Conclusion des entretiens France-BIT

Discours de François REBSAMEN

Monsieur le Directeur général de l’Organisation Internationale du Travail,
cher Guy Ryder,
Monsieur le Ministre, cher Gilles de Robien,
Monsieur le Commissaire général,
Monsieur le Délégué gouvernemental, cher Claude Jeannerot, qui venez d’être nommé représentant du gouvernement français auprès du BIT,
Mesdames, messieurs,

Je tiens tout d’abord à vous remercier de m’avoir proposé de conclure ces entretiens France-BIT, consacrés aujourd’hui aux nouveaux modes de production au niveau mondial. Je me réjouis que ces échanges, interrompus depuis 2008, puissent reprendre en ce début d’année. Vous le savez, la France entretient une relation particulière avec le BIT, et cette journée d’étude est aussi l’occasion de le rappeler.
Je tiens également à remercier le professeur Alain Supiot, qui a permis qu’elle se tienne dans le haut-lieu de la transmission et de la recherche qu’est le Collège de France.

Ces entretiens sont une occasion précieuse.
Ils le sont parce qu’ils renforcent les liens entre le monde académique, les administrations, les organisations syndicales, les employeurs et la société civile. L’expérience de terrain et l’activité de recherche trouvent, dans vos débats, une complémentarité essentielle.
Mais ils le sont aussi parce qu’ils permettent, et c’est là le plus important, d’affiner notre compréhension de phénomènes complexes.

Les chaînes mondiales de valeur sont au cœur de vos travaux de cette année. L’enjeu est le suivant : mieux comprendre les mutations qu’entraîne la mondialisation, tant au niveau de l’emploi et des conditions de travail, qu’au niveau de la responsabilité des différents acteurs dans l’application des normes sociales.

C’est un fait : les entreprises, notamment les multinationales, jouent un rôle croissant en la matière. A côté des Etats, elles sont devenues des acteurs incontournables de la régulation du travail. Je ne peux donc qu’approuver votre choix de faire porter la réflexion sur la responsabilité sociale des entreprises et sur les chaînes mondiales de valeur.

La compréhension constitue la prémisse indispensable de l’action.
C’est pour cette raison qu’elle est précieuse aux yeux de ceux qui, comme moi et comme beaucoup d’autres dans cette salle, ont la responsabilité d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques publiques.
Et c’est aussi pour cette raison que je tiens à saluer la création du département de la recherche du BIT, qui contribue de façon essentielle à faire du BIT une institution de référence pour l’expertise, au même titre que le FMI, l’OCDE ou la Banque mondiale.
Je me réjouis de ce dynamisme car le BIT apparaît comme l’institution la mieux placée pour proposer une autre vision, et orienter la gouvernance mondiale vers d’autres enjeux.
Cela tient à son statut de plus ancienne institution onusienne, à la qualité de son activité normative, mais peut-être avant tout à son organisation tripartite, qui permet d’associer à tous ses travaux les représentants des employeurs et ceux des travailleurs.

Penser la mondialisation du travail revient, au moins en partie, à penser l’envers de l’économie.
L’envers, ou encore ses conséquences sur les travailleurs du monde entier et sur les institutions.
Or, au cœur de l’activité normative et scientifique du BIT se trouve la notion de responsabilité sociale. C’est à mon sens une notion fondamentale, qui doit équilibrer les réflexions économiques développées par d’autres instances internationales.
Sur ces sujets, la France a des convictions fortes ; des convictions, qui, je crois pouvoir le dire, trouvent un écho particulier au sein du BIT.

Le propre de la mondialisation des échanges est de révolutionner, sans cesse et à une vitesse jamais atteinte, les rapports de production. C’est une évidence : les acteurs, les entreprises, les responsabilités évoluent.
Face à ces évolutions, il nous appartient d’œuvrer ensemble pour que la mondialisation ne soit pas un espace vide, régi par les seules lois du libre-échange. C’est un espace à remplir de valeurs. D’où l’importance centrale d’un travail normatif, associé à une compréhension aigue de ces évolutions.

Depuis le drame du Rana Plaza en 2013, un accord impliquant le BIT et 180 entreprises majoritairement européennes a été signé pour la sécurité des usines textiles au Bangladesh. Il couvre plus d’un million de travailleurs. Plus largement, le nombre croissant d’entreprises multinationales qui signent des accords-cadres mondiaux avec les représentants des salariés, sur des thèmes comme les droits syndicaux, la santé ou la sécurité, est le signe que les choses bougent.

Mais nous ne devons pas en rester là : il faut faire progresser les normes sociales dans les chaînes d’approvisionnement internationales. Et je veux croire en notre capacité d’avancer sur ce sujet majeur d’ici la Conférence internationale du travail de 2016, qui en a fait son thème central.

C’est à cette manière différente de penser le monde et la mondialisation que la France est sensible.
Et c’est pour renforcer l’implication du BIT dans la gouvernance mondiale que notre pays s’est engagé dans une démarche partenariale, il y a bientôt seize ans de cela.

Depuis 1999, quatre accords de coopération ont été conclus. Ils ont permis la mise en œuvre de programmes dans différents pays de l’Afrique francophone et dans certains pays de l’Union pour la Méditerranée, autour de trois thématiques : la dimension sociale de la mondialisation, les droits du travail et la protection sociale.

Cette année, la France renouvellera son partenariat avec le BIT autour de trois grands axes :
Elle maintiendra son appui aux programmes que je viens d’évoquer.
Elle renforcera et encouragera les partenariats en matière de recherche, domaine qui est devenu, comme le démontre la rencontre d’aujourd’hui, l’une des priorités du BIT ; et domaine où la France doit faire valoir l’excellence de ses chercheurs.
Enfin, la France soutiendra l’effort du BIT sur le thème de la responsabilité sociale des entreprises, qui apparaît comme l’un des enjeux majeurs inscrits à l’agenda international.

L’engagement du BIT et de la France est le même : lutter pour un travail décent, respectueux des hommes et des femmes qui l’accomplissent. C’est d’ailleurs pour cela que la France ratifie, et continuera de ratifier avec la même constance et la même détermination, les conventions produites par l’OIT.
Dans le contexte actuel, le BIT doit faire entendre sa voix.
Par ce nouvel accord, la France s’engage à ses côtés pour faire de la mondialisation une communauté de valeurs, de droits et de responsabilités.
Nous avons toutes les raisons d’espérer. Et c’est aussi cet espoir que je souhaitais partager avec vous.
Je vous remercie.