Clôture du colloque de l’ANACT « Rendons le travail parlant ! » dans le cadre de la semaine de la qualité de vie au travail

Discours de François REBSAMEN


Seul le prononcé fait foi

Monsieur le directeur général de l’ANACT,
Mesdames et messieurs,

Nouveaux secteurs, nouvelles technologies, nouvelles techniques de management et de gestion des ressources humaines… En quelques décennies, l’organisation du travail dans notre pays a profondément changé.

La qualité de vie au travail est devenue un enjeu essentiel. La mettre au centre des relations de travail est la mission de l’ANACT. C’est aussi mon engagement et celui du gouvernement.

La qualité de vie au travail est évidemment un facteur de bien-être des salariés. Il faut penser la santé au travail non seulement en termes de prévention des risques, mais aussi en termes de qualité de vie au travail. C’est la meilleure façon de de faire du travail un lieu d’épanouissement.

L’insatisfaction au travail est un mal très national. Nos concitoyens sont très nombreux à trouver leur travail stressant. Ils attendent aussi de meilleures relations avec leurs employeurs ou leurs managers. Il y a donc là un vrai sujet de société.

Plus profondément encore, la qualité du travail doit être envisagée comme un levier pour sortir de la crise. Opposer la bataille de l’emploi et l’amélioration du travail, comme on peut parfois l’entendre, n’aurait aucun sens.

La possibilité de faire du « bon travail », de se sentir pris en compte et valorisé, c’est un levier puissant de motivation. En 1982, le ministre du travail Jean Auroux remettait un rapport au Président de la République sur les libertés des travailleurs dans l’entreprise. Il soulignait déjà que le développement des entreprises implique de mobiliser toutes les énergies. Il déplorait en même temps que la pression du court terme amène certaines entreprises à l’oublier. Ce paradoxe a encore du sens trente ans après. La réflexion mérite plus que jamais d’être renouvelée.

L’ANI de juin 2013 a été une étape essentielle. En liant étroitement amélioration des conditions de travail et performance globale des entreprises, les signataires ont ouvert la voie à un dépassement de l’opposition entre les droits sociaux et la logique économique.

Tirer tout le profit du collectif et donner du sens au travail devrait être un objectif stratégique pour toutes les entreprises. C’est un levier absolument essentiel de la création de valeur. Une fois ce principe posé, tout l’enjeu est de le mettre au cœur de l’organisation et du management au quotidien.

Pour cela, je crois qu’il est essentiel de créer de véritables espaces d’expression dans le travail, notamment sur la qualité de vie. Les exemples (de La Poste, de Vinci, de Malakoff-Mederic, de Renault) évoqués au cours de cette journée montrent la capacité fédératrice de ces expériences. En permettant le développement d’une confiance réciproque, l’expression des salariés permet au collectif de mieux fonctionner, en même temps qu’il donne du sens au travail.

Ce que montrent également ces expériences, c’est que ce serait un non-sens d’opposer les espaces d’expression pour les salariés au dialogue social « traditionnel » avec les IRP et les syndicats. Les deux, au contraire, se nourrissent mutuellement. L’expression des salariés a besoin d’être relayée par des institutions. Et en même temps, renforcer le lien des institutions « classiques » avec la parole directe, c’est aussi un moyen de renforcer leur légitimité.

Comme vous le savez, je défends en ce moment même un projet de loi dont l’objectif est de rénover profondément les relations et le dialogue social dans les entreprises.

La qualité de vie au travail sera mise au centre du dialogue dans l’entreprise.

Elle deviendra, l’un des trois grands sujets de négociation obligatoire. La négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail va donner toute sa portée à l’accord des partenaires sociaux de 2013. La qualité de vie au travail sera également abordée dans le cadre de l’information et de consultation du comité d’entreprise, à travers le prisme des conditions de travail. Une expertise spécifique sur les questions sociales, dont les conditions de travail, va être créée, pour aider les élus.

Le projet de loi renforce également les Comités Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT), qui sont le pivot de la politique de prévention et de la santé au travail. L’extension de la DUP au CHSCT permettra la prise en compte des questions de santé au travail et de conditions de travail dans un grand nombre d’entreprise où elles n’étaient pas abordées (je fais référence aux entreprises qui n’avaient pas mis en place de CHSCT).

Le droit sera reconnu à tout salarié d’une entreprise de plus de 50 salariés d’être couvert par un CHSCT. Et le fonctionnement de cette instance sera amélioré.
Le CHSCT et le comité d’entreprise joueront un rôle complémentaire. Preuve de cette nouvelle dimension, les informations données au CHSCT seront intégrées dans la base de données unique.

Les travaux à l’Assemblée ont enfin permis deux autres avancées. Tout d’abord, au sujet du « burn-out », que le code du travail prend enfin pleinement en compte. C’est une avancée politique et sociale majeure, qui allie la prévention –qui reste la meilleure réponse au burn-out- et réparation, sans pour autant inscrire le burn-out dans le tableau des maladies professionnelles, ce qui ne m’apparaît pas comme la bonne solution.

Ensuite, avec des améliorations en matière de médecine du travail, dans la lignée du rapport du député Michel Issindou. Les travaux à ce sujet ne sont pas achevés, mais devront prendre forme pendant la discussion parlementaire. Il nous faut trouver les moyens d’une médecine du travail plus efficace et d’un suivi médical plus satisfaisant des salariés.

L’année 2015, c’est aussi celle du troisième plan santé au travail, qui est en cours de finalisation avec les partenaires sociaux. Dans ce cadre, tous les efforts seront mis sur la prévention, qui doit occuper une place encore plus centrale.

Il n’y a pas de santé au travail sans une véritable prévention. Ce sera tout l’enjeu en matière de pénibilité : que la qualité et l’efficacité des démarches de prévention finissent par rendre sans objet la réparation. L’expérimentation menée par l’ANACT avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) pour aider les entreprises à agir sur les déterminants de l’usure professionnelle en est pour moi la meilleure preuve.

Pour relever tous ces défis, le rôle de l’ANACT est essentiel – je veux vous remercier ici du travail que vous accomplissez et va le demeurer.

Je ne doute pas que cette maison saura répondre à cet appel pour accompagner les entreprises et les partenaires sociaux au quotidien, mais aussi participer à l’invention du travail de demain. Cela doit être notre ambition à tous.

Je vous remercie.