Intervention de Myriam El Khomri, Conférence internationale du Travail à Genève, le 7 juin 2016

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les ministres du travail,
Mesdames et Messieurs les délégués,

  Permettez-moi tout d’abord de vous dire l’honneur de m’exprimer devant vous à l’occasion de ce temps fort pour la vie de l’Organisation internationale du Travail, et de poursuivre ainsi la tradition nouée par mes prédécesseurs.

  Je tiens aussi à saluer le travail et le rapport de grande qualité du directeur général et je souhaite aujourd’hui lui apporter le plein soutien de la France à sa candidature pour un second mandat.

  Face aux changements qui sont à l’œuvre, la réflexion que vous avez initiée sur l’avenir du travail est indispensable. Car la mondialisation nous expose à des défis nouveaux, qui ne doivent pas remettre en cause notre ambition de créer une prospérité partagée.

  La discussion sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, à l’ordre du jour de vos travaux, s’inscrit bien sûr pleinement dans ce cadre : plus que jamais, gouvernements et partenaires sociaux doivent réfléchir et agir ensemble pour que des conditions de travail décentes soient garanties à tous.

  Il aura malheureusement fallu le drame du Rana Plaza, toujours dans nos mémoires, pour éveiller les consciences du plus grand nombre.

  La sous-traitance non déclarée hors de tout contrôle, les conditions de santé et de sécurité ignorées, l’exploitation faite d’heures supplémentaires excessives, de travail forcé ou parfois même de travail des enfants sont autant de scandales que l’on retrouve malheureusement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

  Face à cette réalité, la France a depuis longtemps affirmé le principe de la responsabilité sociétale des entreprises. Et plusieurs initiatives ont été prises en ce sens par l’ensemble des parties prenantes.

  Une proposition de loi est d’ailleurs actuellement en 2e lecture au Sénat. Elle vise à l’établissement par les entreprises, au-delà de certains seuils, de plans de vigilance qui leur permettront d’identifier ou de prévenir certains risques en amont de tout dommage : atteintes aux droits de l’Homme, dommages corporels ou environnementaux graves, risques sanitaires ou encore corruption. Il s’agit pour les sociétés concernées d’une obligation de moyen.

  Mais dans une économie mondialisée, une action réellement ambitieuse et efficace ne peut s’appréhender que sur la scène internationale. L’heure n’est plus à la bonne volonté de quelques acteurs dispersés : les responsabilités doivent s’engager à l’échelle mondiale.

  Il est donc temps d’œuvrer à des solutions permettant tout à la fois de concilier des environnements nationaux encore hétérogènes avec les impératifs d’une croissance raisonnée et responsable. Si nous opposons progrès économique et progrès social, le résultat sera sans appel : tout le monde sera perdant.

  Par sa composition tripartite, son engagement en faveur de la dimension sociale de la mondialisation et sa capacité à se placer à la fois sur le terrain des normes et sur celui de l’action, l’OIT apparaît comme une enceinte particulièrement bien placée pour porter de telles solutions.

  C’est pourquoi, il me semble essentiel que nos discussions puissent déboucher sur : la définition précise de principes directeurs devant s’appliquer dans les chaînes de valeur en matière de rémunération, de temps de travail, de condition de travail, de dialogue social. C’est un préalable indispensable.

  Mais ce n’est évidemment pas un préalable suffisant : pour dépasser la pétition de principes, l’OIT devrait prévoir un cadre d’action, afin que soient mis en place dans les entreprises des processus de vigilance, leur permettant à la fois de prévenir et de gérer les risques.

  Car nos appels à promouvoir le travail décent ne doivent pas rester lettre morte. Ni la stabilité politique, ni la cohésion sociale ne peuvent se fonder sur le mépris de la dignité humaine. Et en retour, la performance économique de nos entreprises ne peut qu’en bénéficier car promotion du travail décent et compétitivité sont en réalité indissociables.

  Je mesure le chemin qu’il reste à parcourir pour y parvenir. Mais nous ne devons pas nous laisser décourager par l’ampleur de la tâche.

  Je reste donc confiante en la capacité de votre organisation à relever ce défi du travail décent dans les chaînes de valeur.

  Je suis persuadée qu’à l’aube de son 100e anniversaire, votre organisation saura être à la hauteur de ce défi.

Je vous remercie.