Colloque DARES : les marchés du Travail européen et américain dans la crise

Message de François REBSAMEN

Mesdames, messieurs.

Je tiens tout d’abord à m’excuser de ne pouvoir être présent parmi vous aujourd’hui. J’ai quand même voulu vous adresser quelques mots.

Je remercie Françoise Bouygard de se faire ma porte-parole et, au risque de la gêner – mais ce sont mes propos – je tiens à féliciter à travers elle la DARES pour la grande qualité de ses travaux, à la fois pertinents sur le temps long de la recherche et de l’analyse, et sur le temps court du politique. J’y associe bien sûr le CEPREMAP, mais aussi tous les chercheurs qui participent à la réussite de cette journée. Je veux que vous sachiez combien mon équipe, mes services, et moi-même, nous nourrissons quotidiennement des statistiques que vous produisez, des analyses que vous développez, au risque parfois, d’ailleurs, de beaucoup solliciter la DARES, j’en suis conscient ! En ces temps de contrainte forte sur les finances publiques et d’attentes immenses de nos concitoyens, l’évaluation de l’impact, du résultat, de nos politiques est plus déterminante que jamais. Et l’élu local que je suis est tout particulièrement attentif au résultat concret des mesures que nous mettons en œuvre, et de celles que nous projetons de mettre en place. C’est largement sur vos travaux que nous nous reposons pour former notre jugement, et de la qualité de nos relations dépend la qualité de nos choix.

Et ce colloque est la preuve de la qualité de ces relations entre le monde de la recherche et les administrations du travail, et j’en suis très heureux car ce type d’échanges est une vraie source de valeur pour nos politiques publiques.

Vous allez vous interroger sur les marchés du travail américain et européen dans la crise. Alors j’aimerais vous soumettre quatre interrogations .

Pour commencer, j’aurais voulu vous questionner sur la crise elle-même. Derrière le sens courant que l’on donne au mot « crise » (c’est à dire une dépression momentanée qui suppose un retour à la normale) n’y a-t-il pas aussi une mutation fondamentale de nos économies, de la manière dont le marché du travail fonctionne, de la manière dont les entreprises et les individus pensent l’emploi, vivent le travail ? Bien sûr la crise appelle des réponses, mais il ne faut pas que le concept de crise nous empêche de penser cette transition, et les nouveaux défis qui l’accompagnent.

Deuxième sujet : L’Europe. La croissance revient plus vite ailleurs que chez nous, aux États-Unis notamment, toutefois avec un marché de l’emploi qui change et un niveau élevé de chômage de longue durée. Le réglage économique que nous avons choisi en Europe crée-t-il les conditions pour le retour de la croissance ? Si je suis convaincu que les États membres doivent réduire leurs déficits, je crois aussi que l’Europe doit être le relais de l’investissement et de l’emploi. La commission Juncker s’engage sur 300 milliards d’investissements. Il est temps. C’est même tard. Et des points de croissance ont été perdus en route. Ça veut dire des chômeurs en plus.

Troisième sujet : Les opportunités futures des marchés du travail. Le numérique est une donnée majeure. Il créera des emplois, au moins autant qu’il en détruit. Mais il y aura un décalage certain dans le temps. Surtout, des métiers nouveaux vont apparaître et des modèles économiques différents sont à dégager dès à présent pour croître dans l’économie numérique. Nos entreprises l’ont-elles compris et seront-elles aptes à créer demain des millions d’emplois nouveaux à côté des tâches automatisées ?

Enfin une dernière interrogation : Flexibilité et sécurité. Je ne doute pas que ce sujet sera abordé.A mon sens ces deux mots ne doivent pas être opposés ! Mais plutôt réconciliés dans une équation intelligente basée sur un principe : les salariés et les emplois ne pourront être flexibles que si l’on trouve les moyens de garantir les parcours, la mobilité et les transitions. C’est l’esprit de la portabilité des droits, des comptes personnels sociaux que nous mettons en place, et des droits rechargeables que les partenaires sociaux ont négocié.

Voilà les interrogations que je voulais apporter à vos débats. Je ne doute pas que vous y apporterez des réponses éminemment pertinentes.

Je vous souhaite un très bon colloque.