Discours de Myriam El Khomri sur la concertation pour l’emploi des jeunes

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Député, Président de l’UNML, Cher Jean-Patrick Gille,
Mesdames, messieurs, les représentants des organisations syndicales,
Mesdames, messieurs les représentants d’organisations de jeunesse,
Monsieur le Vice-Président du CESE, Cher Antoine Dulin,
Monsieur le Commissaire Général Adjoint de France Stratégie,
Madame la Présidente de la Commission Parcours du CNEFOP, chère Christiane Demontès,
Mesdames, messieurs,

I. Introduction : Le dialogue est le meilleur moyen d’avancer concrètement en faveur de l’emploi des jeunes

Dans son message à la jeunesse de 1955, Pierre Mendès-France disait : « Si notre République ne sait pas capter, canaliser, absorber les ambitions et les espoirs de la jeunesse, elle périclitera […] »

Cet avertissement et cet appel à un dialogue constant entre la jeunesse et la République n’ont pas une pris une ride.

Je le sais, c’est un exercice exigeant, parfois difficile, parfois insatisfaisant, mais c’est un exercice vital. Les défis auxquels les jeunes sont confrontés ne tolèrent pas de pause dans l’action.

Chacun le sait, nous vivons une époque d’inégalité générationnelle, qui conduit de plus en plus de jeunes à considérer qu’ils vivront moins bien que leurs parents. C’est une injustice et un danger collectif. Ce sentiment de déclassement générationnel est profondément nocif pour l’idéal émancipateur républicain. Il est donc de notre responsabilité de tout faire pour renverser cette tendance.

C’est dans cet état d’esprit que j’aborde cette première rencontre : je suis convaincue que le dialogue nous permettra d’avancer concrètement, comme cela a été le cas au printemps, lorsqu’après plusieurs jours d’échanges avec les organisations de jeunesse, le Gouvernement s’est engagé sur onze mesures pour aider les jeunes les moins aisés à accéder à un diplôme, à trouver un emploi et à améliorer leur accès au logement et à la santé. Déjà, des avancées sont là : nous avons créé cet été, grâce à la loi travail, l’aide à la recherche d’un premier emploi, qui permet à 126 000 jeunes diplômés, qui ne disposent d’aucune ressource financière, de bénéficier d’un soutien pour entrer dans le monde du travail. Ce dispositif a déjà bénéficié à 15 000 jeunes (dont 12 000 étudiants).

Oui, la jeunesse de 2016 souffre des obstacles qui se dressent sur sa route, souffre du chômage, de la multiplication des CDD et d’une trop faible reconnaissance de ses diplômes. Et cela d’autant plus qu’elle est créative, qu’elle est entreprenante et engagée. Mais non, nous ne sommes pas impuissants. Et non, nous n’avons pas rien fait et rien réalisé depuis 4 ans.

II. Bilan : La jeunesse est une priorité du gouvernement depuis le début du quinquennat

Emplois d’avenir : ces contrats ont permis à des jeunes sans qualification d’obtenir une première expérience professionnelle. Au 31 juillet 2016, plus de 120 000 jeunes bénéficiaient de ce dispositif.

Apprentissage : nous avons engagé une relance de l’apprentissage grâce à une clarification des circuits de financement et en permettant de passer des titres professionnels en apprentissage.

Service civique : nous avons généralisé le service civique, qui permettra dès 2016 à 110 000 jeunes de s’engager pour l’intérêt général.

Prime d’activité : nous avons créé la prime d’activité qui complète le salaire de tous les actifs aux revenus modestes. Près de 350 000 jeunes actifs, notamment des apprentis et des étudiants ayant un emploi, la perçoivent.

Stages & bourses : nous avons revalorisé et mieux encadré les stages, et également revalorisé les bourses étudiantes : près d’un demi-milliard d’euros a été débloqué depuis 2012 pour les bourses sur critères sociaux. Ces avancées concernent 1,2 million de jeunes

Missions locales : nous avons renforcé la coordination entre l’Education nationale et les Missions Locales pour proposer une solution à chaque jeune qui sort du système scolaire sans diplôme. Nous sommes également en train de réformer la gouvernance des missions locales pour qu’elles continuent d’être des structures efficaces d’accompagnement des jeunes en difficultés, vers l’autonomie et vers l’emploi.

Plan 500 000 : entre janvier et juin 2016, 334 000 demandeurs d’emploi sont entrés en formation, contre 207 000 entre janvier et juin 2015, soit une augmentation de 61 %, et un quart d’entre eux avaient moins de 25 ans.
Garantie Jeunes : c’était une expérimentation, avec la loi travail, c’est un droit pour tous les jeunes précaires. Et c’est une innovation car il ne s’agit pas seulement d’une allocation, mais aussi d’un accompagnement exigeant de retour vers l’emploi avec l’aide des missions locales.

En 2016, 100 000 jeunes auront été accompagnés : 150 000 jeunes supplémentaires suivis en 2017, soit 50 % de plus. A ce jour et depuis le début du dispositif, on décompte 73 000 entrées dans l’ensemble de la France. Et les premiers résultats du comité scientifique présidé par Jérôme Gautié montrent que cette aide est efficace et qu’elle touche bien le public qui en a le plus besoin.

Le décret portant sur l’extension de la Garantie Jeunes fera l’objet d’une large concertation avec les organisations syndicales et les organisations patronales, comme c’est l’usage, ainsi qu’avec le réseau des missions locales, mais également avec les organisations de jeunesse, si elles le souhaitent. Le décret prendra en compte les recommandations de la mission de simplification menée, à la demande du Premier Ministre, par Antoine Dulin.

Compte personnel d’activité : réforme structurelle et universelle, le CPA permettra demain à tous les jeunes, indépendamment de leurs statuts d’avoir plus de pouvoir pour construire leurs parcours professionnels. Un décret est en préparation pour que le compte personnel d’activité soit automatiquement abondé en heures de formation pour les jeunes décrocheurs, qui pourront apprendre un métier.

Résultats chômage : Vous avez en tête, comme moi, les chiffres difficiles de Pôle emploi annoncés hier.
Mais si on accepte de regarder au-delà de l’échelle mensuelle, il y a bien un mieux : lors du dernier trimestre, le chômage des jeunes a baissé, comme il avait baissé durant l’ensemble de l’année 2015.
Sur un an (août 2015-aout 2016), le nombre de jeunes inscrits à Pôle emploi a baissé de 19 000. Depuis la mi-2013 et notamment grâce à la montée en charge des emplois d’avenir, le nombre de jeunes inscrits recul de près de 40 000.

C’est encore trop peu, mais cela prouve qu’agir n’est pas vain : stopper le déclin et améliorer les conditions de vie de la jeunesse est possible.

III. La concertation ouverte aujourd’hui était un engagement du gouvernement

C’est parce que nous voulons agir et avancer jusqu’au bout en faveur de l’emploi des jeunes, que nous nous étions engagés à proposer aux partenaires sociaux l’ouverture d’une large concertation sur l’accès au premier emploi durable.

Cette concertation permettra, dans un premier temps, de faire un diagnostic approfondi sur l’insertion professionnelle des jeunes, auquel les organisations de jeunesse sont associées, puis, dans un second temps, en fonction des échanges qui auront eu lieu, nous pourrions proposer une négociation nationale interprofessionnelle, à partir d’un document d’orientation que mon cabinet aura discuté avec les partenaires sociaux.

L’ensemble des acteurs, collectivités territoriales, partenaires sociaux, entreprises, et les jeunes eux-mêmes doivent participer. Je rappelle que les jeunes seront désormais mieux entendus au sein du Conseil d’Orientation des Politiques de Jeunesse qui sera créé dans les prochains jours.

La réunion, cet après-midi, au Ministère du Travail, des partenaires sociaux et des organisations de jeunesse est donc une étape importante sur le chemin menant à une négociation que j’appelle de mes voeux.
Il est nécessaire, dans un premier temps, de faire le bilan des accords nationaux interprofessionnels de 2011, et, parce que ces accords sont déjà anciens, de faire un diagnostic précis et objectif sur la question de l’insertion professionnelle des jeunes en France.

IV. 4 axes de travail envisageables pour cette concertation

Beaucoup d’axes de travail sont envisageables. J’en dénombre pour ma part quatre :

D’abord, le rôle des missions locales. Je crois que les partenaires sociaux, qui participent déjà aux conseils d’administration de nombreuses missions locales, peuvent s’impliquer encore davantage dans leur réussite, et leur permettre de mieux accompagner les jeunes, en particulier les jeunes qui en ont le plus besoin.

Il y a ensuite la question des discriminations. L’insertion des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur qui ne parviennent pas à trouver un emploi, en particulier ceux qui souffrent de discriminations à l’embauche liés à leur origine, ou à leur adresse, est un autre problème très sérieux et que les partenaires sociaux, grâce à leurs outils interprofessionnels, comme l’APEC, peuvent en partie résoudre.

Je pense également qu’il faut sortir de la dichotomie entre deux mondes qui ne se parlent encore pas assez, celui de l’alternance d’une part, et celui de l’insertion et de la formation continue de l’autre, et favoriser toutes les passerelles entre les deux.

Nous y avons contribué durant les dernières années en ouvrant la possibilité de valider les titres du ministère du travail en apprentissage et en rapprochant les OPCA et les OCTA.

Cela signifie que les jeunes des missions locales doivent se voir ouvrir les portes des CFA, mais aussi que les contrats aidés, que ce soit dans le secteur marchand ou dans le secteur non-marchand, doivent être de véritables parcours d’alternance, permettant de valider tout ou partie d’un titre, d’un diplôme ou d’un CQP, à l’image de ce qui a été fait avec les emplois d’avenir, grâce à l’appui des partenaires sociaux. Cela va dans le sens de la modularisation croissante de la formation.

Enfin, je pense que les outils paritaires devraient être davantage mobilisés pour lever les freins périphériques à l’accès au premier emploi, que ce soit en terme de mobilité, d’équipement, de mutuelle, et surtout de logement. Le bilan de l’ANI de 2011, dans ce domaine, devrait nous permettre de proposer des solutions nouvelles à ce problème crucial.

Voici donc en quelques minutes ce que je voulais vous dire aujourd’hui : oui la situation de l’emploi des jeunes est difficile, mais nous pouvons agir, nous avons agi et nous devons continuer d’agir.

Je suis certaine que l’ensemble des partenaires sociaux et des organisations de jeunesse partagent cette préoccupation de l’insertion professionnelle des jeunes et qu’ils auront à cœur de mettre leur expérience, leur expertise et leur sens de l’intérêt collectif au service d’un monde du travail plus fluide, plus émancipateur pour tous les jeunes, plus protecteur pour les plus fragiles et plus en phase avec les espoirs des nouvelles générations.

Je vous remercie.

Lire également : Concertation en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes