Intervention de François Rebsamen à l’Assemblée Nationale

Intervention de Monsieur François REBSAMEN, Ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social prononcée à l’Assemblée Nationale le 3 novembre 2014.

Monsieur le président, Madame la présidente de la commission des affaires sociales,
Mesdames et messieurs les députés,

Le budget que je vous présente est un budget d’exigence.
- C’est l’exigence de la lutte contre le chômage.
- L’exigence de faire beaucoup mieux avec à peu près autant.
- L’exigence de répondre efficacement à l’urgence du moment.

Exigence donc dans 3 domaines :
- Exigence d’abord à l’égard des demandeurs d’emploi. La recherche d’emploi doit être effective, évaluée et accompagnée.
- Exigence, ensuite à l’égard du service public de l’emploi, qui doit faire plus et mieux.
- Exigence, enfin à l’égard des entreprises pour lesquelles nous avons fait de grands efforts – ce budget en porte la marque. Elles doivent prendre leur part dans la bataille pour l’emploi.

Mais ce budget d’exigence est aussi un budget d’exception, car un budget globalement stable (affecté par une légère baisse de 3%) dans un contexte de réduction importante de la dépense publique. A titre d’exemple, la subvention à Pôle emploi est inchangée, à 1,519 milliards d’euros.
C’est donc au final un budget d’engagement.
L’engagement politique du Président de la République et du Gouvernement qui confirme que la priorité, c’est l’emploi, dans la droite ligne de 2013 et 2014, durant lesquelles les autorisations d’engagement ont augmenté de 20% !
Mais un budget d’engagement, aussi parce qu’il nous engage à réussir.

Pour 2015, le budget de la politique du travail et de l’emploi s’établit à 11,1 milliards d’euros. C’est un gros effort quand l’Etat participe à hauteur de 19 Md€ à l’effort national de réduction des dépenses de 50 Md€. Or, dans ce contexte la part des dépenses pour l’emploi est stable au sein du budget de l’Etat.
Trois principes nous ont permis de le construire.
1. Améliorer notre intervention sans augmenter les moyens – c’est-à-dire être plus efficaces,
2. Faire en sorte que chaque euro employé soit un euro utile, et ce sans état d’âme, quitte à prendre des décisions difficiles,
3. Recentrer les moyens sur nos priorités, pour en sentir l’effet et tourner le dos au saupoudrage.

1. Premier principe : Améliorer notre intervention sans augmenter les moyens – c’est-à-dire être plus efficaces,

Il n’est pas vrai que la qualité du service public passe par l’augmentation de ses moyens.
Bien sûr, il faut des moyens. Nous les avons accordés à Pôle emploi depuis 2012 : 4 000 ETP supplémentaires sont venus en renfort des équipes existantes.
Maintenant, il faut faire mieux avec ce que l’on a et qui est sanctuarisé pour 2015.
La feuille de route de Pôle emploi est précise. Elle sera déclinée dans le cadre de la Convention tripartite avec l’Unedic et Pôle emploi. Elle vise à améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi tout en développant une offre spécifique pour les plus petites entreprises.
A budget constant, atteindre ces objectifs nécessitera une mise en œuvre progressive, des gains d’efficience et des redéploiements.
J’ai confiance dans Pôle emploi pour y parvenir, et en son directeur général Jean Bassères qui a déjà fait beaucoup. Le contexte est difficile, le nombre de demandeurs d’emploi est en augmentation.
Nous sommes attendus sur l’efficacité. Je sais que la représentation nationale y est attentive.
C’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix – et l’effort – de préserver le budget de Pôle emploi.

Je pense aussi au financement de l’Insertion par l’Activité Economique (IAE). 240 millions y seront consacrés. Le Gouvernement a accru significativement son effort en faveur de ces structures depuis 2012 en majorant les crédits de l’IAE de 40M€ supplémentaires entre 2012 et 2014. En outre, à compter de 2015, l’ensemble des aides au poste sera indexée sur l’évolution du SMIC.
A cela s’ajoutent environ 580 millions pour des contrats aidés dans le domaine de l’IAE qui sont en cours de transformation en aides aux postes (380M€ liés au débasage de 90 000 CAE en 2015).
Au total, c’est un effort de 820 millions.
Mais dans ce cas, l’enjeu est moins sur les montants mobilisés que sur la manière de le faire. La réforme de l’IAE change la donne. Désormais, le mode majeur de financement se fera sous la forme de l’aide au poste. Une forme dynamique, avec une part variable fonction de la réalisation d’objectifs, notamment de retour à l’emploi.
L’efficacité, c’est d’abord une organisation pertinente pour les 4 000 structures et 200 000 salariés de l’IAE.

2. Deuxième principe : Chaque euro engagé doit être un euro utile

Derrière ce principe, des choix ont du être faits. Il a fallu passer au crible chaque dispositif et le juger à l’aune du service rendu. J’ai choisi là aussi l’exigence : ne soutenir que ce qui a fait ses preuves.

a. Je sais que tous les choix ne sont pas consensuels, mais c’est le prix de l’efficacité.

Je pense aux maisons de l’emploi.
Depuis la création de Pôle emploi, la vocation première des maisons de l’emploi a disparu. Dès 2013, nous avons interrogé leur plus-value et confirmé en 2014 le recentrage de leur cahier des charges autour de deux axes et ajusté leur budget en cohérence avec cette réduction du champ d’intervention.
Comme j’ai eu l’occasion de le présenter devant la Commission élargie, dans le contexte de sérieux budgétaire qui caractérise la loi de finances 2015, il nous faut être juste et équilibré.
- Je reconduis au niveau de l’an dernier (26 millions d’euros) leurs crédits de fonctionnement, mais je rejette tout financement spécifique complémentaire.
- Et je m’engage à ce que les maisons de l’emploi aient accès aux crédits d’accompagnement des mutations économiques, lorsqu’elles portent un projet à forte plus-value.

Dans un contexte de chômage de masse et d’allongement de la durée passée au chômage, je fais le choix de soutenir d’abord les structures qui accompagnent directement les chômeurs. L’urgence implique que nos efforts soient concentrés en vue d’offrir rapidement une solution d’emploi, d’activité ou de formation et d’éviter l’éloignement durable du marché du travail.
C’est dans ce sens de la responsabilité collective de nos finances publiques, que le Gouvernement prévoit en 2015 de mobiliser les réserves de l’Association chargée de gérer le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) comme le prévoit l’article 62 du PLF, qui n’affecte en rien la politique de l’emploi des personnes handicapées et qui seront effectivement consacrés aux travailleurs handicapés. J’aurais l’occasion de vous rassurer sur ce point lors de la discussion des amendements.
C’est dans ce même esprit que le Gouvernement va vous proposer aujourd’hui une mesure nouvelle de bonne gestion qui n’affecte en rien les moyens de la politique de l’emploi mais permettra de limiter le coût net de l’enveloppe d’emplois aidés supplémentaires souhaités par les parlementaires pour les finances de l’Etat.
Mon devoir, c’est de gérer au plus juste. Ce budget porte des choix clairs.
D’autant plus clairs que j’ai tenu à ce que ressortent de véritables priorités d’action sur lesquelles j’ai voulu concentrer les masses financières.

3. Troisième et dernier principe : Concentrer les forces sur les priorités
Le cœur de l’action, doit être pour ceux qui n’ont pas d’emploi, à commencer par les jeunes.

a. Un effort massif pour la jeunesse : garantie jeunes et missions locales

Le Gouvernement a décidé d’accélérer le déploiement de la Garantie jeunes pour atteindre l’objectif de 50 000 jeunes dès 2015.
Plus de 160 M€ (+ 100 M€ par rapport à 2014 !) seront mobilisés dont 30 M€ de crédits européens.
C’est un choix très clair, annoncé par le Premier ministre lors de la Grande Conférence Sociale.
La jeunesse est la priorité du mandat. Comment mieux le démontrer ?
La garantie jeunes, c’est un accompagnement de ceux qui sont au bord du décrochage ou déjà décrochés, mais aussi une petite allocation pour pouvoir vivre et de nombreuses périodes d’immersion en entreprise. Oui, il faut que chaque jeune en situation de décrochage puisse se voir offrir rapidement une solution d’emploi, de formation ou de stage de qualité – et qu’à côté de cela, il soit aidé pour ses autres difficultés qui, quand on est fragile, sont insurmontables.
Cela a un coût, c’est vrai. Mais quel est le coût du décrochage ? de l’inactivité de longue durée ? des minimas sociaux ? de la délinquance, parfois ? Et, du désespoir. Il est tellement supérieur !
Donc je l’assume avec fierté.
L’expérimentation de la garantie jeunes est en cours depuis novembre 2013 sur 10 territoires, et sera élargie à 10 nouveaux territoires au 1er janvier 2015. Plus de 50 territoires ont fait acte de candidature pour la suite.

Pour le déploiement de la garantie jeunes, les missions locales sont essentielles.
Comme elles le sont pour l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans.
Au-delà des crédits d’accompagnement dont elles bénéficieront dans le cadre de la garantie jeunes, leurs moyens seront consolidés en 2015 avec 188,8 M€ au titre de la subvention principale de l’Etat, qui avait été accrue de 10 M€ en 2014. Au total, avec les crédits d’accompagnement de la garantie jeunes et des empois d’avenir, ce sont 254 M€ qui seront alloués aux missions locales en 2015.
J’ai bien noté cependant le souhait des parlementaires de majorer l’enveloppe d’accompagnement des emplois d’avenir, en cohérence avec l’augmentation de leur volume. Le Gouvernement confirmera tout à l’heure cette possibilité, qu’il a toutefois souhaité calibrer le plus justement.
Là aussi, vous mesurez dans les faits et les chiffres, que la jeunesse, c’est la priorité ; que l’action locale, c’est l’efficacité ; que la confiance aux élus, c’est une réalité.

D’autant que des résultats sont là. Ils sont timides mais ils sont avérés. Le chômage des jeunes a reculé depuis la mise en place de nos politiques et nous avons atteint l’objectif de 150 000 emplois d’avenir.
Ce budget en porte 50 000 nouveaux sur l’année 2015.
C’est un effort réel de 1,4 Md€ en AE et 1,2 Md€ en CP, mais c’est la récompense de l’efficacité.
Là aussi, j’ai bien en tête le souhait des parlementaires de majorer cette enveloppe de 15 000, ainsi que celle des emplois aidés non marchands. Je soutiens évidemment cette initiative.

b. Les emplois aidés ou le choix du travail

Les contrats aidés constituent un engagement fort du Gouvernement. C’est un outil de sa politique de l’emploi dont il n’a cessé d’accroître la qualité et le ciblage depuis 2012.
Nous ne sommes pas égaux face à l’emploi. Bien sûr, il y a les capacités de chacun, mais il y a aussi le poids des discriminations. Elles sont de tous ordres : l’âge, le sexe, l’origine, le handicap, le poids de son parcours, les déterminations sociologiques, les parcours chaotique de la vie…
Le marché du travail est assez impitoyable… Et il se trompe souvent. La motivation n’est pas fonction du CV, et l’implication n’est pas fonction de l’expérience ?
Il y a du talent inexploité chez beaucoup de ceux qui ne rentrent pas toujours dans la case, dans la norme. Mais pour le trouver, il faut créer un vrai contexte de travail.
C’est la vocation des emplois aidés.
La plus-value des contrats aidés, ce n’est pas de tant de lutter contre le chômage que, par le travail, de créer la possibilité de se sentir utile pour des centaines de milliers de personnes.
C’est fort de cette conviction que le Gouvernement a prévu près de 3 Mds€ (2,98 Mds€) de crédits de paiement pour les emplois aidés en 2015, soit un niveau proche de celui de 2014 (3,2 Mds€). L’initiative parlementaire de majoration du volume des emplois aidés stabilisera cette enveloppe à son niveau de 2014.
Cette enveloppe portera les contrats aidés non marchands à 300 000 (contre 270 000 dans le PLF) pour un montant de 1,6 Md€ (contre 1,6 Md€ dans le PLF).
En outre, je rappelle que l’enveloppe de contrats d’insertion dans l’emploi (CIE) dans le secteur marchand est ambitieuse (200 M€ pour 80 000 CIE). Comme les résultats des CIE sont très positifs, leur nombre sera doublé en 2015. Ils seront concentrés prioritairement sur les seniors, les chômeurs de très longue durée et les travailleurs handicapés.

c. L’apprentissage : des engagements financiers pérennes

Enfin, je voudrais insister sur un engagement fort du Gouvernement. Celui de l’apprentissage.
C’est un des moyens les plus efficaces, pour trouver un emploi, tout le monde l’admet.
Nous donnons à ce dispositif les moyens de vivre et d’attirer plus de jeunes et d’entreprises.
Le Gouvernement a déposé un amendement pour créer la nouvelle aide destinée aux entreprises recrutant un ou des apprentis supplémentaires. D’un montant de 1 000 €, elle sera versée aux entreprises de moins de 250 salariés pour les contrats d’apprentissage signés à partir du 1er juillet 2014.
C’est un jalon de plus dans le soutien à l’apprentissage.
- La réforme du financement de l’apprentissage qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015 avait déjà conduit à dégager plus de 150 M€ de ressources supplémentaires d’ici 2017, à destination des CFA ;
- Surtout, pour les régions, cette réforme du financement consolidera leurs ressources et leur garantira un dynamisme des recettes en les indexant sur la masse salariale. Ainsi, de 2014 à 2015, la croissance des ressources des Régions sera de 65 M€ pour le développement de l’apprentissage, hors compensation des primes apprentissages. Le Gouvernement compense par ailleurs ces primes par l’affectation des crédits budgétaires pour les nouvelles primes mais surtout par des recettes fiscales (TICPE) comme l’a prévu l’article du PLF 2015 que vous avez adopté dans la 1ère partie du PLF 2015 et qui a affecté 255 M€ aux régions à ce titre.
- Il faut bien mesurer ce que ces efforts représentent en contexte contraint. Ils sont à la hauteur de l’enjeu. Et nous y croyons !

Le budget que je vous présente ce soir est un budget de mobilisation immédiate contre le chômage.
C’est le rôle des différents dispositifs, mais c’est également un budget qui prépare l’avenir en mettant l’accent sur les accompagnements qualitatifs indispensables au retour à l’emploi.

Je vous remercie.

Le discours au format pdf :

pdf Intervention de FRebsamen - Assemblée Nationale - 3/11/2014 Téléchargement du pdf (954.8 kio)