Discours de Myriam El Khomri lors de la Conférence internationale sur le thème de l’emploi inclusif - Jeudi 10 novembre 2016

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs,

Je voudrais tout d’abord vous remercier, et en premier lieu remercier l’ADPAT, son président, Emmanuel Constans, et son directeur, Eric Blanchet, d’avoir organisé ce colloque à l’UNESCO sur la question de l’emploi accompagné, et les remercier également d’organiser, pour la vingtième fois cette année, la semaine européenne de l’emploi des personnes en situation de handicap.

Je voudrais remercier également l’ensemble des associations, des structures, qui se sont fédérées depuis plus de deux ans au sein du collectif emploi accompagné France. C’est grâce à elles et grâce au travail approfondi et exhaustif de la députée Annie le Houérou que cette question de l’emploi accompagné a pu prendre toute sa place dans le débat public.

Pour répondre à la question de l’emploi des personnes en situation de handicap, je crois qu’il faut faire preuve de pragmatisme et ne négliger aucune solution. Je ne fais pas, d’ailleurs, d’opposition entre l’obligation d’emploi, d’un côté, et l’obligation d’accompagnement, si vous me permettez cette expression, de l’autre. Un rapport de la DARES publié hier a montré que le taux d’emploi direct des personnes handicapées était en hausse depuis 2012, et que le nombre de travailleurs handicapés, ainsi que leur part dans les effectifs des établissements assujettis à l’obligation d’emploi avait augmenté en 2014.

Il faut aussi améliorer la formation des personnes en situation de handicap, et en particulier des demandeurs d’emploi en situation de handicap, car chacun sait que le niveau de formation des chômeurs en situation de handicap reste très inférieur à celui de l’ensemble des chômeurs et plus encore à celui de l’ensemble des actifs. C’est aussi le sens du plan de 500 000 formations pour les demandeurs d’emploi : un état des lieux précis sera fait au CNEFOP dans les prochains jours et il établira que les demandeurs d’emploi en situation de handicap font bien partie des publics prioritaires de ce plan.

Par ailleurs, vous le savez, la loi Travail comprenait de nombreuses dispositions sur la formation des personnes peu qualifiées, notamment une majoration du nombre d’heures que les salariés qui n’ont pas obtenu un premier niveau de certification (BEP ou CAP) obtiennent chaque année, en le faisant passer de 24 à 48 et porte le plafond à 400 heures. Cette disposition devrait être particulièrement favorable aux personnes handicapées puisque plus du quart des demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi ont un niveau de formation inférieur au CAP.
Elle intègre surtout en droit français, bien sûr, la notion d’emploi accompagné. Et, je le dis dès maintenant, ce n’est pas un dispositif expérimental : c’est une véritable avancée et une avancée décisive.

La décision de lancer une mission parlementaire sur le sujet de l’accompagnement dans l’emploi avait été prise lors du comité interministériel du handicap du 25 septembre 2013. Je tiens à saluer le remarquable travail, et notamment la large concertation, qu’a mené Annie le Houérou, députée des Côtes d’Armor, dans le cadre de cette mission parlementaire. Son rapport a clairement établi qu’il ne suffisait pas de placer des demandeurs d’emploi dans les entreprises, mais qu’il fallait aller vers un accompagnement pérenne de la personne handicapée employée en milieu ordinaire, si elle le souhaite, si elle en manifeste le besoin. C’est une petite révolution dans la façon de penser les parcours professionnels des personnes handicapées.

Cet accompagnement doit permettre, bien entendu, de répondre aux besoins des personnes handicapées, mais aussi à ceux des employeurs et des collègues, afin de faciliter l’intégration des personnes handicapées dans les équipes et de faire de l’environnement de travail un lieu d’apprentissage, formel et informel. Cette reconnaissance de l’utilité de l’emploi accompagné est une étape essentielle sur le chemin de la société inclusive que nous ambitionnons de bâtir ensemble. Elle doit, en particulier, permettre de mieux aider celles et ceux qui vivent avec un handicap psychique : ce handicap doit être mieux pris en compte dans le monde du travail.

L’emploi accompagné participe bien d’une nouvelle logique : placer puis former, dans la mesure du possible, plutôt que former et placer.

La Garantie Jeunes, qui est expérimentée depuis déjà deux ans, procède de la même logique de l’emploi d’abord. Elle fait le pari que l’accompagnement des jeunes les plus éloignés de l’emploi peut être efficace, s’il est intensif et personnalisé, et s’il combine, dès le début du parcours, une pluralité d’expériences d’emploi et la possibilité de se former et de se qualifier. Ce pari est en voie d’être tenu : le rapport du comité scientifique présidé par Jérôme Gautié a montré que les jeunes bénéficiaires de la Garantie Jeunes étaient bien ceux qui connaissaient les situations sociales et professionnelles les plus difficiles et que la Garantie Jeunes facilitait le retour à l’emploi, et en particulier à l’emploi marchand et durable.

Certes, des dispositifs temporaires existent déjà pour accompagner les personnes handicapées, et des initiatives remarquables ont vu le jour, grâce à la ténacité et à la force de conviction des acteurs du monde associatif – je pense en particulier à MESSIDOR qui avait témoigné lors de la dernière Conférence Nationale du Handicap - grâce au potentiel d’innovation sociale du monde du handicap.

J’ai souhaité, en amont de la concertation sur le projet de décret, qu’une réflexion approfondie soit menée avec le monde associatif et les acteurs du handicap pour ce décret corresponde bien à leurs attentes. Le premier projet a été amendé, a été discuté, et je me réjouis de voir que le texte proposé lundi à la CNCPH, puis mardi au CNEFOP, ait fait l’objet d’une large approbation.

Je serai attentive à ce que toute l’expérience et toutes les réflexions des acteurs du monde du handicap sur ce sujet – je pense en particulier au travail très approfondi mené par la FEGAPEI (Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles) avec son GPS– soit mobilisé pour que cette réforme soit une réussite.

L’enjeu, c’est donc désormais celui de l’institutionnalisation de l’emploi accompagné, de la coordination des acteurs du monde du handicap, et de la qualité de l’accompagnement qui va être proposé.
Ma première exigence portera sur la qualité de cet accompagnement. Le décret définit des critères, et les cahiers des charges définis par les ARS en lien avec les acteurs du monde du handicap doivent également être précis sur le niveau de qualification et l’expérience attendues des futurs référents professionnels.

Ma deuxième exigence, c’est la qualité de la coordination entre les acteurs nationaux et locaux. Une convention sera discutée au plan national avec le FIPHP et l’AGEFIPH : elle permettra de définir les modalités de leur intervention, qui sera ensuite déclinée localement. La mise en œuvre et la montée en charge de l’emploi accompagné ne doivent pas être déconnectés des réflexions et des travaux des autres acteurs que sont les départements et les régions, sur le thème du handicap : c’est pourquoi j’ai souhaité que la mise en œuvre de l’emploi accompagné fasse l’objet d’un travail au sein des programmes régionaux d’insertion des travailleurs handicapés, afin que les mondes professionnels du médico-social et de l’emploi puissent mieux se connaître, échanger davantage et travailler ensemble.

Enfin, je suis également sensible à la dimension européenne de vos travaux et à votre souci constant d’évaluation des politiques publiques.

Vous savez que la dimension européenne des politiques d’emploi et de formation est de plus en plus importante : je défends souvent les positions françaises à Bruxelles, que ce soit au sujet de la prolongation de l’initiative européenne pour la jeunesse ou sur le sujet du travail détaché. Je ne peux donc qu’être sensible à votre effort de penser l’accompagnement des personnes handicapées avec une dimension comparative et européenne.
Enfin, un mot sur l’évaluation : elle est prévue dans le décret, et elle doit se faire sur la base d’un référentiel national que nous établirons dans les prochains mois. C’est la condition pour pouvoir attester demain, en France, comme cela l’a déjà était dans les pays européens qui mettent en œuvre ces dispositifs depuis longtemps, que l’emploi accompagné des personnes en situation de handicap est une réponse adaptée à leurs besoins, à ceux des employeurs, à ceux de la société toute entière.

Je vous remercie.