Enfin, les chiffres dévoilés vendredi sont encourageants, notamment pour les jeunes, après une année de baisse les concernant (-2,6%).

C’est la preuve que la bataille pour l’emploi, le redressement productif, le rétablissement des comptes publics ne sont pas des coups d’épée dans l’eau.

Et pourtant, il reste tant à faire.

3. Méthode

Alors je vous propose d’abord une méthode.

Nous avons mobilisé fortement les partenaires sociaux nationaux : contrat de génération, sécurisation de l’emploi, qualité de vie au travail, formation professionnelle cela fait 4 beaux accords nationaux interprofessionnels conclus en l’espace d’un an. Ils sont porteurs de réformes d’ampleur. Nous voulons désormais que le dialogue social prenne davantage corps dans les branches, les filières et les territoires, c’est-à-dire au plus près de vous, à un niveau opérationnel.

Nous allons accélérer le processus de négociation dans les branches pour la mise en oeuvre du Pacte. Je réunirai les partenaires sociaux et les Régions la semaine prochaine, le 5 mai. Nous préciserons la méthode à cette occasion.
Ces négociations porteront sur l’ensemble des thématiques ouvertes depuis deux ans : l’emploi des jeunes et des seniors en lien avec le contrat de génération, l’alternance, le développement des compétences par la formation professionnelle, les nouveaux droits des salariés (compte personnel de formation, temps partiel, complémentaire santé). Il y a de très beaux accords à trouver, des accords pour l’emploi de tous.

C’est dans ce cadre que prendront corps les contreparties du pacte, branche par branche, négociation par négociation. Nous les suivrons scrupuleusement. D’ici la grande conférence sociale de début juillet, puis jusqu’à la fin de l’année, nous établirons une cartographie de leur avancée et nous interviendrons lorsqu’il y aura des blocages.

Que ce soit par la branche, la filière ou la dimension sectorielle, nous entrons dans le cœur du réacteur, là où les choses se mettent concrètement en place, là où les négociateurs sont aussi ceux qui ont les leviers, là où nos politiques trouveront un second souffle.

Je prends un exemple : c’est parce que nous sommes passés par plusieurs branches et par la filière que le contrat de génération a bien fonctionné dans l’agroalimentaire.

L’autre niveau de l’action, c’est le territoire, ainsi que l’a dit le Premier ministre. En l’occurrence, vous êtes en première ligne.

Quel est le rôle de l’Etat ? Rassembler tous les acteurs, les emmener avec vous, leur faire partager un diagnostic, une stratégie, un agenda, des priorités, une politique territoriale d’accompagnement des mutations économiques, etc. Chaque bassin d’emploi est différent, mais tous doivent bénéficier de la même impulsion, pour construire des solutions innovantes, dans lesquelles les acteurs se reconnaissent. C’est là qu’est votre travail, le coeur de votre métier. Vous êtes la clé de voûte de l’action collective.

Alors prenez les choses en main, soyez innovants, vous avez tous les dispositifs en main et vous avez des hommes et des femmes à soutenir, des jeunes à ramener vers l’emploi, des seniors à maintenir en poste

Appropriez vous ces dispositifs et donner leur l’impulsion nécessaire !

Je veux insister aussi tout particulièrement sur les TPE / PME bien souvent seules face à l’emploi, au recrutement, à la formalisation des besoins, à la formation. Il faut les accompagner et les aider à résoudre leurs difficultés. Elles forment un gisement d’emplois considérable, vous le savez.

Mais la vocation des entreprises n’est pas d’accueillir nos dispositifs à bras ouverts. Il faut être lucide. Ce qui compte, ce sont les carnets de commande et l’activité économique. C’est là que votre rôle est décisif : tisser des liens, créer des réseaux entre entreprises d’un même territoire, structurer des actions collectives, comme le fait par exemple la plateforme de mutation économique de l’Allier qui aide les TPE / PME à anticiper les mutations économiques, à s’y adapter et donc, au final, à sécuriser les parcours des salariés comme cela a été mis en oeuvre en Franche Comté.

Nous devons rechercher, traquer, exploiter, la moindre possibilité de création d’emploi, ou d’alternative à sa destruction. Le ministre de l’économie vous parlera peut-être de FagorBrandt et de l’action décisive qui a été la sienne. Il le sait, c’est notamment en mobilisant le chômage partiel à hauteur de 6 millions que mes services ont contribué à ce qu’une issue favorable soit trouvée.
Voilà votre mission. Une mission impérative, une mission noble, une mission passionnante.
Nous avons confiance en vous et vous pouvez avoir confiance en moi, je suis, je serai à l’écoute de vos propositions d’actions en faveur de l’emploi et de toutes les innovations que vous pourrez porter lors de nos échanges et rencontres.

4. Pilotage précis

J’en viens à une approche plus précise de chacun des sujets emploi.

a. Porter les mesures pour l’emploi

Nous le savons, quand la crise est là, elle frappe sélectivement et rejette aux marges de l’emploi les plus vulnérables. C’est à eux que s’adresse la politique de l’emploi.

Mon message est clair : en aucun cas, il n’y aura un signal de freinage sur nos dispositifs. Il n’est pas question de désarmer tant que le chômage sera à un niveau élevé.

 Le déploiement des CAE (secteur non marchand) reste en retard, plus de 15 000 contrats manquent par rapport à la cible. Il faut rattraper ce retard et garder une dynamique qualitative et quantitative comparable à celle du 2ème semestre 2013.
 L’utilisation des CIE (marchand) est en revanche en avance, nous allons les renforcer et nous les ciblerons vers les seniors et les chômeurs de très longue durée.

Je compte vous adresser, au plus tard le 1er juin, la circulaire de programmation pour le 2ème semestre 2014.

Les emplois d’avenir sont un réel succès, il faut poursuivre leur déploiement. La cible est de 40 000 emplois d’avenir hors renouvellements pour le premier semestre. Mieux que quiconque, vous savez ce que l’emploi d’avenir représente pour les jeunes concernés.

Ne relâchons pas l’effort, particulièrement pour l’objectif de 25% de recrutements de jeunes de ZUS, le Premier ministre l’a dit. Or les prescriptions de mars s’établissent à 18%. La cible est atteignable. Pour y arriver, veillez à ce que les jeunes de ZUS soient positionnés de façon privilégiée sur les offres de proximité. Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous valoriserons les initiatives qui permettent de casser les discriminations liées au patronyme et au lieu de résidence. Je pense par exemple à l’action de Pôle emploi en PACA autour des « club jeunes » pour accompagner dans l’emploi ces jeunes issus de quartiers sensibles.

Au-delà de ces nécessaires mesures individuelles que sont les emplois aidés, nous devons agir sur le collectif de travail avec le contrat de génération. Si le contrat de génération fonctionne dans les petites entreprises, trop n’ont pas encore le réflexe du fait d’une information insuffisante. Il va vous falloir convaincre, faire connaître, communiquer, notamment sur les modifications récentes qui permettent l’accès direct à l’aide pour les entreprises entre 50 et 300 salariés. Le contrat de génération est un excellent outil pour anticiper la reprise économique et anticiper les départs à la retraite, il faut le faire savoir. L’entreprise conserve, en effet, l’aide pendant 3 ans même si le senior part à la retraite au bout de 6 mois.

Profitez des réunions que vous tiendrez avec les entreprises sur le pacte de responsabilité pour leur en parler : ajouter 4000 euros d’aides aux allègements du pacte, c’est une occasion unique d’embaucher des jeunes en CDI !

b. Les contours de la politique de l’emploi et de formation

Mais la politique de l’emploi ne saurait se limiter à ces importants dispositifs. La loi du 5 mars dernier relative à la formation professionnelle et à la démocratie sociale valide une répartition des responsabilités qui donne à chacun un champ d’intervention précis dans les territoires : l’Etat pilote les politiques de l’emploi, les Régions les politiques régionales d’information et d’orientation professionnelles et, avec les partenaires sociaux, de formation tout au long de la vie.

Cette clarification s’accompagne d’une simplification de la gouvernance territoriale sur les questions d’emploi, de formation, d’orientation. Soyez actifs dans le co-pilotage avec la Région, jouez un rôle d’impulsion et un rôle de facilitateur dans les discussions entre la région et les partenaires sociaux !

Vous êtes en ce moment même en train de préfigurer cette nouvelle gouvernance avec le plan 100 000 formations prioritaires pour l’emploi. Il produit des résultats intéressants, dans la continuité du plan 30 000.

Je souhaite que vous vous appuyiez sur cette gouvernance Etat-Région-Partenaires sociaux pour assurer la réussite de ce plan 100 000 mais aussi pour relancer l’alternance. Ce sera une de nos priorités des prochaines semaines, pour réussir la rentrée de l’apprentissage. L’objectif de 500 000 alternants d’ici 2017 est maintenu, je le dis avec force. Les chiffres actuels ne sont pas bons mais nous sommes dans les campagnes de recrutement pour la rentrée. C’est donc maintenant que ça se joue.

L’alternance est une voie d’excellence pour l’accès à la qualification et l’insertion durable des jeunes : près de 70% des apprentis trouvent un emploi durable à l’issue de leur formation. La réforme votée en début d’année renforcera progressivement les moyens de l’apprentissage, crée la possibilité de conclure des CDI en apprentissage, renforce l’accompagnement des jeunes.

Des initiatives existent pour développer l’alternance. Il faut que partout chacun se mobilise pour qu’à la rentrée tous les jeunes admis en CFA trouvent un employeur, c’est notre objectif partagé, vous le mettrez en oeuvre avec vos partenaires régionaux et locaux. Une campagne d’information va être lancée en ce sens.

J’en parlerai avec les régions qui seront présentes la semaine prochaine à la réunion de mobilisation que je tiendrai avec elles et les partenaires sociaux.

Je vous invite pour ce qui vous concerne à tenir des rencontres régionales Etat / Régions / partenaires sociaux au début du mois de juin, pour assurer un développement maximal des formations pour les demandeurs d’emploi et de l’apprentissage pour la rentrée.

c. Les nouveaux horizons de l’emploi : les liens avec l’éducation et l’économie

Formation et accès à l’emploi ne peuvent qu’être pensés ensemble.

Il nous faudra ainsi réussir l’installation du service public régional de l’orientation, actuellement expérimenté dans 8 régions, qui sera généralisé au 1er janvier 2015. Nous travaillons étroitement avec Benoît Hamon sur le sujet.

Dans la même veine, nous mettrons en place le conseil en évolution professionnelle. Il incarne l’ambition d’un accompagnement gratuit à l’évolution professionnelle, pour l’ensemble des actifs.
Le monde a changé. L’emploi à vie s’est effacé. Alors soit nous laissons les individus dans l’angoisse face aux changements, soit nous organisons les transitions pour en faire des opportunités.

Il nous faudra dépasser les frontières entre emploi et économie. Sans développement de l’activité et sans croissance, il n’y a pas d’emploi. Mais sans les compétences pour répondre aux besoins, il y a moins de croissance, des métiers restent non pourvus, la productivité s’érode, etc. Avec Arnaud Montebourg, nous agissons pour soutenir les entreprises et structurer des filières. C’est aussi votre sujet : faire ce lien au quotidien sur les territoires.

  • C’est le cas quand nous accompagnons des entreprises ou des salariés fragilisés. Prenons Mory-Ducros, l’une des plus grosses faillites de ces dernières années, parce que nous étions dans le tissu économique, avec les acteurs, nous avons inventé une bourse aux emplois du secteur avec priorité pour les salariés licenciés, ainsi que des dispositifs d’accompagnement spécifiques, innovants et renforcés.
  • C’est encore le cas quand nous soutenons des projets de développement économique en pensant l’évolution des compétences dans une filière ou sur un territoire par le biais d’une plateforme d’adaptation aux mutations économiques. Je pense par exemple à celle du Tricastin et à son tissu d’entreprise autour de l’économie de l’atome. Ou à celle de la ligne à grande vitesse vers Bordeaux, un chantier éphémère mais qui mobilise plus de 500 sous-traitants.

A la confluence de ces missions, il y a Pôle emploi.

Son rôle est important et difficile. Les efforts sont là. Je veux les saluer. Ils représentent deux années de travail par les équipes, sans ménager leur peine, et cela se traduit notamment dans les derniers résultats du baromètre de satisfaction.
Mais nous devons aller plus loin pour améliorer la qualité du service rendu aux demandeurs d’emploi et aux entreprises.
La négociation de la nouvelle convention tripartite Etat / Unedic /Pôle emploi qui entrera en vigueur début 2015 nous permettra de passer ce cap. L’offre de services, devra être encore plus personnalisée , en concentrant les efforts sur ceux qui en ont le plus besoin, je pense aux seniors, elle devra être modernisée , autour des nouveaux usages du numérique et prendre mieux en compte toutes les difficultés sociales, autour de l’accompagnement global qui connaît de premières expérimentations.

Pour conclure, un mot.

Vous avez le cap, vous avez la ligne, vous avez les instruments et les partenaires.

Nous comptons sur vous, pour qu’ensemble nous gagnions cette bataille pour l’emploi.