Discours de François Rebsamen - Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail - 30 juin 2014

Monsieur le vice-président du Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail,

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de vous rencontrer et de présider pour la première fois le Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail.

Avant tout, je souhaite remercier Jean-Marc Boulanger pour son investissement dans cette instance comme président, ainsi que Christian Lenoir son secrétaire général.

Quand je suis arrivé dans ce ministère, mes premières paroles ont été sur le travail. J’ai dit une chose à laquelle je crois profondément : « le travail, c’est la dignité ». Ce n’est pas une parole en l’air. Le chômage est élevé, il requiert toute mon attention, évidemment. Et pourtant, je suis bien ministre du travail et pas seulement de l’emploi.

C’est en progressant sur le front du travail que nous parviendrons à créer des emplois. La qualité du travail, c’est la performance, l’efficacité et donc la compétitivité.

La France n’a pas choisi une stratégie de jobs au rabais, de mini-jobs. Car nous savons que c’est l’insécurité dans le travail qui produit de la précarité de l’emploi et finit toujours par produire du chômage. Poussé à l’extrême, c’est le détachement illégal de travailleurs étrangers, contre lequel nous venons d’ailleurs de remporter une victoire en renforçant l’arsenal juridique européen et national.

Le travail, c’est bien entendu le moyen de gagner sa vie, mais c’est davantage encore celui de la réussir. C’est la raison pour laquelle il faut le protéger et l’améliorer sans cesse.

Cette vision positive et ambitieuse du travail a toujours été présente dans les mesures mises en œuvre depuis 2 ans : emplois d’avenir, contrats de génération, loi sur la sécurisation de l’emploi, réforme de la formation professionnelle. Elle a été également portée par l’accord sur la qualité de vie au travail signé par les partenaires sociaux il y a un an.

La qualité du travail doit être au centre de notre action pour 3 raisons.

1. Si je suis convaincu qu’il est un moyen d’épanouissement, je n’oublie pas qu’il peut générer des souffrances, blessures, de l’usure, du mal-être. Des risques anciens existent et ne disparaissent pas (chutes de hauteur, risques chimiques, manutention, troubles musculo-squelettiques, etc.) et des risques nouveaux apparaissent ou se développent liés aux nouvelles technologies ou aux nouvelles organisations. Ces risques doivent être combattus et c’est notamment la responsabilité de l’Etat mais aussi celle des entreprises et des partenaires sociaux.

2. Ensuite, il faut tenir compte de l’allongement de la vie active – particulièrement dans un contexte où je viens de présenter un plan pour l’emploi des seniors. Travailler plus longtemps et plus vieux, cela veut dire que l’amélioration des conditions de travail devient un sujet encore plus décisif. Le compte de prévention de la pénibilité s’inscrit dans cette logique. Il fait encore peur à beaucoup d’entreprises et il nous faudra d’une part expliquer et d’autre part travailler à ce que son fonctionnement soit le plus simple pour les entreprises, ce qui est en soi un défi. En tant que membres du COCT, vous devrez donner votre avis sur les projets de décrets dans quelques jours. Toutes les améliorations sont encore possibles. Mais prévenir la pénibilité, c’est avant tout aménager les conditions de travail, faciliter les mobilités, faire en sorte qu’un même individu ne reste durant une vie entière de travail sur une tâche pénible.

Enfin, comme je le disais en préambule, le travail doit être au centre parce que la qualité du travail, c’est l’engagement dans son métier et son entreprise. Le travail évolue sans cesse, devient plus complexe, plus éclaté, davantage tourné vers des objectifs et des résultats. Il exige de l’autonomie et de la réactivité mais aussi de la créativité et de l’innovation. Les organisations qui sont les plus performantes socialement le sont aussi sur un plan économique. Sans nier les risques psycho-sociaux – ils existent – il faut dépasser une vision uniquement pessimiste du travail, et se poser les bonnes questions en terme de management, d’autonomie laissée, etc, dans les grandes comme dans les petites entreprises. Si le travail rend parfois malade, s’il peut blesser ou user, il est d’abord ce qui maintient en bonne santé, le corps comme l’esprit. Oui, le travail est un facteur de santé. Il faut avoir cette approche positive. C’est une approche économique, mais c’est aussi la clé de la santé publique. C’est aussi pour cela que nous traiterons dans une même table ronde santé au travail et santé publique, lors de la Grande conférence sociale des 7 et 8 juillet.

Alors, quels axes de progrès ?

1. Une meilleure gouvernance de la santé au travail

Je tiens à saluer les propositions du groupe de travail « gouvernance » pour améliorer le pilotage et la coordination des acteurs de la prévention des risques.

Face à l’enjeu des conditions de travail et de la santé au travail, je veux que nous nous dotions d’une stratégie nationale de santé au travail – qui est à construire et suivre avec les partenaires sociaux et la sécurité sociale.

Il y a là un choix fort. Clemenceau disait que la guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier aux militaires. On pourrait dire ici que la santé est une affaire trop précieuse pour en faire le champ des seuls experts et des médecins, aussi indispensables soient-ils. La bonne santé, c’est la qualité de vie au travail, et pour améliorer la qualité de vie au travail, nul besoin d’être médecin. C’est l’affaire de tous, du patron au salarié en passant par leurs représentants.

Ainsi, il faut rebâtir le COCT, en tous les cas le faire évoluer vers un positionnement plus stratégique, pour être en position d’aider le ministre que je suis.

Ce que nous recherchons, c’est une nouvelle dynamique. Vous l’avez proposée dans vos travaux.

Au niveau national autant qu’au niveau régional avec un nouveau rôle pour les Comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP) et une implication plus forte des partenaires sociaux via la transformation des Observatoires régionaux de la santé au travail en COPAREST.

En somme, c’est l’ensemble du système de santé au travail que nous voulons renforcer, qui rompt avec les actions certes utiles, mais trop dispersées de tous les acteurs. Dans ce système doit entrer
 l’action des partenaires sociaux,
 une meilleure coordination entre le projet régional de santé et le plan sur la santé au travail (PRST),
 une articulation nouvelle entre les actions des différents organismes régionaux de prévention,
 un travail avec les CHSCT,
 et, au niveau national, un COCT conforté comme lieu de définition de la politique nationale de santé au travail.

Je vous annonce donc que le décret de 2008 sur le COCT sera réécrit par la DGT d’ici la fin de l’année sur la base des conclusions du groupe de travail et en lien étroit avec les participants.

2. La préparation du troisième plan santé au travail

Maintenant que l’on y voit plus clair sur la gouvernance, le travail sur le 3e PST peut débuter.

Le but de cette réunion est de le lancer officiellement.

Après le 1er plan santé au travail de 2006, le PST 2 a fixé des objectifs ambitieux. Il a associé de manière plus étroite l’ensemble des intervenants dans le champ de la santé au travail. Ce sont de bons acquis.

La construction du troisième PST nous donne l’occasion de nous réinterroger.
 Sur les objectifs que nous poursuivons : ne passons-nous pas à coté de risques importants ? Visons-nous les bonnes priorités, les bons secteurs, les bonnes catégories d’entreprise ? comment faire pour que la qualité de vie au travail ne reste pas un vœu pieux ?
 Comment articuler santé au travail, santé publique et santé environnementale ?
 Notre dispositif de veille et de recherche est-il satisfaisant ? Comment pouvons-nous mieux anticiper les risques du travail ? Comment améliorer notre connaissance et mieux articuler les actions des organismes de recherche et de prévention ?
 Comment renforcer l’efficacité des démarches de prévention des risques dans les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs ? Ne faut-il pas se doter d’un dispositif d’évaluation ?

Ces questions sont ouvertes. Sur d’autres points, mon sentiment est fait. Il nous faut :
 Un PST recentré autour de priorités fortes,
 Un pilotage renforcé,
 Des indicateurs mieux conçus,
 Une capacité supérieure de réactivité.

Je vous demande de conduire un travail de réflexion collective et de fournir vos premières propositions d’orientations pour novembre prochain.

Le COCT doit prendre en main ce chantier. La prévention de la pénibilité, le maintien dans l’emploi doivent figurer au rang des priorités du prochain PST. Et il y a beaucoup à faire, par une action concertée entre nous et sans aucun doute en nous appuyant sur les experts pour promouvoir et diffuser la qualité du travail dans les entreprises, grandes et petites. La qualité de vie au travail doit être traitée dans chaque entreprise en fonction des stratégies et situations propres à chacune d’entre elles. Pour les plus petites, il faudra passer par la branche et par les organismes de prévention pour redonner du sens au travail et en faire un véritable facteur de santé.

Un dernier point de méthode. En présentant ces grands chantiers sur le travail, j’ai défini l’objet des discussions que nous aurons lors de la Grande conférence sociale et la priorité donnée à la santé des salariés.

Compte tenu de l’importance de ces questions, je souhaite que nous avancions ensemble.

La parole est à vous.