Commission Nationale de la Négociation Collective

Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs les représentants des organisations syndicales et professionnelles,

D’abord je tiens à vous remercier toutes et tous pour votre présence ce matin afin de vous faire part du montant du Smic horaire qui a été retenu pour l’année 2016 – et que nous puissions avoir un temps d’échange dans un second temps.

Mais avant d’en venir à cette annonce, je souhaite que l’on puisse resituer le contexte économique dans lequel nous nous trouvons et surtout partager avec vous les perspectives pour l’année à venir.

Je laisse la parole à Michel Houdebine, chef économiste de la Direction générale du Trésor.

Intervention de Michel Houdebine

Je vous remercie pour votre présentation, claire et précise. Et je me permets de la compléter car, je le crois, dans ce contexte complexe, nous avons un motif de satisfaction : nous comptons près de 40 000 créations nettes d’emplois salariés marchands entre le 3ème trimestre 2014 et le 3ème trimestre 2015.

Ce résultat est d’autant plus encourageant qu’il succède à trois années consécutives d’importantes destructions nettes d’emploi : -62 000 en 2014, -65 000 en 2013 et -106 000 en 2012.

Cela prouve que la reprise de notre économie est engagée et qu’elle commence à produire ses effets sur l’emploi. Mais cette reprise, Michel Houdebine l’a souligné, est graduelle. Les à-coups qu’elle connaît montrent qu’elle reste fragile, la stagnation des créations d’emploi enregistrée au 3ème trimestre le montre.

Je l’ai dit, ces résultats sont encourageants mais ils sont encore insuffisants face au défi démographique qui est le nôtre : plus de 120 000 créations nettes d’emploi sont nécessaires chaque année pour compenser l’augmentation de notre population active et faire reculer le chômage.

Nous devons donc accompagner encore ce mouvement de reprise afin de stimuler la création d’emploi et faire reculer durablement et massivement le chômage. C’est mon objectif, c’est aussi la priorité de ce gouvernement.

L’équation n’est donc pas évidente entre soutien à la création d’emploi et maintien du pouvoir d’achat des salariés.

Vous le savez, la règle de revalorisation du Smic a été modernisée en 2013 conformément aux engagements pris lors de la conférence sociale de juillet 2012.

Ces critères sont désormais plus justes, notamment parce qu’ils permettent de mieux prendre en compte le poids des dépenses contraintes, le loyer ou l’énergie notamment, qui pèsent relativement plus sur le budget des ménages modestes et parce qu’ils permettent de garantir le pouvoir d’achat des salariés les moins qualifiés.

Vous le savez, la revalorisation annuelle du Smic est conditionnée par deux paramètres :

  • l’évolution annuelle de l’indice des prix (hors tabac) des 20 % de ménages les plus modestes ;
  • et de la moitié de l’évolution annuelle du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier et employé (SHBOE).

Les derniers résultats publiés par l’Insee et la Dares montrent que l’indice des prix a reculé de 0,1 % sur un an et que, parallèlement, la progression du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier et employés a été de 1,2 % sur un an.

Au regard de ces éléments, nous avons décidé de ne pas tenir compte de la baisse de l’indice des prix dans la détermination de la revalorisation du Smic. Et je vous propose à ce titre une revalorisation de 0,6 % du Smic au 1er janvier 2016, à 9,67 € par heure travaillée.

Sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires, le montant mensuel du Smic atteindra 1 466,62 € bruts.

Vous l’aurez compris, dans le contexte actuel, nous considérons qu’un « coup de pouce » n’est pas la meilleure solution pour augmenter le pouvoir d’achat compte tenu de ses effets sur le coût du travail et donc l’emploi.

Pour autant, le gouvernement reste mobilisé en faveur des plus fragiles, des plus précaires et des plus modestes. J’ai conscience de ce que veut dire une fin de mois pour une famille, pour les couples ou les parents isolés qui élèvent parfois seuls des enfants. A quelques jours des traditionnelles fêtes de fin d’année, c’est sans doute d’autant plus difficile.

Je sais tout ça. Et je serai par ailleurs très attentive à ce que des négociations s’ouvrent partout où les minimas conventionnels seront inférieurs au SMIC, parce que ça n’est pas acceptable.

Mais nous considérons que pour favoriser le pouvoir d’achat et pour réduire les inégalités, l’outil le plus juste reste l’impôt. C’est pour cette raison que nous avons privilégié la réduction de la fiscalité de ces ménages :

  • Pour rappel, l’allègement de l’impôt sur le revenu des ménages les plus modestes adopté dès 2014 a bénéficié à 4,2 millions de foyers fiscaux et ont fait sortir plus de 2 millions d’entre eux de l’impôt sur le revenu ;
  • Cet effort s’est poursuivi en 2015 notamment par la suppression de la 1ère tranche de l’impôt sur le revenu. Environ un tiers des personnes imposées ont ainsi vu leur impôt allégé ou supprimé, sans que cette mesure ne pèse sur les autres contribuables ;

Pour l’année 2015, l’Insee prévoit d’ailleurs une forte accélération du pouvoir d’achat du revenu des ménages pour l’année 2015, à +1,7 %, ce qui constituerait sa plus forte hausse depuis 2007.

Cette baisse de l’impôt sur le revenu sera amplifiée en 2016 avec 2 milliards d’euros d’allègement supplémentaires. Huit millions de foyers seront concernés pour un gain moyen de 252 euros.

Vous le savez, dès le 1er janvier 2016, la prime d’activité, prévue dans la loi relatif au dialogue social et à l’emploi sera versée aux travailleurs modestes, dont les jeunes actifs – étudiants et apprentis compris – et constituera également un soutien important à l’amélioration du pouvoir d’achat.

C’est une mesure de justice sociale. Cette prime se justifie pleinement. Elle correspond à une compensation financière importante. C’est un vrai plus pour les ménages les plus modestes.

A titre d’exemple, la prime d’activité sera de 132 euros par mois pour un célibataire salarié à temps plein au Smic, soit 67 euros de plus par rapport au RSA activité et à la prime pour l’emploi, soit bien au-delà d’un coup de pouce.

Plus de 5,6 millions d’actifs dont plus d’1 million de jeunes seront éligibles à la prime d’activité dès 2016.

Enfin, je tiens à vous rappeler mon attachement au Smic qui fera partie du socle de droits intangibles dans la nouvelle architecture du code du travail issue du projet de loi que je prépare.

Je vous remercie.