Signature des ordonnances | Discours de Muriel Pénicaud

Vendredi 22 septembre 2017 à l’Élysée, Emmanuel Macron, Président de la république a signé les cinq ordonnances pour le renforcement du dialogue social. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, s’est exprimée pour présenter le contexte et les quatre grands axes de la réforme.

Discours de Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, 22 septembre 2017
Seul le prononcé fait foi

Le Président de la république vient de signer les cinq ordonnances conformément à la loi d’habilitation du 15 septembre 2017. C’est un moment clé. Au-delà de la transformation juridique, c’est l’état d’esprit des relations sociales, l’état d’esprit du code du travail et l’état d’esprit du marché du travail que nous pensons nécessaire de modifier.

La réforme sur le renforcement du dialogue social s’inscrit dans un contexte plus large, un contexte de transformation de notre modèle social destiné aussi bien à libérer les énergies des entreprises pour qu’elles investissent, pour qu’elles créent de l’emploi, mais aussi à protéger les salariés. Nous faisons le pari dans cette première loi fondatrice pour le modèle social que c’est par le dialogue social, par un renforcement de la discussion dans les entreprises et dans les branches, entre les entreprises, les salariés et leurs représentants, que nous ferons du progrès social et économique dans notre pays.

La loi pour le renforcement du dialogue social est la première pierre de l’édifice. Suivront les réformes sur l’assurance-chômage, la formation professionnelle, l’apprentissage, tous les sujets qui concerneront la sécurisation des parcours professionnels. Car le grand équilibre entre l’ensemble de ces réformes tient à ce mix d’agilité et cette capacité d’adaptation tant pour les salariés que pour les entreprises.

Dans cette première étape clé, nous avons choisi de nous appuyer à la fois sur le fort héritage social français tout en nous adaptant aux enjeux d’aujourd’hui et demain. La loi d’habilitation est issue d’un engagement porté pendant la campagne présidentielle, porté par le Président de la République et porté par les parlementaires. C’est aussi le résultat d’une démocratie sociale et politique : 300 heures de concertation avec les partenaires sociaux, 80 heures au Parlement. Nous avons trouvé des solutions plus pragmatiques, nous avons élargi les sujets. Nous avons enrichi les ordonnances grâce aux concertations. Et la concertation, c’est ce que nous souhaitons qu’il y ait dans les entreprises et dans les branches. Concrètement, plus de contenu de discussion, plus de dialogue social et plus de réconciliation de l’économique et du social.

Quatre axes clés structurent les cinq ordonnances qui ont été présentées :

  1. Le premier axe vise à apporter des solutions pragmatiques aux TPE et PME, notamment grâce à un dialogue social rénové, adapté à leur taille et un accès au droit simplifié. Notre objectif, leur permettre d’être plus agiles, de conquérir des marchés et d’embaucher. C’est essentiel car 55% des salariés travaillent dans des petites entreprises en France. Les perspectives d’embauche y sont les plus importantes.
  2. Le deuxième axe est la confiance apportée aux entreprises, aux salariés et à leurs représentants pour négocier davantage de sujets : si la loi encadrera et définira toujours les droits fondamentaux, nous souhaitons que chacun ait la capacité d’anticiper et de s’adapter de façon simple, rapide et sécurisée, par des accords d’entreprise et des accords de branche. Pourquoi ? Parce que dans un monde moderne, dans un monde qui bouge vite, croire que l’on peut tout décider par des textes à Paris serait nier l’intelligence collective. Oui, nous faisons le pari de l’intelligence collective. Oui, nous croyons que les chefs d’entreprise, les salariés et les organisations syndicales sont prêts à discuter ensemble de ce qui les concerne : l’agenda social qu’ils devront négocier ainsi que l’ensemble des sujets qui les concernent et qui permettent de rejoindre à la fois des enjeux de compétitivité mais aussi de justice et de sécurité.
  3. Le troisième axe instaure de nouveaux droits et de nouvelles protections pour les salariés. Par exemple, l’instauration d’un droit au télétravail. Il n’a pas été encore perçu dans toute sa mesure mais nous sommes un des premiers pays européens à aller aussi loin sur le sujet. Aujourd’hui, 6 français sur 10 aspirent à l’expérimenter dans leur vie professionnelle. Nous avons également augmenté les indemnités de licenciements qui n’avaient pas été augmenté depuis 2008.
  4. Le quatrième axe donne de nouvelles perspectives professionnelles pour les délégués syndicaux et les élus du personnel qui s’engagent dans le dialogue social. Il est essentiel car il permettra une meilleure application des trois premiers axes. Nous misons sur le dialogue social au plus près de terrain, dans l’entreprise, dans la branche, pour nous adapter aux réalités des secteurs, aux réalités de chaque entreprise. Pour qu’un dialogue social de qualité ait lieu, il faut que les acteurs soient présents et formés, qu’ils aient une perspective et qu’ils soient conscients de pouvoir jouer pleinement leur rôle. Aujourd’hui, ce n’est pas encore le cas, soit pour des raisons de discrimination, soit par manque de perspective et de confiance en leur propre avenir professionnel. La déclinaison opérationnelle de ce quatrième volet sera confiée à Jean-Dominique SIMONPOLI, directeur général de l’association Dialogues, et Gilles GATEAU, DGRH d’Air France.

Une partie importante des ordonnances, dès leur publication, seront immédiatement applicables. Par exemple, la négociation de l’agenda social dans les entreprises. Dès la semaine prochaine, des entreprises, des organisations syndicales pourront définir des sujets qu’ils veulent négocier en fonction des priorités des entreprises et des salariés.
Une vingtaine de décrets seront publiés d’ici le 31 décembre.

A partir du 31 décembre, l’ensemble de l’arsenal législatif et règlementaire sera prêt, disponible et en application. Évidemment, certaines mesures auront une application ultérieure mais prévue par les textes. Par exemple, la généralisation de l’accord majoritaire est avancée au 1er mai 2018 alors que des lois précédentes l’avaient prévu en septembre 2019. Nous donnons plus de grain à moudre. Il faut que les règles du jeu supposent, et c’est une exigence pour les deux parties, d’arriver à un accord majoritaire.

Nous suivrons la mise en œuvre de la loi et nous évaluerons les résultats. Pour cela :
  Nous allons demander à France Stratégie de coordonner les travaux d’experts indépendants, avec l’aide des services du Ministère du Travail (DARES, DGT, DEFP).
  Nous allons nommer trois personnalités qui pourront auditionner et mesurer la mise en œuvre des ordonnances : Marcel GRIGNARD, issu du monde syndical, Jean-François PILLIARD issu du monde patronal, et Sandrine CAZES économiste de renom à l’OCDE.

Cette double mobilisation de personnalités qualifiées, reconnues par les partenaires sociaux et par les experts nous permettra, à différentes étapes, de mesurer l’évolution de la mise en œuvre de la loi pour le renforcement du dialogue social.

Nous souhaitons que ces ordonnances permettent un véritable élan de négociations sociales, de convergences de l’économique et du social et de libération des énergies, pour améliorer l’emploi et le dialogue social dans notre pays.

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